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Il ne

>> donnoit quelquefois dans le mystique ». veut pas que rien lui échappe, ni qu'aucun Père sorte de ses mains sans égratignures.

Le pape saint Etienne.

M. Dupin a traité le démêlé entre le pape saint Etienne et saint Cyprien, avec un entêtement si visible contre ce saint pape, qu'il n'y a pas moyen de le dissimuler. On pourroit remarquer d'abord que le pape est toujours Etienne, et saint Cyprien toujours saint; quoiqu'ils soient tous deux martyrs.

Si M. Dupin vouloit élever la modération de saint Cyprien au-dessus de celle du pape saint Etienne, du moins ne devoit-il pas le louer « de ce » qu'il n'a point prétendu faire la loi au Pape (1) ». Il ne restoit plus qu'à le louer de ce qu'il ne l'avoit pas excommunié. Il devoit se souvenir que saint Etienne avoit droit d'agir en supérieur, comme saint Augustin le reconnoît, mais qu'il n'en pouvoit pas être de même de saint Cyprien.

D'ailleurs, il ne falloit pas dissimuler que si ç'a été à saint Cyprien une marque de modération si digne d'être relevée, de n'avoir point rompu l'unité, cette louange lui est commune avec saint Etienne; puisque (laissant aux bancs la dispute sur l'excommunication prononcée par le Pape) il est bien constant qu'il n'a pas poussé la chose à bout; et saint Augustin nous apprend lui-même que la paix fut conservée de part et d'autre.

(1) Rép. aux Rem. p. 169.

M. Dupin demeure d'accord (1) que la lettre de Firmilien contre le Pape est fort emportée, et il assure que ce fait ne regarde point saint Cyprien; mais il oublie que c'est saint Cyprien qui a traduit cette lettre, qui l'a publiée en Afrique, en un mot, qui l'a approuvée et comme adoptée. La candeur et l'équité, qui doivent être inséparables de la critique, devoient porter M. Dupin à ne pas taire ces choses, et à ne pas charger saint Etienne seul, comme si saint Cyprien n'avoit excédé en rien; encore que saint Augustin, qui le ménage autant qu'il peut, ne l'ait pas excusé en tout.

Loin de conserver cette équité, M. Dupin trouve que «< Firmilien est plus excusable qu'E» tienne, parce qu'il avoit conçu de l'indignation » contre la manière dont Etienne avoit traité les » députés de saint Cyprien ». Ainsi Firmilien, qui avoit appelé du nom de Judas, d'hérétique et de pire qu'hérétique un pape, qui dans le fond avoit raison, est pourtant, selon ce critique, plus excusable que lui.

Mais c'est que M. Dupin ne veut pas demeurer d'accord que le Pape ait eu raison. C'est là sa grande erreur. Car il est constant par saint Augustin, par saint Jérôme, par Vincent de Lérins, que l'Eglise universelle a suivi le sentiment de saint Etienne : que saint Cyprien, et les autres de son parti ne sont excusables qu'à cause qu'ils ont erré avant la définition de toute l'Eglise : qu'après (1) Rép. aux Rem. p. 170.

cette décision, ceux qui ont suivi leurs sentimens sont hérétiques que le décret de saint Etienne étoit fondé sur une tradition apostolique : que ceux qui s'y opposèrent reconnurent eux-mêmes dans la suite, que la doctrine de leurs ancêtres étoit différente de la leur, et qu'ils y revinrent à la fin. M. Dupin dissimule tous ces faits qui sont constans. Il dit bien, à la vérité, « que le senti»ment de saint Augustin a depuis été embrassé » par l'Eglise »; mais il ne veut point dire que << ce sentiment de saint Augustin étoit, selon saint » Augustin même, une tradition apostolique (1) »>: que l'Eglise par conséquent la suivoit déjà avant que d'en avoir fait une expresse déclaration dans ses conciles. Il veut faire croire à son lecteur << qu'on ne s'est point servi, dans l'Orient, de la >> distinction de saint Augustin (2) », c'est-à-dire, de la distinction qu'il falloit faire entre le baptême administré par les hérétiques avec la forme ordinaire, ou sans cette forme. C'est néanmoins cette distinction que saint Jérôme suit aussi bien que lui, et à laquelle il reconnoît que tous les adversaires du pape saint Etienne étoient enfin revenus. M. Dupin aime mieux dire que ceux d'Orient rebaptisoient ou ne rebaptisoient pas les hérétiques, sans avoir aucune raison de cette différence; encore qu'on pût aisément la lui montrer même dans les Pères grecs. Voilà sa théologie. L'on peut voir combien elle est foible, pour ne pas dire erronée.

(1) Tom. 1, p. 404. — (3) Ibid. p. 481.

Il s'obstine à vouloir trouver une aussi grande erreur dans saint Etienne que dans saint Cyprien. On sait d'où il a pris cette critique; mais elle est contraire à ce qu'on vient de voir. On a vu, par saint Augustin et les autres Pères, que ce qu'on opposoit à saint Cyprien étoit une tradition apostolique. Ce n'étoit donc pas une erreur qu'on opposoit à une erreur, mais une vérité constante et ancienne. L'état de la question, comme il est posé par Eusèbe, par saint Augustin, par saint Jérôme, par Vincent de Lérins, par tous les autres, ne charge saint Etienne d'aucune erreur. Il n'y avoit rien de plus droit ni de plus simple que le décret de ce Pape : « Qu'on ne change rien » à ce qui a été réglé par la tradition » (c'est ainsi que le traduit M. Dupin; (1)) et saint Augustin ne se plaint pas que cette tradition fût fausse, puisqu'on vient de voir qu'il la tient apostolique, et qu'il se contente de dire qu'elle ne fut pas d'abord assez solidement prouvée. Ainsi saint Etienne est absous de la critique moderne par le témoignage de tous les anciens. On ne lui peut opposer que ses adversaires, qui dans la chaleur de la dispute ont mal pris ses sentimens. Encore Firmilien, quoi qu'en puisse dire M. Dapin, répète plusieurs fois que l'intention de ce Pape et de ceux qui lui adhéroient, étoit d'approuver le baptême, pourvu qu'il fût conféré au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (2). Tout cela est clair. On ne peut alléguer contre ce fait aucun

Rép. aux Rem. p. 168. — (2) Epist. Firmil. apud Cyp.

auteur ancien de quelque poids, si ce n'est peutêtre un inconnu, qui est l'anonyme de Rigault, dont l'esprit et le raisonnement sont si peu justes, qu'on voit bien qu'il n'est pas capable de juger cette question au préjudice du témoignage de tous les auteurs qu'on vient d'entendre.

Il est vrai que M. Dupin se veut appuyer du décret de saint Etienne, en traduisant ces paroles, » à quacumque hæresi venerit ad vos, de QUELQUE MANIÈRE QUE LES HÉRÉTIQUES EUSSENT ÉTÉ BAPTISÉS, ce qu'il répète par deux fois (1); mais ce n'est pas là traduire, c'est visiblement falsifier le décret du Pape.

Il commet encore une autre faute en traduisant ces mots Manus ei imponantur in pœnitentiam; QU'ON LUI IMPOSE SEULEMENT LES MAINS POUR LE RECEVOIR (2). Avec sa permission, il falloit exprimer le mot de pénitence, qui seul carac térise cette imposition des mains, et en montre la différence d'avec le sacrement de confirmation, par lequel quelques auteurs ont voulu croire qu'on recevoit les hérétiques.

Par tout cela, on voit le génie de la nouvelle critique, qui veut, à quelque prix que ce soit, trouver que les papes ont tort; ce qui dans ce fait est de plus grande conséquence qu'on ne pense; puisque si, dans la dispute qui s'éleva entre saint Etienne et saint Cyprien, les deux partis sont également dans l'erreur, il s'ensuit que la profession de la vérité étoit éteinte dans l'Eglise.

(1) Tom. 1, p. 404. Rép. aux Rem. p. 172. — (2) Rép. p. 169.

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