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dit-il, qu'à M. Pirot d'avoir le livre en sa possession tant qu'il eût voulu. M. Pirot le nie. M. de Cambrai l'assure seul, et le lecteur équitable doit du moins aussi peu déférer à son rapport, quand il est seul, que lui-même M. de Cambrai défère à celui des autres en cas pareil. Se moque-t-il de tant appuyer sur des faits particuliers avancés en l'air? Nous verrons les autres lettres missives qu'il a imprimées sans l'aveu et contre l'intention de leurs auteurs.

29. Mais encore n'y a-t-il que les lettres qui obligent au secret? Si je lui ai avoué, ce qu'il outre, que dans le temps qu'on me remettoit cette affaire, « je n'avois pas lu saint François de Sales, >> ni le B. Jean de la Croix (1) », ni quelques autres mystiques; d'où il conclut contre moi dans sa Réponse latine à M. l'archevêque de Paris, que j'étois ignorant de la voie mystique; et dans sa Réponse à la Relation, que je ne connoissois point les mystiques (2), en sorte que je voulus qu'il m'en donnát des recueils (3) : lui ai-je permis de profiter de nos secrètes conversations pour affoiblir le jugement que j'ai porté sur les matières qu'on m'avoit remises, en m'accusant par mon aveu, à ce qu'il prétend, de les ignorer?

30. Mais cela n'est pas un secret? Pourquoi n'en est-ce pas un, de me tourner en reproche un aveu particulier qu'on me croit désavantageux? Mais pourquoi les lettres missives de M. de

(1) Rép. ch. 11, 1. obj. p. 35, 36. — (1) Ibid. p. 33. — (3) Ibid.

Cambrai sont-elles plus secrètes? qu'on les relise : on verra qu'il n'y est fait aucune mention de secret dans le fond elles n'ont rien de mauvais ; elles ne font que représenter une soumission qui étoit louable, et ne tourneroit qu'à honneur au prélat qui les a écrites, si sa conduite suivante ne démentoit pas ses bons sentimens sa faute n'est pas de les avoir eus, mais de les avoir changés. Tout est permis à M. de Cambrai : il imprime toutes les lettres et tous les secrets qu'il veut : tout est défendu aux autres, et lui seul peut faire passer tout ce qu'il lui plaît.

M. DE CAMBRAI.

31. « Si elles voient maintenant le jour, dit >> M. de Meaux, parlant de mes lettres secrètes, » c'est au moins à l'extrémité, lorsqu'on me force » à parler, et toujours plutôt que je ne voudrois. >> Qu'est-ce qui l'y force? qu'ai-je fait, que dé» fendre le texte de mon livre depuis un an et » demi en le soumettant au Pape (1) ».

RÉPONSE.

32.1. Ce prélat suppose toujours le fait, qu'il n'a point parlé le premier sur les procédés, sur quoi il vient d'être convaincu.

2. Il suppose que son procédé, que j'ai raconté (2), n'influe pas dans le fond de cette matière; encore qu'il soit constant qu'il détermine

(1) Rép. à la Relat. Avert. p. 7. — (2) Relat. 111.o sect. n. 15, 16, 17.

son livre à un mauvais sens, et au dessein manifestement condamnable, de défendre madame Guyon et sa doctrine, ainsi qu'il a été dit, et la suite achevera de le démontrer.

que

3. Il suppose que c'est ici un fait particulier, pendant qu'il s'agit ou de laisser établir, ou d'étouffer dans sa naissance une secte toujours renaissante, que l'on pare de belles couleurs, comme il a été remarqué dans la Relation.

4. Il suppose enfin, que ce n'est pas une nouvelle raison de faire connoître son injuste procédé, qu'il nous ait voulu réduire à passer pour des hypocrites et des persécuteurs, si nous ne le convainquions par des preuves incontestables et par son propre témoignage.

§. VI. Réflexions sur les faits rapportés en cet article; et comment on les doit qualifier.

33. Le

sage

lecteur décidera comment on doit appeler les suppositions dans le fait, qu'on vient de marquer dans cet article.

34. 1. Que l'auteur n'a fait dans ses livres que soutenir son texte et les dogmes, sans en venir aux procédés, et sans y venir le premier (1).

2. Que je n'ai point répondu aux dogmes; et que c'est faute d'y pouvoir répondre, que j'en suis venu aux procédés (2).

3. Il ne s'agit pas de savoir si j'y ai bien répondu ou non, mais si l'on peut supposer comme

(1) Voy. ci-dessus, §. 4. — (2) Ci-dessus, §. 1 et 2.

certain, dans le fait, que je n'y ai point répondu ni pu répondre.

4. Que j'ai révélé un secret de confession, et fait pis que le révéler dans toute son étendue (1).

5. Comment ces suppositions dans le fait peuvent être qualifiées : et si l'on n'en peut pas conclure que cette Réponse n'a rien de grave ni de sérieux, puisque l'auteur n'y fait qu'éblouir le monde, et suivre sa plume échauffée, ou le désir de me contredire ce qui paroît principalement dans l'accusation de la confession révélée, et dans la supposition comme constante, que je n'en puis plus.

ARTICLE II.

Sur le Chapitre 1. de la Réponse de M. de Cambrai, où il justifie son estime pour madame Guyon.

I.

§. I. Quelle étoit l'estime de ce prélat.

M. DE CAMBRAI.

1. Il faut voir, avant toutes choses, quelle étoit l'estime que M. de Cambrai avoit conçue de madame Guyon, et considérer ensuite, si les témoignages sur lesquels il se fonde y sont propor

tionnés.

2. « Cette personne, il est vrai, me parut fort » pieuse. Je l'estimois beaucoup je la crus fort expérimentée et éclairée sur les voies inté

(1) Ci-dessus, §. 3.

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>> rieures; quoiqu'elle fût fort ignorante, je crus apprendre plus sur la pratique de ces voies en » examinant avec elle ses expériences, que je » n'eusse pu faire en consultant des personnes plus savantes, mais sans expérience pour la pra»tique. On peut apprendre tous les jours en étu» diant les voies de Dieu sur les ignorans expé>> rimentés n'auroit-on pas pu apprendre pour » la pratique, en conversant par exemple avec le » bon frère Laurent? Voilà ce que je puis avoir » dit à M. l'archevêque de Paris, et à M. de Meaux, » en présence de M. Tronson (1) ».

RÉPONSE.

3. Encore qu'il affoiblisse ce qu'il nous a dit de cette femme, il nous suffit qu'il l'ait regardée comme une personne dans laquelle les voies parfaites étoient pour ainsi dire si réalisées, qu'on les y voyoit comme en celles qui sont enseignées de Dieu par l'onction de son esprit, telles que sont les personnes saintes. Son estime a encore deux caractères : l'un qu'il la fait passer à ceux qui le croient : l'autre, qu'elle s'étend jusqu'à ses livres, à la manière qui a paru dans son Mémoire (2), et que la suite fera mieux connoître.

4. Ce fondement supposé, il faut maintenant considérer si les témoignages qu'il rapporte, sur le sujet de cette femme, sont proportionnés à l'estime qu'il avoit pour elle : voici le premier.

(1) Rép. à la Relat. ch. 1, p. 19.· . (2) Mém, de M. de Cambrai : Relat. 17. sect. n. 9, 11, 22, 23. v.a sect. n. 9, 10, 11.

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