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comme il paroît par les exemples de Moïse et de saint Paul, dont l'un parle du livre de vie, et l'autre de l'anathême ou séparation d'avec JésusChrist.

V. REMARQUE.

Une autre raison pour montrer cette vérité, c'est que le sacrifice conditionnel et de supposition impossible étant un acte de charité et par conséquent d'amitié, (par le principe v, (1)) il suppose la correspondance et un amour réciproque; ce qui prouve que le désir de la jouissance y est nécessairement compris.

VI. REMARQUE.

De là il s'ensuit que tous les passages des pieux auteurs où l'on trouve qu'on ne se met point en peine de son salut, et que ce motif ne sert de rien pour s'encourager à servir Dieu; à la lettre seroient outrés et contraires à l'expresse définition du concile de Trente, (par les principes viii et ix (2)) sans la bénigne interprétation, qui consiste à dire, que la soustraction du salut, quand elle seroit possible, en vivant bien, n'empêcheroit pas que les actes de charité demeurassent les mêmes dans le fond et quant à la substance de l'acte.

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VII. REMARQUE.

Le dessein des pieux docteurs est de faire voir qu'il n'est pas permis d'aimer Dieu en sorte que

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la vie éternelle, et non pas la gloire de Dieu, soit seule et absolument la dernière fin; ou qu'on cessât d'aimer, si par impossible elle manquoit: ce qui paroît manifestement dans le huitième passage, qui est de Sylvius (1).

VIII. REMARQUE.

L'abandon des saints à la volonté de Dieu, pour le temps et pour l'éternité, a pour fondement de passage de saint Pierre: Rejetant en lui toute votre sollicitude, à cause qu'il a soin de vous (2): ce qui fait dire à sainte Thérèse : « Je » m'abandonnois entièrement à ce Roi suprême, » pour disposer absolument de sa servante, selon » sa sainte volonté, comme sachant mieux que » moi ce qui m'est utile (3) » où l'on voit un dénouement parfait des passages qu'on nous objecte de la sainte.

IX. REMARQUE.

Les passages cinquième, treizième et quatorzième, où l'on semble renoncer aux mérites, s'il étoit possible, et même aux vertus, dans la supposition que Dieu ne voulût pas nous les donner, n'ont rien de littéral; car pour les mérites, les vouloit ôter c'est vouloir diminuer les dons de Dieu. Pour les vertus, il y en a que Dieu ne veut pas toujours nous donner, par exemple celles qui ne sont pas de notre état ou besoin présent: (2) I. Petr. v. 7. — (3) Vie, ch, 27. Etats

(1) Chap. précéd. d'Or. liv. ix, n. 6.

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mais les vertus substantielles de la religion, si on disoit autrement que par impossible et par une espèce d'excès, que Dieu ne voulût pas nous les donner, on contrediroit saint Paul, qui a prononcé : La volonté de Dieu est votre sanctification (1).

X. REMARQUE.

Le réduit de cette doctrine, et de tout ce chapitre, est que les passages qu'on nous oppose prouvent bien que dans les épreuves on peut perdre, durant un temps, le sentiment du bien qu'on a, mais non pas avec le bien même ou le don de Dieu, le désir et la confiance de l'avoir au fond: ce qui rend entièrement inutiles tous les passages de comparaison qu'on fait tant valoir.

CHAPITRE XXI.

Autres propositions du nouveau systéme, sur le désir de plaire à Dieu.

OUTRE les dix propositions du nouveau systême que nous avons rapportées, en voici deux étonnantes (2): « On aimeroit autant Dieu, quand » même, par supposition impossible, il devroit » ignorer qu'on l'aime ». Sans doute on ne plaira pas à celui qui ne connoît rien, et ne sait pas même si on l'aime, puisqu'on ne lui plaît qu'en l'aimant d'où il s'ensuivra, selon les principes

:

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de cet auteur, que le désir de l'aimer sera séparé du désir de lui plaire.

:

La démonstration en est claire, si l'on joint à la proposition qu'on vient d'entendre, celle où il est dit que par ces suppositions impossibles on prouve la séparation, non des choses, mais des motifs parce que « les choses qui ne peu» vent être séparées du côté de l'objet, le peu» vent être du côté des motifs (1) ». Si donc on peut aimer Dieu sans désirer de lui plaire, le motif de plaire à Dieu peut être séparé du motif de l'amour qu'on a pour lui: pensée qui n'entra jamais dans l'esprit humain.

C'est aussi à quoi aboutissent les désirs de ceux qui voudroient cacher à Dieu ce qu'ils font pour son service, afin de l'aimer sans aucune vue de la récompense, ce qui emporte en même temps qu'on le veut aimer sans aucun désir de lui plaire, puisqu'on voudroit le pouvoir aimer sans qu'il le sût.

Mais cela étant, que deviendront tant de passages de l'Ecriture et des saints, où toute la piété est réduite au désir et au bonheur de plaire à Dieu? Henoch platt à Dieu, et par-là devient son ami: Placens Deo factus est dilectus (2). David ne demande qu'à lui plaire dans la région des vivans. Le caractère de tous les saints est d'être ceux qui lui plaisent: Le Saint des saints met så gloire à faire toujours ce qui plaît à son Père (3): et on croiroit pouvoir séparer du parfait amour

(1) Max. p. 28.- (2) Sap. iv. 10.'-(3) Joan. VIII. 29.

pas

de Dieu la volonté de lui plaire? Saint Paul met l'essentiel de la religion à connoître Dieu, ou plutôt à être connu de lui (1): on ne peut donc désirer sérieusement de n'en être pas connu : tout ce qu'on trouve au contraire ne reçoit d'excuse que par ces sortes d'excès dont nous avons tant parlé; et les porter jusqu'à ôter au parfait amour le motif de plaire à Dieu, ne peut être qu'un mépris formel de sa parole.

CHAPITRE XXII.

Autre proposition sur l'indifférence à être heureux

et malheureux.

« On aimeroit autant Dieu, quand même, par supposition impossible, il voudroit rendre éter» nellement malheureux ceux qui l'auroient ai» mé (2) » : c'est dans le lieu déjà allégué une autre proposition sur laquelle je fais quatre briè

ves remarques.

1.re REMARQUE.

Par cette supposition, l'auteur introduit l'indifférence à être heureux ou malheureux, d'où suit dans la créature une entière indépendance de tous les jugemens de Dieu, qui ne peut faire ni bien ni mal à ceux que ni le bonheur ni le malheur, ni l'être même ou le non être, n'intéressent en aucune sorte; puisqu'ils mettent la per(1) Gal. Iv. 9.- (2) Max. p. 11.

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