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RÉPONSE.

Le sens est: 0 Père éternel! je voudrois bien être quitte de cette privation des consolations et de cette peine accablante: mais je me soumets. Il s'agit donc de cette peine particulière, et non pas en général de la juste condamnation que mérite de la part de Dieu l'ame criminelle.

III. PASSAGE.

« Le sacré acquiescement se fait dans le fond » de l'ame en la suprême et plus délicate pointe » de l'esprit (1) ».

RÉPONSE.

On ne voit dans ce passage, non plus que dans les passages précédens, nulle mention de perte absolue de l'intérêt propre, ni de juste condamnation méritée du côté de Dieu. Il s'agit du sincère acquiescement à la volonté divine qui nous envoie cette peine sans nous en montrer la fin : si ce n'est, ajoute le saint, « à la partie haute où » la foi nous assure que le trouble finira ». Il s'agit donc d'une peine qui de sa nature doit finir, et non de la juste condamnation, dont l'effet est interminable. Voilà comme on prouve ce qui est promis si précisément et si solennellement,

(1) Princ. prop, p. 66.

CHAPITRE XV.

Réflexion sur les derniers passages,

NON- seulement on ne trouve rien, dans les passages de l'auteur, qui revienne à ce qu'il promet: mais on y trouve le contraire.

Le premier passage regarde la résignation (1): or nous avons démontré ailleurs, que la résignation aussi bien que l'indifférence, à la porter au plus loin, se borne dans les privations des grâces sensibles, sans jamais passer au-delà, ainsi qu'il est accordé par les Articles d'Issy.

Par-là s'explique le second passage qui n'est qu'une suite du précédent.

J'en dis autant du troisième, qui se trouve six lignes après dans la même page, et dans la continuation du même sujet. Il est donc très-clairement démontré que les trois passages, qui devoient être précis, ont un sens tout opposé à l'auteur.

La réflexion qu'on doit faire ici, c'est que dans l'endroit le plus essentiel du nouveau systême, où son auteur avoit besoin des passages les plus précis, et les avoit promis tels, il n'a fait que se jouer de son lecteur : par où l'on peut juger des autres passages, non-seulement dans cette matière, mais encore dans toutes les autres. (1) Am. de Dieu, liv. 1x, ch. 111.

CHAPITRE XVI.

Suite des auteurs.

IV auteur: Louis de Blois.

« UN homme, dit-il (1), dans les épreuves, » abandonné à lui-même, croit qu'il ne lui reste >> aucune connoissance de Dieu: il croit avoir >> perdu tout son temps, et dans ses actions, quelque bonnes qu'elles soient, il croit offen» ser le céleste époux. Celui qui n'est pas aban» donné (irresignatus, dans le latin, qui n'est » pas résigné, qui n'est pas soumis à souffrir ces peines) croit avoir tout perdu; et par-là » étant tombé dans une profonde tristesse et un >> horrible désespoir, il dit: C'est fait de moi, » je suis perdu ».

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Blosius ajoute (2), « qu'on doit alors s'efforcer, » afin que d'un esprit abandonné et libre on puisse dans l'intérieur être privé de Dieu même, » de soi, et de toutes les créatures, conservant » une véritable paix ». Jusqu'ici sont les paroles citées de Louis de Blois, et l'on voit qu'il parle des épreuves comme un homme qui y a passé.

RÉPONSE.

Nous dirons bientôt ce que c'est

que ces,

Je

(1) Princ. propos. p. 47, 59, 124. Blos. Inst. sp. app. 1, p. 330,

331, 332. — (2) Princ. propos. p. 59. Ibid. p. 124.

crois, d'imagination. Tout le reste n'est qu'exagération c'en est une d'un grand excès que cet horrible désespoir : l'on appelle de ce nom la tentation qui nous y porte, et à laquelle on croit souvent avoir consenti, quoiqu'il n'en soit rien.

Cette perte intérieure de Dieu, avec ce total délaissement à soi-même, est durant certains momens une privation de tout secours aperçu et sensible, pendant laquelle la concupiscence déploie tout ce qu'elle a de malins désirs. Mais ces assurances de sa damnation sont accompagnées d'une sécurité, qu'il n'est rien de tout cela, et n'en peut rien être ; puisque toujours on continue à servir Dieu d'un esprit résigné et libre : animo resignato et libero. De sorte que ce sontlà, comme dans la bienheureuse Angèle, et dans les autres, de pieux excès, et de ces sages folies du saint amour, semblables à celles de la Croix où Jésus-Christ a signalé son amour par des excès au-dessus de toute raison, quand il a dit, Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissé. A Dieu ne plaise que son ame sainte ait pu perdre sa sécurité dans cet effroyable délaissement. En cela il est imité par ses serviteurs, à leur manière, et selon la mesure qui leur est donnée dans les épreuves les plus violentes.

Nous avons vu néanmoins que l'auteur du nouveau systême refuse de convenir de cette sécurité (1); mais c'est disputer contre les saints et contre une tradition constante, que de la nier:

(1) II.¢ Lett. en rép. à celle de M. de Meaux, p. 23.

et ce qui la montre dans l'homme peiné de Blosius, c'est que cet homme exercé par une épreuve si rude est en paix (1), comme le rapporte l'auteur. J'ajoute que Blosius lui fait embrasser sa peine en ces termes. Je vous salue, o amertume trèsamère, pleine de toutes grâces: salve amaritudo amarissima, omni gratid plena : sa sécurité est si grande, au milieu de sa damnation prétendue, qu'il y voit les grâces jusqu'à l'abondance.

Ce sont donc là de pieux excès, de pieuses exagérations, pour exprimer une peine extrême. Mais quelque fortes qu'elles soient, elles sont beaucoup au-dessous de ce que dit de sang froid l'auteur du nouveau systême, puisqu'il y ajoute avec la réflexion, dont Louis de Blois ne parle pas, « l'acquiescement simple à sa juste condam» nation de la part de Dieu, l'incapacité de rai» sonner » en aucune sorte, et par conséquent l'inutilité de parler à cette ame désespérée, ni des dogmes de la foi, ni de la raison : choses si éloignées de Louis de Blois, qu'on n'y en voit pas le moindre vestige.

Il se faut bien garder de prendre pour acquiescement cet abandon, ou pour mieux parler cette résignation, animus resignatus, dont parle ce pieux abbé c'est autre chose d'être résigné à porter sa peine, autre chose d'acquiescer à sa juste condamnation, qui comprend sa perte totale et irrémédiable.

Je reçois donc aisément ce que dit Blosius; (1) Princ. prop. p. 59.

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