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mais non pas ce qu'y ajoute le nouvel auteur: et c'est en vain qu'il rapporte les grandes approbations qu'a méritées un docteur qui est différent de lui par des caractères si marqués.

CHAPITRE XVII.

Règle pour entendre le croire des ames peinées.

AVANT que de passer outre, pour entendre comment on a dit tant de fois, dans les passages précédens, qu'on croyoit être damné; il faut distinguer trois sortes de croire. Il y a premièrement le croire de la partie raisonnable et supérieure, soit par opinion, soit par démonstration et par science, soit par la foi.

Le croire de la science et de la démonstration, s'appelle conviction et jugement fixe; ce que saint Paul attribue aussi à la foi, qu'il a nommée une conviction des choses qu'on ne voit pas (1): et ailleurs aussi jugement, conformément à cette parole: Je n'ai pas jugé que je susse autre chose parmi vous si ce n'est Jésus-Christ (2).

Il y a en second lieu le croire des songes, que l'on exprime aussi quelquefois par voir: je croyois voir, je voyois. Vous voyiez, ô Roi! disoit Joseph à Pharaon, et Daniel à Nabuchodonosor. C'est un croire d'imagination, auquel aussi se peut rapporter le croire de ceux dont l'imagination est blessée: il croit être prince, il croit être (1) Heb. XI. 1. — . (2) I. Cor. 11. 2.

ange: on ne dit pas qu'il le juge, ni qu'il en est convaincu, mais seulement qu'il le croit.

Enfin le troisième croire est celui des ames peinées qui croient consentir aux tentations, qui se voient perdues même sans ressource, et ne croient pas se pouvoir jamais arracher cette impression funeste.

Ce dernier croire de sa damnation tient quelque chose du précédent; mais il suppose dans les ames saintes cette pleine sécurité, qu'il n'en est rien, ainsi qu'elle est expliquée ci-dessus, dans les principes (1).

Quand l'auteur du nouveau systême croit sauver ses persuasions et convictions invincibles de sa juste réprobation par ces croire d'imagination qu'on vient d'entendre, il abuse visiblement son lecteur. Car son croire, quoi qu'il puisse dire, n'est plus un croire d'imagination, non- seulement par le caractère de réflexion et de convic-' tion qu'il y ajoute; mais encore à cause qu'il le réalise par ces trois effets positifs, par l'acquiescement simple, par l'avis du directeur, par le sacrifice absolu; ce qu'on ne trouve dans aucun des saints. Ils n'ont jamais supposé que les ames saintes, qui sont dans les peines, fussent incapables de tout raisonnement contre la parole expresse de saint Paul Que votre service soit raisonnable (2): ni par conséquent, qu'il ne soit plus question de leur proposer ni la raison, ni le dogme de la foi. Toute la pratique des saints, et (1) Chap. IV. - ·(2) Rom. XII. 1.

notamment celle de saint François de Sales, est directement contraire à celle-là. Nous avons démontré ailleurs (1), selon les maximes de ce saint, qu'en quelques peines que soient plongées les ames, on leur doit toujours proposer la bonté de Dieu, qui ne leur manquera jamais; et l'auteur du nouveau systême l'a supposé avec nous dans les Articles d'Issy (2). Ces vérités établies, continuons à examiner les auteurs qu'on nous objecte.

CHAPITRE XVIII.

Suite des auteurs.

Vauteur : le bienheureux Jean de la Croix.

EN pesant toutes les paroles d'un auteur si profond et si solide, on remarquera aisément ce qu'y ajoute le nouveau systême.

er
1. PASSAGE.

« L'ame voit plus clair que le jour, qu'elle est pleine de maux et de péchés, car Dieu le lui >> fait entendre (3) ».

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RÉPONSE.

Elle voit tous les péchés dans la concupiscence qui en est la source, et dans le consentement

(1) Trois. Ecrit, n. 14. Entret. v. Liv. m, Ep. 26; en d'aut. (2) Art. XXXI. — (3) Princ. prop. p. 48. Prologue des

édit. 29.
euv. du bienheureux Jean de la Croix.

qu'elle s'imagine y donner (1), quoique dans le fond de sa conscience elle ne se sente point coupable, puisque le plus souvent elle communie à son ordinaire, et n'abandonne point son oraison.

SUITE DU PASSAGE.

<< Ses confesseurs la crucifient de nouveau (2) ».

RÉPONSE.

En la condamnant comme si elle étoit tombée en ces peines par punition de ses péchés, et la fatiguant de confessions générales, qui ne sont pas de saison circonstance marquée par le bienheureux (3), et qu'il ne falloit pas omettre.

:

SUITE DU PASSAGE.

« Il n'est pas question de ceci ni de cela, mais » de les laisser dans cette purgation, en les con>> solant et encourageant à vouloir cela, tant qu'il plaira à sa divine Majesté (4) ».

RÉPONSE.

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y

a ici deux conseils : l'un de laisser les ames dans cette purgation: l'autre, de les consoler et encourager.

Par le premier conseil, on les oblige à acquiescer, non pas à leur juste condamnation de la part de Dieu; à Dieu ne plaise : mais à la peine que Dieu leur envoie comme à une peine

(1) Ci-dessus, ch. x.-(3) Princ. prop. Ibid. — (3) Prologue. (4) Princ. prop. Ibid.

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médicinale, en s'abandonnant à Dieu, comme à celui qui a soin de nous (1): Quoniam ipsi cura est de vobis.

Pour ce qui est du second conseil, si on avoit bien compris ce que c'est que les consoler, on n'auroit pas dit qu'il ne s'agit pas de leur annoncer le dogme de la foi, ni la bonté de Dieu envers nous, ni aucune raison, parce que cette ame en est entièrement incapable, car la consolation ne peut venir que de ces sources.

SUITE DU PASSAGE.

<«< Car jusqu'alors, quoi qu'elles fassent et quoi » qu'ils disent, il n'y a plus de remède (2) ».

RÉPONSE.

Il ne falloit pas tronquer ce passage en y retranchant ces mots essentiels : « Il n'y a point » de remède qui serve et profite à cette ame pour » sa douleur (3) » : quoique le remède lui serve beaucoup pour la soutenir. Ainsi il ne faut pas cesser de la consoler, bien que ces consolations, au lieu de diminuer sa douleur présente, souvent l'augmentent plutôt dans les momens (4), puisque tout en les augmentant elles ne laissent pas de lui apporter un grand, quoiqu'imperceptible soutien le bienheureux avoit parlé correctement; mais on a outré sa doctrine en altérant son passage.

(3) Princ. prop. p. 49.

(1) I. Pet. v. 7. (2) Prine. prop. Ibid. Obsc. nuit, liv. 11, ch. vu, p. 283. — (4) Ibid.

P.

49.

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