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Sur le Divorce.

que

Notre auteur parle fort mal de l'indissolubilité du mariage, même pour cause d'adultère. Car d'abord i abuse d'un passage de saint Justin, pour prouver que la retraite d'une femme chrétienne d'avec son mari, supposoit la liberté de se remarier (1); de quoi saint Justin ne dit pas un mot. La femme n'étoit pas même dans le cas; puisque la cause de la retraite n'étoit pas l'adultère du mari, qui est le cas dont il s'agit, mais l'abus qu'il faisoit du mariage; de sorte que cet exemple que M. Dupin pose comme un fondement, ne fait rien à la question. Pour parler équi tablement de cette matière, il falloit dire l'esprit de l'Eglise a toujours été de permettre la séparation pour cause d'adultère, mais non pas de se remarier. Saint Clément d'Alexandrie en est un bon témoin, quand il dit (2) que a l'Ecri»ture ne permet pas aux mariés de se séparer, • et qu'elle établit cette loi: Vous ne quitterez » point votre femme, si ce n'est pour adultère ; >> mais qu'elle croit que c'est adultère à ceux qui » sont séparés, de se remarier tant que l'un des >> deux est en vie ». Ce seul passage suffiroit pour faire voir à M. Dupin, que, contre sa pensée, on distinguoit dès ce temps-là la liberté de se séparer, d'avec celle d'épouser une autre femme.

(1) Abr. de la Discip. p. 618. Rép. aux Rem. p. 71. Apol. ↳ Just, au comm. — · (2) Strom. lib. 11, p. 424.

Sur le célibat des Clercs.

Il faut aussi apporter un correctif à ce que dit notre auteur sur le mariage des prêtres et des diacres (1). Il est fâcheux qu'en tout et partout, on le trouve si peu favorable aux règles et aux pratiques de l'Eglise.

Sur les Pères et la tradition: et premièrement sur saint Justin et saint Irénée.

C'est l'esprit de la nouvelle critique, de parler peu respectueusement des Pères, et d'avoir beaucoup de pente à les critiquer. Cet esprit est répandu dans la nouvelle Bibliothèque. On a vu ce qu'elle dit sur saint Justin et saint Irénée, et la doctrine impie qu'elle impute, sans raison, à ces deux auteurs. Voici en particulier, sous le nom de Photius, une critique assez rigoureuse de leurs écrits. Photius accuse saint Justin de n'avoir point l'agrément d'un discours éloquent (2): M. Dupin ajoute du sien, « que ce caractère » paroît dans tous ses ouvrages, qui sont extrê» mement pleins de citations et de passages, tant » de l'Ecriture que des auteurs profanes, sans

beaucoup d'ordre et sans aucun ornement (3) ». On pourroit dire à notre critique, qu'il y a dans le Dialogue avec Tryphon, par exemple, plus d'ordre et plus de méthode qu'il ne pense, et plus d'agrément qu'il ne paroît y en avoir senti,

(1) Abr. de la Discip. t. 1, p. 621. (2) Phot. Bibl. cod. cxxv. - (3) Tom. 1, p. 160,

s'il compte pour agrément une belle et noble simplicité. Que saint Justin y cite beaucoup de passages de l'Ecriture, ce n'est pas là un défaut dans un ouvrage dont ces passages devoient faire le fond; et l'ornement naturel qui convient à un tel traité, consiste presque tout dans la netteté, qui ne manque point dans cet ouvrage. Cela, dans le fond, est peu de chose; et je ne le dis que pour avertir M. Dupin, qu'il pouvoit se dispenser d'interposer sur les auteurs son jugement, que personne ne lui demandoit. Mais ce qu'il dit de saint Irénée, sous le nom du même Photius, n'est pas supportable. Voici ses paroles (1): « Le savant Photius a raison de reprendre en lui » un défaut qui lui est commun avec beaucoup » d'autres anciens; c'est qu'il affoiblit et qu'il » obscurcit, pour ainsi dire, les plus certaines » vérités de la religion par des raisons peu so»lides ». Il devoit avoir remarqué que Photius ne dit point cela des ouvrages qui nous sont restés de saint Irénée, c'est-à-dire, de ses cinq livres des hérésies, qui en effet sont trop forts et prouvent trop bien pour mériter la critique de Photius; et ce qui fait voir clairement que ce n'est pas sur ces livres que Photius exerce sa critique, c'est qu'après en avoir fait un très-court sommaire, il ajoute (2) : « Il court plusieurs au>>tres écrits de toutes les sortes, et des lettres du » même saint Irénée; encore que la vérité exacte >> des dogmes ecclésiastiques y soit corrompue »,

(1) Tom. 1, p. 199.1 BOSSUET. XXX.

(2) Phot. cod. cxx.

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ou pour mieux traduire, falsifiée par des argumens batards, c'est-à-dire faux, mauvais et étrangers à la doctrine chrétienne. On voit donc premièrement, que Photius ne parle en aucune sorte des écrits qui nous restent de saint Irénée, qui sont les cinq livres des hérésies; mais de quelques autres ouvrages de ce Père: secondement, qu'il ne dit point que ces écrits et ces lettres soient de lui, mais qu'ils courent sous son nom; aussi, en troisième lieu, ne se contente-t-il pas de dire, comme l'a traduit M. Dupin, « qu'il affoiblit et » qu'il obscurcit, en quelque sorte, les plus cer»taines vérités de la religion, par des raisons » peu solides » ; (car c'est la traduction de M. Dupin prise en partie sur le latin, et sans avoir lu le grec;) mais Photius dit que dans ces écrits, autres que ceux que nous avons de saint Irénée, l'exacte vérité des dogmes est falsifiée κιβδηλένεται par des argumens étrangers à la doctrine chrétienne; ce qui est une faute, que ni Photius ni aucun autre auteur n'ont imputée à saint Irénée.

Il est donc plus clair que le jour, que la censure de Photius ne tombe pas sur les cinq livres des Hérésies : elle ne tombe pas non plus sur une lettre et deux ou trois pages que nous avons de fragmens de saint Irénée, où constamment il n'y a rien que de très-beau. Ainsi elle tombe visiblement sur des écrits attribués à saint Irénée, que M. Dupin n'a pas vus, puisqu'on n'en a plus rien du tout; et toutefois notre auteur, non-seule

ment fait tomber cette critique sur les écrits que nous avons, mais encore il ne craint point d'ajouter que Photius a raison; et afin que saint Irénée ne soit pas le seul qu'il critique, il ajoute: que « ce défaut, d'affoiblir les vérités de la re» ligion, lui est commun avec beaucoup d'autres » Pères »; afin qu'un lecteur ignorant enferme ce qu'il lui plaira dans cette censure générale. Voilà comment ces grands savans et ces grands critiques lisent les livres et décident des saints Pères.

Saint Léon et saint Fulgence.

Qui est-ce qui demandoit à M. Dupin son sentiment sur saint Léon, dont il dit à la vérité,

qu'il est exact sur les points de doctrine, et » habile sur la discipline; mais qu'il n'est pas » fort fertile sur les points de morale: qu'il les » traite assez sèchement et d'une manière qui » divertit plutôt qu'elle ne touche (1) » ? Qu'avoit affaire son lecteur qu'on lui déprimât la morale de saint Léon, sans raison, sans nécessité, sans lui dire du moins un mot du caractère de piété envers Jésus-Christ qui reluit dans tous ses ouvrages? Mais pourquoi dire de saint Fulgence, l'un des plus solides et des plus graves théologiens que nous ayons, « qu'il aimoit les questions » épineuses et scolastiques (2) »? comme s'il s'y étoit jeté sans nécessité; à quoi il ajoute ce petit trait de ridicule pour saint Fulgence, « qu'il (1) Tom. 11, part. II. p, 388. (2) Tom. IV, p. 74.

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