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pas seulement à y résister: Juvenal, patriarche de Jérusalem, étoit dans le même sentiment: Célestin leur donnoit ses ordres et à tous les autres évêques de l'Eglise grecque; et sa sentence alloit être exécutée sans contradiction, si l'on n'eût eu recours à l'autorité, non de quelque évêque ou de quelque Eglise particulière, quelle qu'elle fût, mais à celle de l'Eglise universelle et du concile œcuménique. Telle étoit la situation de toute l'Eglise orientale. Ces circonstances, qui font voir tous les membres de l'Eglise catholique si soumis et si unis à leur chef visible, méritoient bien d'être marquées ; et je ne sais si l'histoire du concile d'Ephèse avoit rien de plus important. M. Dupin n'en fait rien sentir, et tout ce qu'il lui a plu de nous faire paroître sur cette sentence du Pape, c'est qu'on ne s'en étonnoit pas.

TROISIÈME REMARQUE.

Autre omission aussi importante.

Il étoit important de remarquer, qu'encore que le blasphême de Nestorius, contre la personne de Jésus-Christ, renversât le fondement du christianisme, aucun autre évêque que le Pape n'osa prononcer sa déposition, et cela sert à conclure qu'il n'y avoit que lui seul qui eût droit sur lui, et qui fût son supérieur. M. Dupin n'en dit mot.

Saint Cyrille eut bien la pensée, comme il le dit lui-même, de lui déclarer synodiquement, qu'il ne pouvoit plus communiquer avec lui; ce qu'il semble qu'il pouvoit faire, puisque le clergé et le

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peuple de Constantinople avoient déjà refusé de participer à la communion de ce blasphémateur. Saint Cyrille n'osa pourtant pas le faire : il crut que la séparation d'un patriarche d'avec un autre qui ne lui étoit pas soumis, étoit un acte trop juridique pour être entrepris sans l'autorité du Pape. « Je n'ai pas voulu, dit-il dans sa lettre à » Célestin (1), me retirer de la communion de » Nestorius avec hardiesse et confiance, jusqu'à » ce que j'aie su votre sentiment. Daignez donc » déclarer votre pensée; et si nous devons com» muniquer avec lui ou non ». Le mot grec signifie déclarer juridiquement. Tures, c'est une règle, c'est une sentence; et Tñãσαι tò Soxovv, c'est déclarer juridiquement son sentiment. Le Pape seul le pouvoit faire: Cyrille ni aucun autre patriarche n'avoit le pouvoir de déposer Nestorius, qui ne leur étoit pas soumis, le Pape seul l'a fait, et personne n'y trouve à redire, parce que son autorité s'étendoit sur tous.

Lorsque Jean d'Antioche, avec son concile, osa déposer Cyrille et avec lui Memnon, évêque d'Ephèse, on lui reprocha non-seulement d'avoir prononcé contre un évêque d'un des plus grands siéges, ce qui regardoit saint Cyrille, patriarche d'Alexandrie, mais encore d'avoir déposé deux évêques sur lesquels il n'avoit aucun pouvoir, ce qui convenoit également à Cyrille et à Memnon (2). C'étoient là, dit le concile d'Ephèse, deux

(1) Cyr. Epist. ad Cœlest. Conc. Eph. 1. part. cap. XIV, col. 344. (2) Supp. Cyr. ad Syn. Eph. Act. xv. col. 635. Relat. Syn. ad Cœlest. Ast. v, col. 659.

attentats qui renversoient tout l'ordre de l'Eglise. Mais quand le Pape prononce, surtout en matière d'hérésie, contre quelque évêque que ce soit et quelque siége qu'il remplisse, loin d'y trouver à redire, chacun se soumet; ce qui prouve qu'il est reconnu pour le supérieur universel. M. Dupin n'a voulu parler ni de cette soumission de Cyrille, ni de cet attentat de Jean d'Antioche, encore qu'ils soient très-marqués dans les actes du concile d'Ephèse; et une histoire qui devoit être si circonstanciée, manque absolument de toutes les circonstances qui font voir le droit du Pape. Mais voici encore, sur ce même point, une omission bien plus affectée, et en même temps plus essentielle.

QUATRIÈME REMARQUE.

Omission plus importante que toutes les autres. Sentence du concile tronquée.

S'IL y a quelque chose d'essentiel dans l'histoire d'un concile, c'est sans doute la sentence. Celle du concile d'Ephèse fut conçue en ces termes: « Nous, contraints par les saints Canons et par la » lettre de notre saint Père et comministre Cé» lestin, évêque de l'Eglise romaine, en sommes » venus, par nécessité, à cette triste sentence: >> Le seigneur Jésus, etc. ». On voit de quelle importance étoient ces paroles, pour faire voir l'autorité de la lettre du Pape, que le concile fait aller de même rang avec les Canons; mais tout cela est supprimé par notre auteur, qui met ces

mots à la place (1): « Nous avons été contraints, » suivant la lettre de Célestin, évêque de Rome, à >> prononcer contre lui une triste sentence, etc. >>

On ne peut faire une altération plus criante. Autre chose est de prononcer une sentence conforme à la lettre du Pape, autre chose d'être contraint par la lettre même, ainsi que par les Canons, à la prononcer. L'expression du concile reconnoît dans la lettre du Pape la force d'une sentence juridique, qu'on ne pouvoit pas ne point confirmer, parce qu'elle étoit juste dans son fond et valable dans sa forme, comme étant émanée d'une puissance légitime. Ce n'est pas aussi une chose peu importante que dans une sentence juridique le concile ait donné au Pape le nom de Père. Supprimer de telles paroles dans une sentence, et encore en faisant semblant de la citer : « Elle fut » dit-il, conçue en ces termes » ; et les marques accoutumées de citation étant à la marge, qu'estce autre chose que falsifier les actes publics?

Ces sortes d'omissions sont un peu fréquentes dans la bibliothèque de M. Dupin; mais il les fait principalement lorsqu'il s'agit de ce qui regarde l'autorité du saint Siége. Les Pères de Saint-Vannes l'ont convaincu d'avoir supprimé dans un passage d'Optat, ce qui y marquoit l'autorité de la chaire de saint Pierre (2), et il ne s'en est défendu que par le silence. On en a remarqué autant dans un passage de saint Cyprien; et l'on voit maintenant

(1) Hist. du Conc. etc. Il part. du tom.111, p. 708. —(2) Tom.,

le

le même attentat dans la sentence du concile

d'Ephèse.

CINQUIÈME REMARQUE.

Suite des affectations de l'auteur à omettre ce qui regarde les prérogatives du saint Siége: Observation sur celles qui regardent le concile de Chalcédoine.

PAR une semblable raison, il supprime encore dans la relation du concile à Célestin (1), l'endroit où il est porté, que le concile réservoit au jugement du Pape, l'affaire de Jean d'Antioche et de ses évêques, encore qu'on eût prononcé contre eux. Il y a trop d'affectation à faire toujours tomber l'oubli sur les choses de cette nature, quoiqu'elles soient des plus importantes qu'on pût observer, et qu'il fût aisé à M. Dupin de les marquer en un mot.

Pendant que nous sommes sur cette matière, il est bon de mettre ici les autres remarques de semblables omissions dans l'Histoire du concile de Chalcédoine.

Il rapporte ce qui fut fait sur le sujet de Théodoret, que les commissaires de l'Empereur firent entrer dans le concile, « à cause, dit-il (2), que » saint Léon l'avoit reconnu pour légitime

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évêque, et que l'Empereur avoit ordonné qu'il >> assisteroit au concile ». Il n'oublie rien pour l'Empereur, et il a raison; mais il falloit d'autant moins altérer ce qui regarde le Pape, que

(1) Pag. 718. Conc. Eph. Act. v, col. 666.

BOSSUET. Xxx.

(2) P. 832.

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