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conjectures de l'auteur (1), des faits qui ferment la bouche. Il ne paroît aucun démêlé particulier entre saint Cyrille et Nestorius. Saint Cyrille avoit applaudi avec tous les autres à l'élévation de ce patriarche (2), et il ne l'avoit troublé en rien, jusqu'à ce qu'il eût découvert son impiété. Mais alors le monde n'eut pas besoin d'être excité : tout l'univers s'émut d'abord, et l'Occident s'unit avec l'Orient contre ce novateur. Deux cents évêques, assemblés canoniquement et parfaitement unis, prononcèrent sa sentence avec le Pape et toute l'Eglise latine. C'est une étrange partialité qui soulève tout d'un coup toute l'Eglise. Cette faction prétendue commença à Constantinople, c'est-à-dire, dans le propre siége de Nestorius, où il étoit soutenu par l'autorité du prince, et où tout étoit sous sa main. Cependant il fut d'abord abandonné de tout son clergé et de tout son peuple, sans qu'il en parût d'autre motif que l'horreur qu'on eut de sa doctrine.

Il fut si délaissé, malgré sa faveur et la grandeur de son siége, qu'à peine il put ramasser neuf ou dix évêques, la plupart flétris, déposés, sans siége, hérétiques, Pélagiens, chassés d'Italie, qui cherchoient auprès de lui un vain recours. Vingt-six évêques d'Orient pouvoient bien brouiller, comme ils firent, mais non pas contre-balancer l'autorité d'un si grand concile.

Je ne sais pourquoi M. Dupin veut faire accroire à ses lecteurs, que le zèle du peuple de Con

(1) Pag. 773. — (2) Cyr. Apol. ad Imper. ubi sup.

stantinople s'étoit ralenti : « Les esprits, dit-il (1), » étoient fort partagés à Constantinople : le peu>>ple écoutoit assez favorablement les évêques » d'Orient, non pas dans les Eglises, car on ne » voulut pas les y recevoir, mais dans une >> maison ».

Il est vrai que les députés de ces évêques tenoient de assemblées, où ils se vantoient que le peuple assistoit en foule. Mais tout cela se passoit à Chalcédoine, où ils avoient reçu ordre de demeurer, comme notre auteur le dit lui-même (2). C'est aussi de là qu'est écrite la lettre de Théodoret à Alexandre d'Hieraple, où il est parlé de ces assemblées; et quand on voudroit supposer que le peuple de Constantinople passoit le trajet pour y assister [ce qui néanmoins ne se trouve pas dans la lettre de Théodoret que nous avons dans les Actes], il ne faudroit pas conclure de là que ce peuple se partageât, autant qu'on voudroit nous le faire accroire, sur le sujet de Nestorius; puisque nous voyons dans le même temps tout ce peuple, solennellement assemblé dans la basilique de saint Mocius, martyr, s'écrier tout d'une voix, et par deux fois : Anathême à Nestorius (3). C'est donc une fausseté que le peuple écoutât si favorablement les partisans de Nestorius, et que les esprits fussent si fort partagés.

Pour ce qui est de ces assemblées, on n'en peut

(1) Pag. 779

· (2) P. 727. Init. Act. Conciliab. post Act. vi, col. 725 et seq. (3) Rescript. Ep. inter. Ep. Cath. post Act. vi. col. 754.

tirer aucune conséquence; puisque, de l'aveu de Théodoret, elles se faisoient sans oblation et sans lecture de l'Ecriture, qui étoient les marques d'une assemblée légitime et d'une vraie communion ecclésiastique. On y faisoit des prières pour l'Empereur, et des discours de religion, que l'éloquence de Théodoret et la curiosité rendoient célèbres; et nous voyons par les Actes (1), que personne n'auroit écouté ces évêques partisans de Nestorius, s'ils n'eussent déguisé leurs sentimens.

L'auteur nous veut faire accroire «< qu'ils ne purent venir à Constantinople, à cause des » mouvemens que les moines excitoient »; comme s'il n'y eût eu que les moines qui leur fussent opposés. C'est bien ce que disent ces schismatiques, pour couvrir en quelque façon la répugnance universelle qu'on avoit pour la doctrine et pour le nom même de Nestorius qu'ils soutenoient; mais ce n'est pas la vérité. Tout le clergé et tout le peuple, qui d'eux-mêmes, et sans y être poussés, avoient abandonné leur patriarche, persistoient à se tenir séparés de lui. Vouloir attribuer cette répugnance à la faction des moines, c'est trop donner dans les sentimens des schismatiques.

DIXIÈME REMARQUE.

Outrageantes objections contre le concile, demeurées sans réponse.

PARMI les objections contre le concile, que rapporte M. Dupin, en voici une qui paroît (1) Relat. ad Cælest. etc. ubi sup.

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l'avoir fort touché; car il ne dit pas un mot pour y répondre. « La sentence qu'ils font signifier » (les Pères d'Ephèse) à Nestorius, est conçue » en des termes qui marquent la passion qui les >> animoit A Nestorius, nouveau Judas. N'é» toit-ce pas assez de le condamner et de le dé » poser, sans l'insulter encore par des paroles injurieuses (1) »? A cela il ne trouve rien à répondre. Le concile a tort: saint Célestin aura tort aussi d'avoir appelé Nestorius un loup, sous la figure d'un pasteur (2) : les empereurs Théodose et Valentinien auront excédé, lorsqu'ils ordonnèrent qu'on donnât aux Nestoriens le titre de Simoniens (3), du nom de Simon le Magicien, auteur de toutes les hérésies, et en particulier de celles qui entreprenoient de dégrader le Fils de Dieu. Ils le firent pourtant, à l'exemple de Constantin le Grand, qui ordonna que les Ariens seroient appelés du nom de Porphyre, un païen, ennemi, comme eux, de Jésus-Christ. Il y a de faux modérés, de faux équitables, qui voudroient qu'on épargnât les hérésiarques. Mais l'Eglise n'a jamais été de cet esprit. Elle disoit à tous les évêques, par la bouche de saint Célestin : Duris dura responsio (4): il faut abattre ces superbes: il faut rendre abominables au peuple ces empoisonneurs qui tuent les ames. On appeloit les Nestoriens des Juifs, parce qu'ils nioient, comme les

(1) P. 771. — (2) Epist. Cælest. ad Cler. et pop. C. P. I. part. cap. xix; col. 365. — (3) Conc. Eph. part. III. cap. xLv, col. 1209. Coll. Lup. cap. cxc1.— (4) Epist. ad Nest. part. 1.TM, cap. xvII; col. 353.

Juifs, que Jésus-Christ fût Dieu : on donna le même nom à un évêque, disciple de Nestorius, qui soutint, en sa présence, « que les Juifs n'a» voient été impies que contre un homme (1) ». On crut, et avec raison, qu'il parloit lui-même en Juif, et qu'il tâchoit de purger les Juifs du déicide. Nestorius, qui conspiroit avec eux pour nier la divinité de Jésus-Christ, qui la nioit luimême, qui venoit d'être déposé et de perdre son apostolat pour avoir trahi son maître en blasphémant contre lui, pouvoit bien être appelé un nouveau Judas. C'est sur cela cependant qu'on accuse les Pères d'Ephèse d'animosité et de passion. Il ne sied pas bien à M. Dupin de laisser cette témérité sans réponse; ou s'il a méprisé cette objection, qui en effet n'étoit digne que de mépris, il ne devoit pas étaler son éloquence pour dire, sous le nom d'autrui, des injures à tout un concile.

Il ne répond pas non plus à un autre reproche aussi sanglant qu'il lui fait faire (2), d'être tombé dans le défaut marqué par saint Grégoire de Nazianze, qui est « qu'ordinairement ceux qui » se mêloient de juger les autres, y étoient por»tés plutôt par leur mauvaise volonté, que par >> le dessein d'arrêter les fautes des autres ». Il laisse cela sans réplique; quoique ce fût le lieu de marquer la douceur, les ménagemens, la longue attente, la charité du concile et de saint Cyrille envers Nestorius, et les larmes qu'on ré(1) Conc. Eph. Act. 1.) P. 772.

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