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» que l'amour, si ce n'est une vie qui unit deux » choses, ou qui désire de les unir »? de sorte qu'imaginer de l'amour où l'on consente dans le fond d'être désuni, sans se posséder l'un l'autre ; c'est vouloir ôter à l'amour sa propre nature. C'est de là que vient cette doctrine unanime de toute l'Ecole, qui, comme nous avons dit (1), ne connoît de vraie charité que dans l'amitié réciproque.

ADDITION AU CHAPITRE V.

Passage de saint Basile sur le dévouement de Moïse, et sur l'anathême de saint Paul.

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« LE fidèle serviteur de Dieu Moïse fit pa» roître une si grande charité pour ses frères, qu'il choisit d'être effacé du livre de Dieu où » il étoit écrit, si le péché du peuple ne lui étoit pardonné. Et saint Paul osa désirer d'être ana>> thême ou séparé de Jésus-Christ pour ses frères qui lui étoient unis par le sang, voulant à l'exemple du Sauveur, se donner en échange » pour le salut de tous; quoiqu'il sût bien, qu'il » étoit impossible d'être séparé de Dieu, en s'a» vançant par sa grâce et pour l'amour de lui» même à la plus parfaite pratique du plus grand >> commandement; et même que par ce moyen » il devoit recevoir beaucoup plus qu'il ne don(1) Ci-dessus, ch. 1v, princ. 5.

»> noit (1) ». Ainsi, selon saint Basile, aussi bien que selon saint Chrysostôme, loin que Moïse et saint Paul aient laissé affoiblir en eux le désir de leur union avec Dieu, ils sentirent au contraire qu'elle n'en seroit que plus grande par leur abandon.

CHAPITRE VI.

Deux autres principes.

VIII. PRINCIPE.

POUR exciter sa paresse, et s'encourager à courre dans la carrière, on peut, en se proposant principalement la gloire de Dieu, agir aussi en vue de la récompense; et c'est ce qu'a fait David en disant : J'ai porté mon cœur à accomplir vos justices, à cause de la récompense (2): et Moïse, dont saint Paul écrit; qu'en méprisant les richesses et la gloire de Pharaon, il regardoit à la récompense: aspiciebat enim in remunerationem (3). C'est l'expresse définition du concile de Trente (4), qui montre dans les plus parfaits le motif subordonné de la récompense, uni au parfait et principal motif de la charité.

IX. PRINCIPE.

Quand done on entend dire à des ames saintes, que pour s'encourager à servir Dieu, et pour

(1) S. Bas. Reg. fus. interrog. 3. p. 420.· (3) Heb. x1. 26. — (4) Sess. VI. 11.

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(2) Ps. CXVII. 112;

exciter le fond de la langueur que nous portons en nous-mêmes jusqu'à la mort, il ne leur sert à rien de regarder à la récompense, ou bien qu'elles ne se soucient ni d'être sauvées, ni d'être damnées; mais de la seule gloire de Dieu, ou autres choses semblables: si on poussoit leurs expressions à la lettre, on feroit ces ames plus parfaites que les plus parfaits, et on contrediroit ouvertement le saint concile. Ces neuf principes contiennent si bien la claire résolution de tous les passages, que les esprits un peu exercés les pourroient expliquer d'eux-mêmes: mais pour en faciliter l'application, il faut, selon le projet, rapporter les propositions, et y comparer les passages.

CHAPITRE VII.

Propositions du nouveau systême.

1. PROPOSITION; sur l'abandon: que Dieu n'y fait voir aucune ressource, ni aucune espérance à l'intérêt propre même éternel. Max. p. 73.

2. Que les sacrifices des ames désintéressées sont d'ordinaire conditionnels, mais que celui-ci est absolu. P. 86, go.

3. Que le cas qui paroissoit impossible dans le sacrifice conditionnel, paroît alors possible et actuellement réel. P. go.

4. Que l'ame est invinciblement persuadée, d'une persuasion réfléchie, qu'elle est justement réprouvée de Dieu. P. 87.

5. Que la conviction en est invincible. Ibid.

6. Que l'ame est incapable de tout raisonnement; et ainsi qu'il n'est pas question de lui proposer le dogme de la foi, ni de raisonner avec elle. P. 88, 90.

7. Que l'ame est alors divisée d'avec ellemême, et qu'elle expire avec Jésus-Christ, en disant: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avezvous abandonné? P. go.

8. Que cette division consiste à faire le sacrifice absolu de son intérêt propre pour l'éternité, et à regarder le cas impossible, comme réel et actuel.

9. Que l'ame fait en cet état avec le consentement de son directeur un acquiescement simple à la perte de son intérêt propre, c'est-à-dire, comme on vient de voir, de l'intérêt propre même éternel, de l'intérêt propre pour l'éternité, et à la juste condamnation où l'on croit être de la part de Dieu. P. 91.

10. Que c'est par cet acquiescement que l'ame est délivrée : de sorte que sa délivrance dans cette tentation, qui est celle du désespoir, consiste à y succomber. P. 92.

CHAPITRE VIII.

Réflexions sur les propositions précédentes.

Au reste l'acquiescement simple à sa juste condamnation de la part de Dieu, n'est rien de moins ici que l'acquiescement simple à sa damnation éternelle, que l'ame qu'on introduit croit

mériter par ses crimes, sans y voir aucune res

source.

C'est en vain que l'auteur répond (1), que cet acquiescement n'est autre chose à cette ame, qu'une sincère reconnoissance qu'elle mérite d'être damnée car, sans parler encore des autres raisons, on n'a pas besoin d'un avis particulier de son directeur, pour reconnoître qu'on mérite d'être damné: c'est un acte de tous les momens, qui ne présuppose que la persuasion qu'on est en péché mortel, où le directeur n'intervient pas. Cette humble reconnoissance n'est pas aussi un acte qu'on laisse faire seulement : c'est un acte que l'on conseille positivement, pourvu qu'il soit accompagné de la confiance qui fait demander pardon. Mais alors « loin d'acquiescer à sa perte, » ce qui est d'un désespéré; loin de consentir à »sa juste condamnation, l'on y oppose au con>> traire la miséricorde qui en empêche l'effet (2) ».

Il est donc plus clair que le jour, que l'acquiescement simple, dont il s'agit en ce lieu, n'est autre chose qu'un consentement à sa damnation; c'est aussi ce qu'on appelle le sacrifice absolu, et quand après on avoue que dans cet acte consiste la délivrance de l'ame persécutée de la tentation du désespoir, on avoue une tentation, et encore une tentation aussi mortelle que celle du désespoir, à laquelle le vrai remède est d'y succomber.

(1) V. Lett. à M. de Meaux, p. 8. II. Lett. en rep. de M. de Meaux, à quat. Lett. p. 21. (2) Rel, sur le Quiét. ru. sect. n. 3.

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