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rétique. Alexandre trouvoit toujours de quoi pointiller, et il rompit, non - seulement avec saint Cyrille, mais encore avec Jean d'Antioche son patriarche, et jusqu'alors son admirateur, avec ses amis les Orientaux, avec le saint Siége, avec tout ce qui ne vouloit pas que Nestorius eût raison, et que saint Cyrille fût hérétique; c'est-à-dire, avec toute l'Eglise. Voilà un de ces Catholiques de M. Dupin, qui ne voulurent jamais condamner Nestorius, et qui, selon lui, n'erroient que dans le fait.

DOUZIÈME REMARQUE,

L'esprit hérétique dans Alexandre et dans les autres Catholiques de l'auteur.

POUR bien entendre jusqu'à quel point ils étoient remplis, non-seulement d'erreur, mais encore de l'esprit qui fait les hérétiques; il ne faut que les comparer avec ceux du même parti qui se rendirent. Tite étoit des plus obstinés, et Théodoret s'étoit toujours attaché à la volonté d'Alexandre, qui étoit son métropolitain; mais quand on vint au point d'une rupture absolue, ils se laissèrent toucher à l'autorité de l'Eglise. Tite écrivit à Melece qui le vouloit retenir dans le schisme (1) : <<< Dieu veut sauver tous les » hommes, et vous n'êtes pas le seul qui lui » soyez obéissant et qui sachiez sa volonté »; et à Alexandre lui-même (2): « Théodoret et Hel

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»ladius, et les autres qui avoient voulu se sé» parer pour un peu de temps de ce saint con»cile, ayant reconnu qu'on ne peut pas refuser » de s'y soumettre, et qu'il faut obéir à un con>>cile universel, s'y sont unis, et ne sont pas » demeurés dans la séparation. Nous vous con» jurons d'en faire autant, et de ne pas donner » lieu au diable, qui veut diviser l'Eglise ». Théodoret renferme en trois paroles toutes les raisons de céder en écrivant aux évêques du parti (1), « qu'il falloit finir les disputes, unir les » Eglises, et ne pas damner les brebis que Dieu >> leur avoit confiées ».

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On voit comment ils ressentoient qu'il faut s'unir au corps de l'Eglise, et ne pas demeurer seuls, c'est-à-dire, schismatiques; mais Alexandre et ses sectateurs disoient au contraire, qu'ils ne se mettoient point en peine de demeurer dans cet état les suivît qui voudroit que peu leur importoit << d'avoir peu où beaucoup de monde. » dans leur communion que le monde entier » étoit dans l'erreur » : que l'Eglise étoit perdue, « et que la foi avoit souffert un naufrage » universel » que quand, avec tout l'univers, qui étoit contr'eux, les moines ressusciteroient encore tous les morts depuis l'origine du monde, ils n'en feroient pas davantage (2). Alexandre se laissoit flatter par ceux qui lui disoient « qu'on » ne parloit que de lui dans tout l'univers :

(1) Collect. Lup. CLX. — - (2) Ibid. LXXIII, CXVII, CXLVII, CLI, CLVIII, CLXXI, CLXXVIII, etc,

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» que la vérité qui succomboit dans l'esprit » de tout le monde, ne subsistoit plus que dans » le sien; mais aussi qu'il suffisoit seul pour » la faire éclater dans tout l'univers qu'ils se >> contentoient de lui seul, comme Dieu s'étoit » contenté d'un seul Noé, quand il avoit noyé » le monde entier dans le déluge (1) ». Pour Jean d'Antioche et ses autres anciens amis, il ne vouloit plus, disoit-il, « ni les écouter, ni >> recevoir de leurs lettres, ni même se souvenir » d'eux qu'ils avoient assez cherché la brebis perdue, assez tâché de sauver sa malheureuse >> ame : qu'ils avoient fait plus que le Sauveur, qui ne l'avoit cherchée qu'une fois, au lieu » qu'ils avoient couru après lui de tous côtés (2) ». C'est ainsi qu'il écrivoit à Théodoret, qui prenoit un soin particulier de le fléchir, ajoutant encore ces mots, qui font le vrai caractère de l'homme hérétique : « Je rends, dit-il, grâces à Dieu de » ce qu'ils ont avec eux, et les conciles, et les siéges, et les royaumes, et les juges; et moi, j'ai Dieu et ma foi (3) »; et quand avec tout cela << tous les morts, depuis l'origine du monde » (car il aimoit cette expression,) ressusciteroient » pour soutenir l'impiété de l'Egypte, (c'étoit » celle de saint Cyrille et de ses évêques) je ne » les préférerois pas à la science que Dieu m'a » donnée (4) ».

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Si notre auteur, qui a rapporté deux ou trois (1) Collect. Lup. CLIII, CLVI, CLXXI. (2) Ibid. civ, CV, CLXVI • (3) Ibid. CXLVII. (4) Ibid. CLXVII.

de ses paroles des moins criminelles, avoit pris garde à celles-ci, où tout respire, non-seulement comme il dit, une obstination et une aigreur qu'on ne pouvoit vaincre (1), mais encore tout ouvertement le schisme et l'hérésie, il auroit eu honte de ranger au nombre des Catholiques un hérétique si parfait.

Il est dangereux d'étaler les endroits qui font paroître la fermeté de tels gens, sans marquer

aussi ceux où l'on verroit combien elle étoit outrée : autrement, on leur laisse toujours un caractère de vertu qui fait pitié, et qui porte à les excuser. Alexandre étoit d'un emportement si violent, qu'ayant lu une lettre de saint Cyrille à Acace, où il explique les deux natures, s'il se peut, plus clairement que jamais; au lieu de se réjouir de le voir si orthodoxe, même selon lui, il tourne toute sa pensée à s'étonner « de la » prompte disposition de son esprit à changer : et, » dit-il, j'ai prie Dieu que la terre s'ouvrît sous » mes pieds; et si sa crainte ne m'eût retenu sur » l'heure, peut-être je me serois retiré dans les » déserts les plus éloignés (2) ». Qu'y avoit-il là qui lui dût causer un si étrange transport? Tels étoient ses emportemens, si bien connus de ses amis, que Théodoret, en lui écrivant une lettre fort importante sur l'union (3), « Je vous prie, » lui disoit-il, de bien penser à ceci selon votre

(1) Pag. 752, 753. — (2) Collect. Lup. cap. LVIII. — (3) Ibid

cap. CIX.

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» sagesse, et de ne vous point fâcher, mais de pénétrer nos pensées ». Cela peint l'impatience de cet homme, qui se mettoit en colère dès qu'on n'entroit pas dans son sens. M. Dupin rapporte une lettre de Jean d'Antioche au clergé et au peuple d'Hiéraple, où ce patriarche leur marque qu'il n'a rien omis pour empêcher leur évêque << de mettre un obstacle à la paix par son obsti» nation (1) »; mais il oublie les traits les plus vifs, où Jean d'Antioche fait sentir dans cet évêque, non pas une obstination ordinaire, mais << un orgueil et une arrogance qui lui faisoit, >> non- seulement éviter, mais encore outrager » injurieusement tous les évêques du monde, » rompre la communion, et s'élever au-dessus » de l'Eglise universelle ».

Il avoit mis son peuple sur le même pied. On les avoit attachés, non point à l'Eglise, mais à la personne de leur prélat, d'une manière si outrée, que tous, « hommes et femmes, jeunes et » vieux, si l'on refuse de le leur rendre, mena» cent d'entreprendre eux-mêmes contre leurs » personnes, et de précipiter leurs jours (2) ». Ce sont des fruits de l'hérésie et du schisme, qu'il est bon de ne pas cacher, lorsqu'on en écrit l'histoire.

Il ne faut donc pas s'étonner, si l'on appelle Alexandre un autre Nestorius, et l'on peut juger maintenant si c'étoit là un homme à excuser,

(1) Collect. Lup. cap. CLXXXVII. (2) Ibid. CLXXXV.

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