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comme s'il n'avoit erré que dans le fait, pendant qu'on lui voit suivre tous les pas de Nestorius, autant dans son erreur que dans son schisme, et prendre de lui, outre ses dogmes particuliers, les dogmes communs de tous les hérétiques contre l'unité et l'autorité de l'Eglise et de ses conciles. Avec de telles raisons, on pourra aussi excuser Nestorius et flatter les nouveaux critiques, qui réduisent à des minuties et à des disputes de mots, les questions résolues dans les plus grands conciles, et de la manière la plus authentique.

CONCLUSION.

On voit maintenant à quoi aboutissent les particularités, ou plutôt les omissions de l'Histoire de notre auteur. On voit qu'elles affoiblissent la primauté du saint Siége, la dignité des conciles, l'autorité des Pères, la majesté de la religion. Elles excusent les hérétiques: elles obscurcissent la foi. C'est là enfin qu'on en vient, en se voulant donner un air de capacité distingué. On ne tombe peut-être pas d'abord au fond de l'abîme; mais le mal croît avec la licence. On doit tout craindre pour ceux qui veulent paroître savans par des singularités. C'est ce qui perdit à la fin Nestorius, dont nous avons tant parlé; et je ne puis mieux finir ces Remarques, que par ces paroles que le Pape lui adresse (1): Tales sermo

(1) Coelest. Ep. ad Clcr. et Pop. C. P. part. Ire, Conc. Eph. col. 368.

C. XIX,

num novitates de vano gloriæ amore nascuntur. Dum sibi nonnulli volunt acuti, perspicaces et sapientes videri, quærunt quid novi proferant, unde apud animos imperitos temporalem acuminis gloriam consequuntur.

REMARQUES

Sur le livre intitulé: LA MYSTique Cité de DiEU (*), etc. traduite de l'espagnol, etc. à Marseille, etc.

Le seul dessein de ce livre porte sa condamnation. C'est une fille qui entreprend un journal de la vie de la sainte Vierge, où est celle de notre Seigneur, et où elle ne se propose rien moins que d'expliquer jour par jour et moment par moment tout ce qu'ont fait et pensé le Fils et la Mère, depuis l'instant de leur conception jusqu'à la fin de leur vie ; ce que personne n'a jamais osé.

On trouve, dans quelques révélations qui n'obligent à aucune croyance, certaines circonstances particulières de la vie de notre Seigneur ou de sa sainte Mère: mais qu'on ait été au détail et à toutes les minuties que raconte celle-ci de dessein formé, et comme par un ordre exprès de Dieu, c'est une chose inouie.

Le titre est ambitieux jusqu'à être insupportable. Cette religieuse appelle elle-même son livre, Histoire divine, ce qu'elle répète sans cesse ; par où elle veut exprimer qu'il est inspiré et révélé de Dieu dans toutes ses pages. Aussi n'est-ce jamais elle, mais toujours Dieu et la sainte Vierge par ordre de Dieu qui parlent; et c'est pourquoi le titre ajoute que cette Histoire divine a été manifestée «< dans ces derniers siècles par la sainte » Vierge, à la sœur Marie de Jésus ». On trouve (*) Par Marie d'Agréda.

de plus dans l'espagnol, que « cette vie est ma>>nifestée dans ces derniers siècles pour être une » nouvelle lumière du monde, une joie nouvelle » à l'Eglise catholique, et une nouvelle conso»lation et sujet de confiance au genre humain ». Il faut garder tous ces titres pour le nouveau Testament: l'Ecriture est la seule histoire qu'on peut appeler divine. La prétention d'une nouvelle révélation de tant de sujets inconnus doit faire tenir le livre pour suspect et réprouvé dès l'entrée. Ce titre au reste est conforme à l'esprit du livre.

Le détail est encore plus étrange. Tous les contes qui sont ramassés dans les livres les plus apocryphes, sont ici proposés comme divins, et on y en ajoute une infinité d'autres avec une affirmation et une témérité étonnante.

Ce qu'on fait raconter à la sainte Vierge, dans le chapitre xv, sur la manière dont elle fut conçue, fait horreur, et la pudeur en est offensée. Ce chapitre est un des plus longs, et suffit seul pour faire interdire à jamais tout le livre aux ames pudiqués. Cependant les religieuses s'y attacheront d'autant plus, qu'elles verront une religieuse qu'on donne pour une béate, demeurer si long-temps sur cette matière.

Au même chapitre, après avoir dit combien de temps il faut naturellement pour l'animation d'un corps humain, elle décide que Dieu réduisit ce temps, qui devoit être de quatre-vingts jours ou environ, à sept jours seulement. Ce jour de la conception de la sainte Vierge, dit-elle, fut pour Dieu comme un jour de fête de Pâque,

aussi bien

238.)

que pour toutes les créatures, (pag. 237,

C'est, dit-on, une chose admirable que ce petit corps animé, qui n'étoit pas plus grand qu'une abeille, (p. 241,) et dont à peine on pouvoit distinguer les traits, dès le premier moment pleurát et versát des larmes dans le sein de sa mère, pour déplorer le péché, (p. 251.)

Tous les discours de sainte Anne, de saint Joachim, de la sainte Vierge même, de Dieu et des anges, sont rapportés dans un détail qui seul doit faire rejeter tout l'ouvrage, n'y ayant que vues, pensées, et raisonnemens humains.

Depuis le troisième chapitre jusqu'au huitième, ce n'est autre chose qu'une scolastique raffinée, selon les principes de Scot. Dieu lui-même en fait des leçons et se déclare scotiste, encore que la religieuse demeure d'accord que le parti qu'elle embrasse est le moins reçu dans l'Ecole. Mais quoi! Dieu l'a décidé, et il l'en faut croire.

Elle outre ces principes scotistiques, jusqu'à faire dire à Dieu que le décret de créer le genre humain a précédé celui de créer les anges.

Tout est extraordinaire et prodigieux dans cette prétendue histoire. On croit ne rien dire de la sainte Vierge ni du Fils de Dieu, si l'on n'y trouve partout des prodiges, tel qu'est par exemple, l'enlèvement de la sainte Vierge dans le ciel en corps et en ame, incontinent après sa naissance, et une infinité de choses semblables, dont on n'a jamais ouï parler, et qui n'ont aucune conformité avec l'analogie de la foi.

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