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peut-être, Catholiques dans la foi. Je le nie je les maintiens vrais Nestoriens, et l'on en verra bientôt les raisons; mais, en attendant il est bien constant qu'ils rompirent ouvertement avec l'Eglise catholique. Si avec cela l'on est catholique, où en est l'unité de l'Eglise? Cet auteur ne sait ni penser ni parler en théologien je n'en veux pas dire davantage.

:

Passons outre. En expliquant la doctrine de Nestorius, falloit-il dire toujours « qu'il sembloit n'ad» mettre qu'une union morale entre les deux natu» res de Jésus-Christ, et qu'il se servoit d'expres>>sions qui sembloient en diviser la personne (1) »; et remarquez comment il parle : « Il étoit vi»sible, dit-il (2), qu'il avoit nié que la Vierge » pût être appelée mère de Dieu, et qu'il se ser>> voit d'expressions qui sembloient diviser la per>>sonne de Jésus-Christ en deux ». Il étoit visible... il sembloit. On voit bien qu'il craint d'en trop dire sur le second chef de l'accusation, et que Nestorius de ce côté-là ne lui paroît pas trop convaincu. Aussi dit-il, en un autre endroit dont nous avons déjà parlé (3), que saint Cyrille veut le convaincre d'erreur sur le même point. Il évite de dire qu'il l'a convaincu, et de donner trop d'avantage à la bonne'cause contre l'auteur d'une hérésie si pernicieuse. Il sembloit; on veut le convaincre. Ce n'est pas ainsi que saint Cyrille, saint Célestin, tous les Pères et le concile d'E

(1) Tom. III, Il part. p. 152.

p. 111.

(3) Ibid. p. 773. — (3) Ibid.

phèse ont jugé. Tous ont réprouvé Nestorius, non pas parce qu'il sembloit séparer la personne de Jésus-Christ, mais parce qu'il la séparoit en effet. Si ce n'est pas là un point résolu, sur lequel on ne veut pas seulement convaincre Nestorius, mais on le convainc en effet, et si l'on peut dire avec la moindre couleur, qu'il a reconnu une union réelle et substantielle entre les deux natures de Jésus-Christ, de quelle erreur a-t-il pu être convaincu? Car c'est là le fond de son hérésie, dont tout le reste n'est qu'une suite. M. Dupin abuse trop visiblement de l'autorité des théologiens catholiques, de celle du père Petau, de celle du père Garnier et des autres, lorsqu'il répond qu'ils sont demeurés d'accord que Nestorius dissimuloit son erreur, et ne vouloit pas avouer << qu'il y eût deux Christs, deux Fils de Dieu, » deux personnes en Jésus-Christ ». Il est vrai qu'il ne vouloit pas l'avouer en autant de mots; mais il l'avouoit en termes équivalens toutes les fois qu'il disoit que Jésus-Christ n'étoit pas Dieu, ou qu'il ne l'étoit qu'improprement: qu'un enfant de trois mois n'étoit pas Dieu: que la Vierge n'étoit pas mère de Dieu. Dans toutes ces occasions, il découvroit son venin, malgré qu'il en eût, et ne sembloit pas seulement admettre, mais admettoit effectivement deux Fils, deux Seigneurs,

deux personnes,

personnes, dont l'une étoit Dieu, et l'autre ne l'étoit pas. Au lieu donc de nous dire foiblement que Nestorius sembloit diviser la personne de Jésus-Christ, il falloit dire, ce qui est très

vrai, qu'il sembloit quelquefois vouloir en reconnoître l'unité; mais qu'il fut convaincu du contraire, et cela par ses propres paroles, et que c'est là principalement ce qu'on improuva dans sa doctrine. Quelque adresse qu'aient eu les hérétiques, un Pélage, un Célestius, un Nestorius, et les autres, de pallier et d'envelopper leurs erreurs, l'Eglise a bien su les mettre au jour; et ce n'est pas sans raison que saint Célestin donne cette louange à saint Cyrille: « Vous avez parfai» tement pénétré tous les artifices et tous les dé» tours de Nestorius : OMNES SERMONUM ILLIUS » TECHNAS REtexisti (1) ».

Je ne nie pas que l'auteur ne se soit un peu mieux expliqué ailleurs, mais toujours trop foiblement, à cause, comme on a vu, qu'il n'a jamais bien voulu comprendre combien il étoit évident que Nestorius nioit que l'homme Jésus-Christ fût Dieu. Quand on a une fois molli contre une hérésie, tout est foible pour la combattre. Que direz-vous de ces propositions, un Dieu est né, un Dieu est mort? Je ne les condamne pas absolument; et de celle-ci: Marie est mère de Dieu? On le peut dire, et la proposition est vraie en un sens ; et de cette autre: Nestorius divisoit les deux personnes de Jésus-Christ; en a-t-il été bien convaincu? II le semble, et on a voulu l'en convaincre. Comme on affoiblit l'hérésie, on en affoiblit la condamnation. Nestorius fut condamné par presque tous les évêques catholiques: on ne veut pas dire par (1) Epist. ad Cyr. I.re part. cap. xv, col. 348.

tous. Peut-on répondre aux objections qu'on fait contre le concile qui le condamna? Cela n'est pas impossible. On n'est pas ferme sur le dogme: on parle tantôt bien, et tantôt mal on imite en quelque façon Nestorius même, à qui le Pape écrivoit: Vera involvis obscuris: rursus utraque confundens, vel confiteri negata vel nitens negare confessa (1). On n'est pas Nestorien; mais on flatte par certains endroits ceux qui le sont, et on les endurcit dans leur erreur.

DIXIÈME REMARQUE.

Sentimens de l'auteur sur les partisans de Nestorius : premièrement sur Jean d'Antioche.

POUR ce qui est des partisans de Nestorius, M. Dupin est le leur trop déclaré. Il veut toujours supposer qu'ils n'erroient que dans le fait (2): ce qui est vrai de quelques-uns; mais je le nie de Jean d'Antioche: et je le nie encore, mais par un principe différent, d'Alexandre, d'Hiéraple et des autres qui persistèrent dans le schisme.

Pour Jean d'Antioche, sa lettre à Nestorius (3), dont il a déjà été parlé, nous donne tout sujet de croire qu'il étoit orthodoxe, mais qu'il ne pouvoit pas croire, comme l'assure M. Dupin (4), que Nestorius le fût tout-à-fait. Car il ne se contente pas de lui faire voir simplement dans cette lettre, comme l'interprète notre auteur (5), qu'on

(1) Epist. ad Nest. 1.re part. c. XVIII; col. 356. — (2) Pag. 774, 781, 782, 783. — (3) Conc. Eph. I.re part. c. xxv, col. 387. — (4) P. 781.(5) Pag. 157, 777, 781.

pouvoit dire que la sainte Vierge étoit mère de Dieu, et que cette proposition est vraie en un sens. S'il avoit parlé si foiblement, je ne serois pas de l'avis de M. Dupin, et je le croirois mauvais Catholique; mais il parle bien d'une autre sorte, et il démontre que ce terne, MÈRE DE DIEU, étoit « véritable, propre à expliquer le » mystère, reçu de plusieurs saints Pères et des plus illustres, contredit d'aucun, sans aucun » inconvénient, prouvé par saint Paul, néces» saire; puisqu'on ne pouvoit rejeter ce qu'il signifioit, sans nier que Jésus-Christ fût Dieu, » et renverser tout le mystère de l'incarnation; »> ni le taire, sans scandaliser l'Eglise, et y intro» duire le schisme et la nouveauté, contre le pré» cepte de l'apôtre ».

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Cette lettre étant venue à la connoissance de saint Cyrille, il dit qu'il avoit en main une lettre de Jean d'Antioche, « où il reprenoit vivement » Nestorius d'introduire des dogmes nouveaux » et impies, et de renverser la doctrine laissée » aux Eglises par les évangélistes et par les apô» tres (1) ». Il avoit raison, et tout cela se trouvoit dans la lettre de Jean d'Antioche à Nestorius.

Il est vrai aussi qu'il présupposoit alors, que dans le fond Nestorius avoit de bons sentimens, selon le rapport qu'on lui en avoit fait; et c'est pourquoi il le pressoit, en lui disant : « Quelle >> difficulté à confesser ce qu'on pense dans le fond.

(2) Epist. ad Cler. C. P. Act. 1; col. 563.

» On

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