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que des cadences. Quant au manque de liaison, il ne regarde visiblement que la composition et le style, où Photius ne trouve pas ce tissu uni et délicat, qui fait, pour ainsi dire, passer un discours sous la main, sans qu'on y trouve rien de rude ou d'inégal. Car pour la suite ou la force du raisonnement, on vient de voir ce qu'en a dit ce savant auteur. M. Dupin néglige tous ces endroits, par une coutume qui lui est assez ordinaire, de ne chercher dans Photius que ce qu'il croit pouvoir tourner contre les Pères.

Quand on veut se mêler de juger de leurs écrits et d'en faire le caractère, il ne faut point s'attacher à certains ouvrages qu'ils travaillent moins, à cause qu'ils sont destinés à l'instruction des fidèles, qu'ils présument mieux disposés à écouter. Les ouvrages polémiques sont ceux où paroît le plus la force du raisonnement et du génie. C'est par-là principalement qu'il falloit juger saint Cyrille; et sous prétexte qu'il s'est souvent assez négligé, ne le pas donner en général pour un homme qui, s'abandonnant à une mauvaise facilité, ne fait que copier des passages, pousser de grands raisonnemens, et débiter des allégories.

Sur le sujet des allégories, je ne puis dissimuler cette sentence de notre auteur, où parlant des Glaphyres de saint Cyrille : « Ils sont pleins, » dit-il (1), de pensées mystiques; il y rapporte » à Jésus-Christ et à son Eglise tout ce qui est (1) Pag. 100.

» dit dans le Pentateuque: il n'y a point d'his» toire, point de circonstance, point de pré>>cepte qu'il n'applique à Jésus-Christ et au » nouveau Testament ». M. Dupin le trouve mauvais. N'étoit-ce pas en effet un étrange abus à ces premiers chrétiens de vouloir trouver Jésus-Christ partout, et de trouver tout insipide, comme parloit saint Augustin, jusqu'à ce qu'ils l'y eussent trouvé? Quoi qu'il en soit, voilà leur crime, et voici la sentence de l'auteur: « Ces sortes de >> commentaires sont de peu d'usage; car ils ne » servent de rien pour expliquer la lettre : ils » enseignent peu de morale: ils ne prouvent au» cun dogme: tout se passe en considérations métaphysiques et en rapports abstraits, qui ne >> sont propres ni à convaincre les incrédules, » ni à édifier les fidèles ». Je n'entreprends pas ici la défense des allégories, qui ont été dans l'Eglise d'un goût trop universel, pour être si maltraitées; et je dirai seulement que, par ce seul trait, notre auteur fait le procès à tous les saints docteurs, sans épargner l'apôtre saint Barnabé, dont l'épître est toute remplie de telles allégories.

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Tout cela vient du même esprit, qui lui fait dire que saint Augustin s'étend beaucoup sur des réflexions peu solides, et encore que son Traité sur les Psaumes est plein d'allusions inutiles, de subtilités peu solides et d'allégories peu vraisemblables (1), que saint Basile explique les rits (1) Tom. 11, I.re part. p. 696, 697.

de l'Eglise par des raisons si guindées (1), qu'il vaudroit mieux dire tout court que ce sont des coutumes, sans se mettre en peine de rendre raison du culte des chrétiens, quoique saint Paul l'appelle raisonnable: que saint Fulgence, un des plus solides théologiens de l'Eglise, aimoit les questions épineuses et scolastiques, comme s'il s'y étoit jeté avec un esprit curieux, et qu'il donnoit dans le mystique (2) : que saint Léon n'est pas fort fertile sur les points de morale, qu'il les traite assez sèchement et d'une manière qui divertit plutôt qu'elle ne touche (3). N'est-ce pas là un beau caractère de prédicateur, et bien digne d'un si grand pape? Il ne daigne pas même marquer, par un seul mot, cet esprit de piété envers Jésus-Christ que l'abbé Tritheme et tous les autres Catholiques ont ressenti dans ses sermons. Il ajoute encore, que saint Irénée, & par un défaut qui >> lui est commun avec beaucoup d'autres anciens, » affoiblit et obscurcit, pour ainsi dire, les plus » certaines vérités de la religion, par des raisons » peu solides » ; ce qu'il fait dire à Photius, qui n'y songe pas.

»;

Il ne faut pas que M. Dupin espère accoutumer les oreilles des Catholiques à ces dures décisions', à ces censures aussi aigres que téméraires et licen cieuses, dont il a rempli sa Bibliothèque, depuis le commencement jusqu'à la fin. On ne se laissera pas non plus amuser aux vaines excuses qu'il dé

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(1) Tom. 11, p. 553. (2) Tom. iv, p. 74. (3) Tom. 111,

part. II.

թ. 388.

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bite: les Pères, dit-il, sont hommes comme nous, et ne sont pas infaillibles. S'ensuit-il de là qu'il faille étudier leurs défauts, les étaler sans nécessité aux yeux des spectateurs malins, et les censurer avec une dureté si insupportable? Je ne dis rien qui touche à leur sainteté. N'est-ce donc rien qui touche à la sainteté, que de dire de saint Grégoire de Nazianze, qu'il entreprenoit aisément de grandes choses, mais qu'il s'en repentoit bientôt : que lorsqu'il quitta le siége de Constantinople, on le prit au mot plus tôt qu'il n'espéroit (1); et que son humilité, qui lui a attiré tant de louanges, n'étoit qu'une couverture du secret désir qu'il avoit de conserver une si belle place : qu'il a gouverné trois Eglises sans être légitime évêque d'aucune des trois? Tout cela n'est-il rien, encore un coup, qui touche à la sainteté? et pendant qu'un Philostorge, un Arien, ne parle de ce grand homme qu'avec éloge, un auteur catholique ne rougit-il pas d'employer sa plume à le déprimer, et à flatter la malignité des hérétiques de nos jours, envenimés contre lui? « Je n'appelle pas >> saint Augustin novateur; parce que ce terme » signifie celui qui apporte des sentimens nou» veaux sur les dogmes de la foi ». Il ne l'appelle pas novateur. Que fait-il donc, lorsqu'en parlant de la dispute qu'il eut sur la fin de sa vie avec les Marseillois, il l'accuse en tant d'endroits de s'être éloigné des sentimens des Pères qui l'ont précédé? Est-ce que cela n'appartenoit pas aux (1) Tom. 11, p. 598, 655.

dogmes de la foi, et que les décrets de saint Célestin et du concile d'Orange sont inutiles? Espère-t-il qu'il endormira le monde par ces frivoles excuses? Cependant il n'en apporte point d'autres dans le petit écrit à la main qu'il distribue, et il les conclut par ces mots : « Il seroit aisé de dé>> fendre tous les autres jugemens et d'en faire » voir la vérité. Cet examen feroit peut-être plus » de tort aux Pères que le jugement; car on est » libre de me croire ou de ne me pas croire; mais » si l'on apportoit en particulier des preuves de »ces jugemens, tirées des écrits des Pères mêmes, » peut-être que bien des gens ne suspendroient

plus leurs jugemens, qui les suspendent à pré» sent ». C'est ainsi qu'il s'humilie. Au lieu de demander pardon de ses téméraires censures, il prend un air menaçant contre les Pères ; et il veut bien qu'on sache que s'il les entreprenoit, il leur feroit tant de tort, qu'on ne sauroit plus comment les défendre. Dieu le préserve d'un tel dessein; mais quand il l'auroit, Dieu, qui ne manque point à son Eglise, suscitera quelqu'un pour fermer la bouche à ce jeune docteur; et il doit être assuré de ne trouver, dans cette entreprise, d'autres approbateurs que les hérétiques.

SECONDE REMARQUE.

Sentimens de l'auteur sur les douze chapitres de saint Cyrille. Omission essentielle.

L'ENDROIT des ouvrages de saint Cyrille, dont l'auteur a le plus parlé, est sa troisième lettre à

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