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provinciales, pour l'acceptation du Bref de N. S. P. le Pape, après quoi Bossuet continue:)

L'uniformité des provinces, et pour parler encore plus précisément, le consentement unanime de tous les évêques de l'Eglise gallicane, paroît principalement en trois choses: dans la manière de recevoir la constitution apostolique, dans le fond de la doctrine, et dans l'examen des formalités.

Pour ce qui regarde l'acceptation solennelle de la constitution, les évêques toujours attachés à la tradition, après avoir recherché les exemples des siècles passés, et en particulier ce qui s'étoit fait · en la dernière occasion, qui étoit l'acceptation solennelle des constitutions d'Innocent X, et Alexandre VII, sur les cinq propositions, résolurent d'un commun accord, qu'à ce grand exemple et pour maintenir les droits sacrés des évêques, on y devoit procéder non par une simple exécution, mais toujours avec connoissance, et par forme de jugement ecclésiastique. Ainsi l'avoient entendu ces grands papes saint Innocent, saint Léon I, saint Simplice, saint Grégoire, saint Martin, saint Léon III, Jean VIII, Victor II, Eugène III, et les autres, dont les provinces alléguoient les autorités. Les églises tenoient à honneur de citer les lettres des Papes qui leur étoient adressées, et celles que nos ancêtres leur avoient autrefois écrites dans le même esprit.

Le Pape, comme le chef et la bouche de toute l'Eglise, du haut de la chaire de saint Pierre, dans

laquelle toutes les églises gardent l'unité, annonçoit à tous les fidèles la commune tradition avec toute l'autorité du Prince des apôtres les évêques reconnoissoient dans le décret du premier Siége la tradition de leurs saints prédécesseurs toute vivante dans leurs églises; et ce consentement parfait étoit la dernière marque de l'assistance du Saint-Esprit qui animoit tout le corps de l'Eglise catholique; c'étoit là cet examen que le grand pape saint Léon avoit tant loué. Ainsi, en reconnoissant la divine supériorité du premier Siége, les évêques se conservoient le dépôt de la tradition que Jésus-Christ leur avoit mis entre les mains, et même selon l'ordre naturel, le premier jugement dans les questions de la foi. Mais en même temps ils avouoient que le premier Siége, lorsque le besoin de l'Eglise le demandoit, pouvoit commencer, pour être suivi avec connoissance par les Siéges subordonnés, en sorte que tout aboutît à l'unité catholique. On trouva même dans l'antiquité, et avec le consentement du grand pape saint Léon, un concours des provinces de l'Empire, semblable à celui qui venoit de se pratiquer. Enfin, les actes de ces assemblées sont un trésor d'érudition ecclésiastique, qui ne laisse rien à désirer sur l'ancien ordre de l'Eglise, sur l'autorité des canons, et sur les libertés aussi saintes que modestes et respectueuses que Jésus-Christ nous a acquises par son sang, et dont aussi les Eglises chrétiennes ont toujours été și jalouses.

La chose étoit facile par le fond: les évêques étoient instruits de la matière par les disputes précédentes. Aussi les assemblées n'ont rien oublié de ce qui servoit à illustrer la matière. On est entré dans l'esprit de la censure apostolique en comparant les vingt-trois propositions condamnées, pour en bien connoître le sens par la liaison des principes (1). Tous ont remarqué dans le livre avec une nouvelle doctrine une source d'illusions et de pratiques pernicieuses (2); des prétextes à la négligence, de vaines précisions, des subtilités inconnues à toute la tradition, "qui ôtoient le goût des vérités et des vertus évangéliques; un desséchement de l'oraison au lieu de la perfection qu'on en promettoit; une flatteuse nourriture de la vanité; la ruine de l'espérance, et un affoiblissement de l'attention qu'on doit avoir à Jésus-Christ et à ses mystères (3). On a pénétré à fond la nature du faux amour pur, qui effaçoit toutes les anciennes et les véritables idées de l'amour de Dieu, que nous trouvons répandues dans l'Ecriture et dans la tradition: celui qu'on veut introduire et établir à sa place est contraire à l'essence de l'amour, qui veut toujours posséder son objet, et à la nature de l'homme, qui désire nécessairement d'être heureux (4): On condamne distinctement sur ce principe la prétendue sainte indifférence, et ce prétendu abandon total, où sous prétexte de soumission (1) Procès-verb. de Rouen, d'Albi. (2) De Narbonne, de Bourges. (3) De Rouen. -(4) D'Aix.

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à la volonté de Dieu, qu'on appelle de bon plaisir, on fait consister le plus saint exercice de la religion à sacrifier les ames à la damnation éternelle (1); d'où suit une altération des véritables maximes et du langage des saints.

Le fond si bien pénétré fit passer unanimement toutes les provinces par-dessus certaines formalités, qui néanmoins furent remarquées avec autant de solidité que de respect, pour en éviter les conséquences. Il fut même sagement observé que M. l'archevêque de Cambrai, qui avoit le plus d'intérêt à rechercher les moyens d'affoiblir, s'il se pouvoit, la sentence qui le condamnoit, s'y étoit le premier soumis par acte exprès (2). On remarqua avec joie les noms illustres des grands évêques qu'il avoit suivis dans cette action et à l'exemple du Roi, toutes les provinces s'unirent à louer cette soumission, montrant à l'envi que tout ce qu'on avoit dit par nécessité contre le livre, étoit prononcé sans aucune altération de la charité.

Après que les provinces eurent accepté unanimement avec respect et soumission la constitution apostolique, il restoit encore, que, selon la coutume immémoriale de tous les royaumes chrétiens, il plût à Sa Majesté d'appuyer de sa main royale, et d'ordonner l'exécution d'une décision si authentique. Ce qui fut fait en cette forme:

(1) Procès-verb. de Tours, d'Aix. (2) De Paris.

DÉCLARATION DU ROI,

Qui ordonne l'exécution de la constitution de N.S. P. le Pape, en forme de bref, du 12 mars 1699, portant condamnation d'un livre intitulé: Explication des Maximes des Saints sur la vie intérieure, composé par M. l'archevêque de Cambrai.

Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre: A tous ceux qui ces présentés lettres verront, salut. Les plaintes qui s'élevèrent en l'année 1697, en différens endroits de notre royaume, et particulièrement en notre bonne ville de Paris, au sujet du livre intitulé: Explication des Maximes des Saints sur la vie intérieure, composé par le sieur de Salignac Fénélon, archevêque de Cambrai, l'ayant engagé de porter d'abord au saint Siége cette affaire qui étoit née dans le royaume, et de soumettre au jugement de notre saint Père le Pape la doctrine qu'il y avoit expliquée, Sa Sainteté auroit fait examiner ce livre avec toute l'exactitude que méritent les choses qui regardent la foi; et après y avoir travaillé elle-même durant un très- long temps avec beaucoup de zèle et d'application, elle l'auroit condamné par sa constitution donnée en forme de bref le 12 mars dernier, et auroit ordonné en même temps au sieur Delphini, son nonce, de nous en présenter de sa part un exemplaire, et de nous demander notre protection pour la faire exécuter. Nous l'avons reçue avec le respect que nous avons pour le saint Siége la personne de notre saint Père le Pape;

et pour

et

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