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du purgatoire; et au lieu de dire qu'on offroit le sacrifice pour le soulagement des morts, d'avoir affecté de dire qu'on célébroit le sacrifice en leur mémoire, qui est la façon de parler de saint Augustin et de l'Eglise dans les messes des martyrs et des saints, mais qui ne suffit point du tout les autres morts.

pour

Ce qui est encore plus mauvais, c'est que les Pères de Saint-Vannes ayant relevé une affectation si grossière, M. Dupin leur a dit pour toute réponse, « qu'à la vérité il n'a point parlé du pur» gatoire, parce qu'en effet on n'en trouve rien » positivement dans les Pères des trois premiers » siècles (1) »; de sorte qu'en cet endroit la tradition de l'Eglise demeure défectueuse; et les hérétiques ont cet avantage, que les passages allégués par tous nos docteurs, pour leur prouver le soulagement des ames, ce qui ne diffère point du purgatoire, sont, non-seulement abandonnés, mais encore combattus par M. Dupin.

Sur les Livres canoniques.

Notre auteur, sur ce sujet ne diffère en rien du tout des Calvinistes. Dans son Abrégé de la Doctrine (2), il dit aussi décisivement et aussi cruement qu'eux, « que les Pères des trois pre> miers siècles n'ont point reconnu d'autres livres >> canoniques de l'ancien Testament, que ceux » qui étoient dans le Canon des Hébreux ».

(1) Rép. aux Rem, part. II. p. 61. (2) Abrégé de la Doctr. tom. 1, p. 612.

Pour

Pour montrer qu'ils en avoient reconnu d'autres, les Catholiques ont produit, entre autres choses, le témoignage d'Origène sur l'histoire de Susanne, dans l'épître à Julius Africanus; mais notre auteur leur préfère le ministre Vestemius, qui dit « qu'Origène a défendu la vérité de cette » histoire, sans assurer pourtant qu'elle fût ca>> nonique ». Il veut, comme lui, un passage formel, où Origène ait dit qu'elle est canonique (1); comme si ce n'étoit pas le dire assez, que de dire, comme fait ce Père, qu'elle est une véritable partie d'un livre prophétique, qu'elle est d'un auteur inspiré de Dieu, tel qu'étoit sans doute Daniel, et qu'en cela il faut préférer la tradition de l'Eglise chrétienne à celle des Juifs falsificateurs des livres saints.

Les Catholiques objectent encore aux hérétiques le témoignage de saint Jérôme, qui assure que le concile de Nicée a compris le livre de Judith parmi les saintes Ecritures; mais notre auteur aime mieux en donner le démenti à saint Jérôme (2), que de laisser cet avantage à l'Eglise catholique. Sans doute il sait mieux que saint Jérôme ce qui s'est passé dans ce concile; il en a mieux yu que lui, non - seulement les lettres et les canons qui nous sont restés, mais encore les autres pièces qui en sont émanées. Je ne m'amuserai pas à réfuter ses conjectures, qui sont bien foibles et il me suffit de faire voir le grand soin qu'il a de favoriser les hérétiques, et de désarmer

(1) Rép. aux Rem. t. v11, p. 13. —(2) Tom. 1, Dissert. prél. p. 57. BOSSUET. XXX. 31

l'Eglise. Malgré la décision expresse du concile de Trente, qui oblige précisément, sous peine d'anathême, à recevoir les livres de l'Ecriture sainte avec toutes leurs parties, ainsi que l'Eglise catholique a accoutumé de les lire, et qu'ils sont contenus dans l'édition Vulgate, il rejette hardiment les derniers chapitres d'Esther: il tâche d'ôter à l'Eglise l'avantage qu'elle peut tirer de l'autorité d'Origène, en disant «< qu'on prouve » invinciblement qu'Origène a eu tort de croire » que ces pièces étoient autrefois dans l'origi»nal (1) » : il s'imagine se sauver par l'autorité de Sixte de Sienne (2); mais il est bien plus naturel de condamner cet auteur, que d'absoudre M. Dupin, qui méprise si visiblement l'autorité du concile de Trente.

Enfin on ne peut rien du tout alléguer en faveur de la tradition de l'Eglise, que notre auteur ne se soit étudié à le détruire; ce qui me fait dire qu'il faudra examiner bien soigneusement ce qu'il donnera sur l'Ecriture sainte, puisqu'il paroît d'humeur à donner beaucoup dans le rabbinisme, et à affoiblir beaucoup les interprétations ecclésiastiques.'

Je ne dois pas oublier ici, qu'encore qu'il semble dire que « les livres des Machabées étoient >> tenus pour canoniqués en Afrique du temps de » saint Augustin », il ne laisse pas d'ajouter que ce Père «< ne les a pas crus tout-à-fait de la même » autorité que les autres livres canoniques (5) »;

(1) Rép. qux Rem, p. 19. — (2) Ibid. p. 23. — (3) Ibid. p. 31.

sous prétexte que ce saint docteur a dit qu'en certains endroits il les falloit entendre sobrement; ce qu'on pourroit dire aussi bien de beaucoup d'autres Ecritures canoniques, comme de l'Ecclésiaste et du Cantique des Cantiques. Dans la suite de cet endroit, notre auteur fait de nouveaux efforts pour affoiblir les témoignages anciens qui autorisent les livres que les hérétiques rejettent, jusqu'à dire que « les décisions des » conciles de Carthage et de Rome, et la décla>> ration d'Innocent I (1) », n'étoient pas regardées comme obligatoires, même en Occident, où elles étoient si solennellement publiées. Personne n'ignore le passage qu'il allègue de saint Gré goire; mais il en falloit tirer une toute autre conséquence', plutôt que de faire révoquer en doute à ce saint Pape l'autorité de saint Innocent et de saint Gélase ses prédécesseurs, et celle de son Siége même, encore que personne n'eût réclamé contre.

Sur l'éternité des peines.

Chacun sait l'erreur des Sociniens sur cette matière, et combien elle est pernicieuse, à cause qu'elle flatte les sens. Cependant notre auteur n'a pas craint de leur donner pour patron deux saints martyrs, et deux auteurs aussi importans que saint Justin et saint Irénée (2); et cela sans nécessité, comme on va voir. Ce qu'il y a de plus

(1) Diss. prelim. tom. 1, p. 60. — (2) Sur S. Justin et S. Irénée, tom. 1, p. 161, 197.

mal, c'est que l'objection lui étant faite à l'égard de saint Irénée, il enchérit sur son erreur, selon

sa coutume.

On lui objecte que ce saint martyr reconnoît manifestement que les peines des damnés sont éternelles, et il répond en ces termes : « Je l'a» voue, et saint Justin leur donne aussi ce nom, >> conformément à la manière de parler de l'Ecri»ture et de l'Eglise; mais cela n'empêche pas » qu'ils n'eussent leurs sentimens particuliers; et » sans doute, que si on leur eût demandé ce » qu'ils entendoient par des peines éternelles, ils » eussent répondu qu'ils entendoient des peines » de longue durée, et que le terme d'éternité se » prend souvent dans l'Ecriture pour un temps » bien long, quoiqu'il ait sa fin (1) ». En vérité c'en est trop, et l'on ne peut comprendre comment un théologien, non content d'attribuer à deux martyrs les plus pernicieux sentimens des Sociniens, ose encore deviner leurs pensées, pour leur faire répondre précisément ce que disent ces hérétiques.

La difficulté pourtant n'étoit pas grande; car il n'y avoit qu'à lire saint Irénée, qui dit en termes formels «que les biens qui viennent de » Dieu sont éternels et sans fin, et que pour la » même raison la perte aussi en est éternelle et »sans fin »; et il compare cette perte à l'aveuglement, qui est une privation de la lumière dans un sujet qui existe; en sorte qu'il est visible, (1) Røp. aux Rem. p. 122.

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