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trois premiers siècles, en disant qu'ils ont appelé « génération une certaine prolation ou émission » du Verbe, qu'ils imaginent s'être faite, quand » Dieu a voulu créer le monde (1) »; en quoi il commet une double faute : l'une, celle de parler de cette expression, comme si elle étoit de tous les Pères, ce qui n'est pas l'autre est celle de donner cruement, en termes vagues, cette certaine émission du Verbe, que ces Pères imaginoient; ce qui, en soi, n'est qu'un pur galimatias, ou, comme il l'appelle lui-même, une imagination, et encore une imagination fort creuse. Il n'y avoit qu'un mot à dire pour rendre tout cela clair, et tirer ces Pères d'affaire; mais ce n'est pas ici le lieu d'en dire davantage; et il suffit de faire sentir à M. Dupin, qu'en précipitant un peu moins l'édition de ses livres, il produiroit quelque chose de plus correct et de plus profond, comme il est capable de le faire, et l'a fait heureusement en beaucoup d'endroits.

Sur le second concile de Nicée.

La critique de M. Dupin (2), sur ce concile universellement reçu en Orient et en Occident, et expressément approuvé par les conciles suivans, et entre autres par celui de Trente, a scandalisé tout le monde. Elle ne tend en effet qu'à faire voir que presque toutes les preuves dont on se sert dans ce concile, aussi bien que celles qu'Adrien I emploie pour le défendre, sont nulles et peu concluantes; ce qui ne sert qu'à faire pen

(1) Abr. de la Doct. tom. 1, p. 608. — (2) Tom. v, p. 456 et suiv,

ser aux hérétiques que la décision de ce concile est très-mal fondée; puisque, si la réfutation de M. Dupin avoit licu, il ne resteroit rien ou presque rien dont on la pût soutenir. Je ne voudrois point garantir, sans exception, toutes les pièces citées dans ce concile, ni toutes les réflexions qu'ont faites les particuliers qui le composèrent; mais j'oserois bien assurer que les censures de M. Dupin viennent presque toujours de n'avoir pas bien entendu à quoi chaque pièce peut être employée, ni le vrai état de la question. Au reste, quoique vers la fin notre auteur semble prendre un bon parti, ni la prudence, ni la piété, ni la bonne théologie ne permettoient pas de décrier un concile qui a été universellement reçu, aussitôt que la doctrine en a été bien entendue.

CONCLUSION.

Sans pousser plus loin l'examen d'un livre si rempli d'erreurs et de témérité, en voilà assez pour faire voir qu'il tend manifestement à la subversion de la religion catholique: qu'il y a partout un esprit de dangereuse singularité qu'il faut réprimer; et en un mot, que la doctrine en est insupportable.

Il ne faut avoir aucun égard aux approbateurs, qui sont eux-mêmes inexcusables d'avoir lu si négligemment et approuvé si légèrement d'intolérables erreurs, et une témérité qui jusqu'ici n'a point eu d'exemple dans un Catholique. Je sais d'ailleurs que quelques-uns d'eux improuvent manifestement l'audace de cet auteur, et il y en

a qui s'en sont expliqués fort librement avec moimême; ce qui ne suffit pas pour les excuser.

Il est d'autant plus nécessaire de réprimer cette manière téméraire et licencieuse d'écrire de la religion et des saints Pères, que les hérétiques commencent à s'en prévaloir; comme il paroît par l'auteur de la Bibliothèque de Hollande, qui est un Socinien déclaré. Jurieu a objecté M. Dupin aux Catholiques, et on verra les hérétiques tirer bien d'autres avantages de ce livre, s'il n'y a quelque chose qui le note.

Il y a aussi beaucoup de péril que les Catholiques n'y sucent insensiblement l'esprit de singularité, de nouveauté, aussi bien que celui d'une fausse et téméraire critique contre les saints Pères; ce qui est d'autant plus à craindre que cet esprit ne règne déjà que trop parmi les savans du temps.

Il n'y a point d'autre remède à cela, sinon que, l'auteur se rétracte, ou qu'on le censure, ou qu'il sorte quelque témoignage qui fasse du moins voir au public que sa doctrine n'est pas approuvée. Le silence seroit une connivence et une prévarication criminelle. Le plus doux et le plus honnête pour l'auteur, est qu'il se rétracte, mais d'une manière nette et précise. Plus il le fera nettement, plus son humilité sera exemplaire et louable; s'il n'en a pas le courage, il pourra colorer sa rétractation du terme d'explication; et on pourra s'en contenter, pourvu qu'elle soit si nette qu'il n'y reste rien de suspect ni d'équivoque.

Voilà le seul remède au mal qui est déjà fait.

Mais comme l'auteur a terriblement abusé du privilége qui lui a été accordé, il sera nécessaire à l'avenir de mettre ses livres entre les mains de théologiens exacts, qui ne lui laissent rien passer, et qui sachent lui parler franchement.

Je suis obligé d'avertir qu'on doit particulièrement prendre garde à son travail sur l'Ecriture; parce que ce qu'il en a déjà fait paroître, fait voir qu'il penche beaucoup à affoiblir les témoignages de Jésus-Christ et de sa divinité.

C'est un esprit que Grotius a introduit dans le monde savant. On croit n'être point savant, si l'on ne donne, à son exemple, dans les singularités; si l'on paroît content des preuves que jusqu'ici on a trouvées suffisantes; en un mot, si l'on ne fait parade d'un littéral judaïque et rabbinique, et d'une érudition plutôt profane que sainte.

Quoique je parle ici avec la liberté et la candeur que demande la matière, je n'ai dans le fond que de l'amitié pour M. Dupin, dont on rendra les travaux utiles à l'Eglise, si l'on cesse de le flatter, et si l'on peut lui persuader de n'aller pas si vite, et de digérer un peu davantage ce qu'il écrit ; enfin, de rendre sa théologie plus exacte, ét sa critique plus modeste et plus judicieuse.

C'est un ouvrage digne de la piété et de la prudence de M. le chancelier; et je ne prends la liberté de lui présenter ce Mémoire, qu'à cause de la connoissance que j'ai qu'il apportera, par ses lumières, un prompt et efficace remède à un mal qui est fort pressant.

REMARQUES

SUR

L'HISTOIRE DES CONCILES

D'ÉPHÈSE ET DE CHALCÉDOINE,

DE M. DUPIN.

De toutes les pièces dont est composée la Bibliothèque de M. Dupin, les plus importantes par leur matière sont l'histoire du concile d'Ephèse et celle du concile de Chalcédoine. Ses approbateurs le louent d'avoir donné une histoire de ces deux conciles « beaucoup plus précise, >> plus exacte, et plus circonstanciée que toutes » celles qui ont paru » jusqu'à présent. Ils l'en ont cru sur sa parole; puisqu'il se vante luimême, dans son avertissement, « d'avoir décou» vert plusieurs particularités de cette histoire, » inconnues aux auteurs qui l'ont écrite devant » lui ». Ce n'est pas qu'il ait trouvé de nouveaux mémoires, ou de nouveaux manuscrits; il n'a travaillé que sur les livres qui sont entre les mains de tout le monde; mais c'est qu'on nous le propose comme un homme qui voit plus clair que les autres; et lui-même il a bien voulu se donner cet air. On a cru qu'il seroit utile au bien de

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