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tiques; si par conséquent il n'est point de ceux contre lesquels il faut encore se précautionner; et si ce qu'il appelle des précautions ou des correctifs, n'est pas plutôt une foible mitigation, colorée ou palliative de grandes erreurs. Il ne faut point se fâcher de ces expressions, qui sont nécessaires à expliquer précisément la difficulté: et quoi qu'il en soit, on ne doit point oublier que dès le premier pas, et dans son titre, l'auteur du nouveau systême est sorti du dessein de la simple comparaison, qu'il nous avoit proposée; puisqu'il est contraint d'avouer que tout est plein d'exagération dans les passages qu'il cite.

CHAPITRE III.

Règle pour juger des expressions exagératives.

ON dira: Vous nous rejetez dans la discussion pénible et embarrassante que vous promettiez d'éviter. Vous nous montrez bien, par l'auteur, qu'il s'est servi de passages exagératifs, mais il faudroit une règle pour bien entendre ce qu'il en faut rabattre. Il est vrai; et l'auteur du nouveau systême, qui met le fort de sa cause dans des passages d'une manifeste exagération, devoit donner cette règle: autrement il se rend le maître de pousser ou de tempérer à sa fantaisie les expressions excessives, et il compose un systême arbitraire. Mais ce qu'il n'a pas voulu ou qu'il

n'a pu faire, je le vais faire pour lui: voici la règle.

Toutes les fois qu'on fait avancer à ceux qu'on suppose saints, des impiétés, des blasphêmes, de manifestes erreurs contre le fondement de la foi, il faut croire que c'est exagération, et en rabattre ce qui renferme l'erreur, ou ce qui y conduit. La règle est simple autant que sûre : autrement on feroit les saints téméraires, blasphémateurs, errans contre les principes de la foi ce qui est impie et contradictoire.

Je me confie en notre Seigneur, que la seule proposition de cette règle commence à ouvrir les yeux d'un sage lecteur sur la plupart des passages du nouveau systême: et lorsqu'il entend les saints ou les pieux spirituels, par exemple, une bienheureuse Angèle de Foligni, un saint François de Sales, un Louis de Blois; si l'on veut, un frère Laurent et les autres, ne parler que de désespoir et de désespoir horrible, et tout ensemble vouloir aimer, faire pénitence, continuer à servir Dieu jusqu'à la fin, pendant qu'ils se croient damnés ou le voulant être, on voit bien que c'est un transport qui emporte une visible exagération : mais pour ici rectifier toutes ses idées, et n'en prendre que de certaines, je donnerai quelques principes de solution à tous ces passages évidemment dérivés de cette règle.

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CHAPITRE IV.

Sept principes généraux de solution tirés de la règle précédente et de l'autorité des saints.

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Le sacrifice du salut n'a été proposé par aucun des saints, que sous condition et par supposition impossible exprimée ou sous-entendue. La preuve en est claire, par les exemples du dévouement de Moïse et de l'anathême de saint Paul, qui sont les deux seuls qu'on allègue en ce sujet. Ils parlent tous deux absolument : Je voulois étre anatheme, dit saint Paul (1), Si vous ne pardonnez pas à ce peuple, effacez-moi du livre de vie (2), et ainsi la condition impossible n'est point énoncée dans leurs discours. Néanmoins saint Chrysostôme, c'est-à dire le plus grand auteur en cette matière, l'a sous-entendue: «< Saint Paul, dit-il, » se dévouoit pour les Juifs, et vouloit être ana>> thême, s'il étoit possible ». La même raison oblige d'en dire autant de Moïse, qui n'a pas moins vu que saint Paul l'impossibilité de sa demande.

II. PRINCIPE.

L'impossibilité dont il s'agit, n'est pas celle

(1) Rom. ix. 3. Exod. xxxII. 32. ad Rom.

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(3) Hom. XVI, XVII,

in ep.

qu'on recherche dans des spéculations abstraites et métaphysiques; mais celle qui est révélée de Dieu, selon ce que dit saint Paul, que Dieu affermit notre salut << par deux choses selon lesquelles » il est impossible que Dieu mente: quibus im» possibile est mentiri Deum (1) ». Le même apôtre établit encore dans le même chapitre cette impossibilité, en disant : «< Dieu n'est pas injuste, » pour oublier vos bonnes œuvres (2) ». Ainsi l'impossibilité dont il s'agit est de la foi il est impossible que Dieu soit menteur : il est impossible que Dieu soit injuste: il est impossible ni d'être damné, ni de croire qu'on le sera en voulant bien faire, à moins de renoncer à la foi.

III. PRINCIPE.

:

De là il s'ensuit que les saints qui ont fait un tel sacrifice, comme on le suppose de Moïse et de saint Paul, l'ont fait avec une pleine sécurité qu'il n'en seroit rien, et qu'il n'en pouvoit rien être ce sont les paroles de saint Augustin sur Moïse securus hoc dixit: et l'impossibilité en étoit révélée de Dieu.

Ce que saint Augustin a dit de Moïse, le vénérable Bède l'applique à saint Paul. Moïse savoit qu'il ne seroit point effacé du livre de vie : saint Paul savoit qu'il ne seroit point anathême,

IV. PRINCIPE.

Selon ces principes, la béatitude éternelle n'a

(1) Heb. VI. 18.

(2) Ibid. 10.

jamais été arrachée du cœur de ces deux grands saints, pas même lorsqu'ils sembloient y renoncer pour la gloire de Dieu et pour le salut de leurs frères.

V. PRINCIPE.

Il est révélé de Dieu que la charité n'est pas une simple bienveillance qui ne seroit pas réciproque, mais un amour d'ami à ami : ce qui est fondé sur ce que tout amour est essentiellement unitif, ou plutôt c'est l'union même de celui qui aime, avec son objet; laquelle par conséquent doit être présupposée dans tout acte de charité, tel qu'étoit celui de Moïse et de saint Paul.

VI. PRINCIPE.

Cela étant, on peut bien conclure de ces suppositions impossibles, que la charité pourroit avoir un motif plus haut pour aimer Dieu, que celui de sa bonté bienfaisante envers nous et de notre béatitude: ce, motif sera l'excellence de la nature divine: mais elles ne font pas voir, que ces motifs soient séparables, en quoi consiste l'erreur du nouveau systême.

VII. PRINCIPE.

Cette manière de dévouer son salut quand on sait avec une pleine sécurité qu'on ne le peut perdre, mais qu'on l'assure plutôt par un si grand acte, est un transport, un excès que de saints auteurs ont appelé une sage et amoureuse folie, à cause qu'un si beau transport étoit au-dessus

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