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toute la finesse dont il est capable, comme le peuvent témoigner ceux qui les ont lus, et comme aussi il seroit aisé de le justifier par mes extraits; ce prélat les appelle partout, et dès l'abord quatre fois de suite, « des recueils informes, écrits à la » hâte et sans précaution: dictés avec précipi>>tation et sans ordre à un domestique, et qui >> passoient, sans avoir été relus, dans les mains » de M. de Meaux (1) ». Il devoit du moins ajouter, qu'il les confioit également à M. de Châlons et à M. Tronson, qui, comme moi, peuvent témoigner que quelques-uns étoient de sa main et digérés à loisir, et tous les autres d'un caractère aussi bien que d'un style élégant, correct, où rien ne sentoit la négligence. M. Tronson nous en fit d'abord des extraits qu'on ne lisoit point sans frayeur, tant les propositions en étoient étranges et inouies. Sans doute il en a parlé à M. de Cambrai à qui il aura laissé quelque forte impression contre ces mémoires étonnans, surtout contre celui où l'auteur traitoit de saint Clément d'Alexandrie: c'est donc pour en excuser les erreurs palpables, qu'il les traite d'ouvrages informes, mal digérés et précipités. Et il sent si bien que c'étoit le fond même de la doctrine qui y étoit à reprendre, qu'il ne les sauve qu'en disant que «< ce n'étoit que des recueils secrets et >> informes tant des preuves du vrai, que des objections qu'on pourroit faire pour le faux (2) ».

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(1) Rép. à la Relat. ch. 11, p. 40, 41, 42, 43, 48, etc.- (2) Ibid. Conclus. p. 167.

C'est ainsi qu'en use ce prélat. Quand il parle comme Molinos, ce n'est qu'une objection : quand M. l'évêque de Chartres le convainc par son propre écrit, d'avoir avoué le mauvais sens de son livre sur l'extinction du motif de l'espérance, c'est un argument ad hominem: quand il pousse les choses trop loin, c'est qu'il exagère. Quand est-ce donc qu'il aura parlé naturellement? Il est vrai que dans ces mémoires manuscrits il propose des sentimens si outrés, qu'il est contraint d'avouer qu'il y a de certains endroits d'exagération (1), principalement sur saint Clément d'Alexandrie mais il ne sauroit nier qu'ordinairement les plus grands excès ne soient ses dogmes: et nous savons positivement, que sa gnose, comme il l'appeloit, en traduisant le grec de saint Clément d'Alexandrie, quoique pleine des sentimens les plus outrés, est encore aujourd'hui la règle secrète du parti.

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13. Dans sa Réponse latine à M. l'archevêque de Paris qu'il voudroit bien nous cacher, quoiqu'à Rome il la distribue imprimée à ceux qu'il croit affidés, il ne cesse de répéter, que ses « mé, >> moires manuscrits étoient indigestes; impru» demment, mal-à-propos et précipitamment » dictés; indigesta, incomposita, properè, præ» posterè, incautè et inconditè dictata » : et qu'ils contenoient une matière informe et mal digérée: rudem indigestamque materiam. Dieu est juste: j'avois voulu de bonne foi m'ôter la preuve que (1) Rép. à la Relat. ch. 11, p. 47, etc.

me fournissoient les manuscrits de M. de Cambrai; mais sa conscience le trahit, et ce qu'il en dit justifie assez tout ce que j'en ai raconté dans ma Relation.

14. Bien plus : contre sa pensée et contre la mienne, je l'avoue, ses propres lettres servent encore à le convaincre. Une bonne et sûre doctrine; une conscience assurée et ferme, n'oblige jamais à consulter avec tant d'angoisse : à proposer « de tout quitter, et même sa place : de » s'aller cacher pour faire pénitence le reste de » ses jours, après avoir abjuré et rétracté publi» quement la doctrine égarée qui l'aura séduit (1)». C'est ainsi que parle un homme qui sent qu'il innove, et à qui, malgré qu'il en ait, sa conscience reproche ses innovations. C'est ce que je vois, maintenant qu'il a égalé son obstination à son erreur: c'est ce que je ne voyois pas dans le temps que la soumission qui m'a trompé lui cachoit peut-être à lui-même son propre fond. Quoi qu'il en soit, s'il a voulu me surprendre par les plus fortes expressions, et avec le plus grand air de sincérité; n'est-il point peiné en lui-même du succès d'un tel dessein? Que s'il me parloit sincèrement, et qu'il eût véritablement dans le cœur tout ce qu'il montroit par de si vives expressions, pourquoi, dans l'opinion que j'avois de lui, trouvet-il si étonnant que je l'aie cru? ne puis-je pas lui rendre ses propres paroles, et lui répondre ce qu'il dit lui - même touchant madame Guyon?

(1) Mém. de M. de Cambrai. Relat. 111. sect. n. 4.

« Il me parut que je voyois en elle ces marques d'ingénuité, après lesquelles les personnes droi»tes ont tant de peine à se défier de la dissimula» tion d'autrui (1) ». Pourquoi ne voudroit-il pas que j'aie cru voir en lui les mêmes marques? Veutil dire qu'il étoit visible qu'il ne les avoit pas? N'est-ce pas là s'accuser lui-même en me voulant faire mon procès? Mais il sait bien d'autres détours, et il est temps de découvrir plus à fond encore toutes ses adresses.

ARTICLE IV.

Détours sur l'approbation des livres imprimés de madame Guyon, et de sa doctrine.

1. CEUX qui ne veulent pas croire toutes les souplesses de M. l'archevêque de Cambrai, en vont découvrir une preuve surprenante : car on lui va voir à la fois condamner et absoudre madame Guyon, l'accuser tout ensemble, et s'en déclarer le protecteur et l'Eglise n'a point d'exemple de semblables subtilités.

§. I. Ambiguités.

M. DE CAMBRAI.

2. « Je supposois qu'on pouvoit excuser une » femme ignorante sur des expressions irrégu»lières et contraires à sa pensée, pourvu qu'on

(1) Rep. ch. 1, p. 21.

BOSSUET. XXX.

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» fût bien assuré de sa sincérité. De là vient que

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j'ai parlé ainsi dans le Mémoire que l'on a pro>> duit contre moi: Je n'ai pu ni dú ignorer ses » écrits: quoique je ne les aie pas examinés tous » à fond dans le temps, du moins j'en ai su assez » pour devoir me défier d'elle, et pour l'exami» ner en toute rigueur (1). Ainsi je l'excusois sur » ses écrits par ses intentions, sans vouloir néan» moins approuver les livres : quoique je les eusse >> lus assez négligemment, ils m'avoient paru fort » éloignés d'être corrects.

3. » Pour l'examen rigoureux de ces deux ou» vrages: (du Moyen court, et du Cantique) par » rapport au public, c'étoit son évêque qui devoit » y veiller n'étant que prêtre je croyois assez >> faire en tâchant de connoître ses vrais sentimens.

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4. » Il ne s'agissoit que des livres imprimés: » jusqu'alors je ne les avois jamais lus dans une rigueur théologique, une simple lecture m'avoit » déjà fait penser qu'ils étoient censurables. Je ne » les excusois ni ne les défendois, comme mon mé» moire le dit expressément : mais la bonne opi»> nion que j'avois de cette personne ignorante, » me faisoit excuser ses intentions dans les expressions les plus défectueuses (2) ».

RÉPONSE.

5. On ne sait si M. de Cambrai veut approuver ou improuver les livres de madame Guyon. D'un

(1) Mém. de M. de Cambrai. Relat. 17. sect. n. 9, 15. (2) Rép. à la Relat. ch. 1, p. 21, 25.

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