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>> parce que tout le monde n'a pas cette gran>> deur de courage, et qu'il y en a qui sont cap>> tifs des richesses, ou qui sont fort pauvres, le » législateur a trouvé bon qu'ils donnassent ce qui ne les fâcheroit pas. C'est pourquoi il ne » leur est pas permis de faire avec leurs con>> citoyens ce profit qu'il leur a permis avec les » étrangers. Il appelle les premiers frères, afin » qu'on n'ait point de peine à leur faire part » de ses biens comme à des cohéritiers. Pour les » autres, il les appelle étrangers, nom qui mar» que qu'il n'y a point de société avec eux, si » ce n'est qu'il prenne ce nom d'étranger pour signifier ceux qui ne sont point capables de >> ces vertus excellentes, (comme les Gentils) et par-là ne méritent pas d'être admis dans l'é>> troite union avec son peuple. Car le gouver»nement de ce peuple est plein de vertu par ses >> lois, qui ne permettent pas de reconnoître » d'autre bien que ce qui est honnête. Or le profit de l'usure de soi est blâmable. Car celui qui emprunte n'est pas celui qui est dans l'a>> bondance; mais celui qui est dans le besoin, et » qui devient encore plus pauvre, ajoutant des » usures au principal. Il se laisse prendre dans » l'hameçon, comme les animaux niais, et le >> riche l'incommode, sous prétexte de le secou>> rir ». Il continue à montrer que l'usurier est trompeur, inhumain et odieux. Il croit donc que l'usure est de soi blâmable et inique, permise seulement à ceux qui ne peuvent se mettre

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au-dessus de l'avarice, ou qui, étant fort pauvres, sont contraints de chercher toute sorte de profits. Les choses permises ainsi, sont celles que Jésus-Christ appelle permises, à cause de la dureté des cœurs, incapables d'entendre la véritable vertu. Et ce que dit Philon, qu'il n'y a point de société avec l'étranger, est encore une suite de cette dureté des cœurs. Car les Juifs ne comprenoient pas la société, ou plutôt la fraternité du genre humain, et regardoient tous les étrangers comme immondes et dignes de haine. Il falloit même nourrir en eux cette aversion, afin de les éloigner des idolâtries des étrangers et de leurs coutumes dépravées, auxquelles ils se portoient si facilement. Il semble donc qu'on peut dire que cette permission de l'usure est accordée à la dureté des Juifs, incapables de certains devoirs éminens de la vertu, et qu'il falloit séparer du commerce des Gentils, dont ils prenoient si facilement les mœurs corrompues.

TROISIÈME PROPOSITION.

Les chrétiens ont toujours cru que cette loi contre l'usure étoit obligatoire sous la loi évangélique.

CETTE proposition se prouve premièrement par les passages des Pères, et secondement par

les canons.

Dans le passage de Tertullien, liv. iv contre Marcion, chap. xxiv, xxv, trois choses paroissent; l'une que l'usure est tout ce qui excède le prêt. Car en expliquant ces mots d'Ezéchiel, quod

abundaverit non sumet, il explique, fœnoris scilicet redundantiam, quod est usura, où il prend manifestement fœnus pour le prêt, comme la suite le montre. L'autre, que la défense de l'usure donnée dans la loi mosaïque, n'étoit que pour préparer à donner encore plus libéralement dans l'Evangile quò faciliùs assuefaceret hominem ipsi quoque fœnori perdendo, cujus fructum didicisset amittere. La troisième, que c'étoit ainsi que la loi préparoit les esprits à la perfection évangélique : Hanc didicimus operam legis fuisse procurantis Evangelio, quorumdam tunc fidem paulatim ad perfectum disciplinæ christianæ nilorem primis quibusque præceptis balbutientis adhuc benignitatis informabat.

De là il paroît qu'il a regardé le précepte au sujet de l'usure, non comme particulier au peuple juif, ou comme aboli par l'Evangile, mais comme ajouté à un précepte plus excellent, auquel il préparoit les voies; ce qui montre, non qu'il soit aboli, mais qu'il demeure l'un des moindres devoirs de la piété chrétienne.

Saint Cyprien, dans le livre des Témoignages, où il prouve par l'Ecriture tous les devoirs du Chrétien, montre qu'on ne doit point prêter à usure. Et pour faire voir qu'il entend que la loi ancienne est obligatoire parmi les chrétiens, il n'allègue pour prouver sa doctrine sur ce point, que le passage du Psaume xiv, celui d'Ezechiel, et celui du Deutéronome, auquel pourtant il n'ajoute pas ce qui regarde l'étranger. Lib. ш Test. n. 48.

Dans la Préface de ce livre I, il dit qu'il va proposer les préceptes divins qui forment la discipline chrétienne.

Apollonius, qui vivoit du temps de Tertullien, compte l'usure parmi les choses dont il se sert pour disputer la qualité de prophète à Montanus et à Priscilla : « Est-ce, dit-il, le procédé d'une prophétesse de se parfumer les cheveux, de se > farder le visage, de vouloir être aimée, de jouer » aux dez et à d'autres jeux de hasard, et de prê» ter son argent à usure ». Euseb. lib. 1.

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Il condamne l'usure en termes généraux aussi bien que les jeux de hasard, et les parures immodestes et affectées.

Clément Alexandrin parle de l'usure, et de la loi de Moïse qui la défend, ne jugeant pas juste, dit-il, de tirer usure de ses biens. Il montre ensuite que la seule usure qui n'est pas injuste, est celle qu'on tire de Dieu. De ce passage suivent deux choses: la première, qu'il croit que cette loi de Moïse est en vigueur parmi les chrétiens : la seconde, que l'usure y est prohibée comme injuste. Clem. Alex. II. Strom.

Lactance, cité par Grotius, parle très-précisément de cette matière: Pecuniæ, si quam crediderit, non accipiat usuram, ut et beneficium sit incolume quo succurrat necessitati, et abstineat se prorsus alieno. In hoc enim officii genere debet suo esse contentus, quem oporteat aliàs ne proprio quidem parcere, ut bonum faciat. Plus autem accipere quàm dederit, injustum est.

Il dit tout en peu de mots. Il détermine que l'usure est tout ce qui excède ce qu'on a donné: il fait voir en quoi consiste l'injustice de l'usure: il montre que le chrétien, qui doit être préparé à donner du sien, ne doit point avoir de peine à n'exiger rien au-delà. Il parle généralement, et ne laisse aucun moyen d'échapper, pour peu qu'on considère ses paroles.

Saint Basile traite amplement de l'usure sur ce verset du Psaume XIV: Qui pecuniam suam, etc., et il confirme tout ce qu'il dit par le passage d'Ezechiel et par celui de la loi. Il se sert aussi du passage du Psaume LIV. Il paroît, par son discours; premièrement, qu'il croit ces défenses de l'ancienne loi obligatoires dans la nouvelle : secondement, qu'encore qu'il s'étende sur les excès de l'usure, il n'en blâme pas seulement l'excès, mais qu'il condamne l'usure généralement, aux termes d'Ezéchiel et de la loi de Moïse, c'est-à-dire tout le surplus, qu'il appelle un fruit de l'avarice: troisièmement, qu'il dit expressément que les noms qui signifient ceux qui prennent cent et ceux qui prennent dix sont des noms horribles; par où il montre qu'il a horreur même de l'usure de cent permise par la loi romaine quatrièmement, qu'il prend soin de découvrir ce qu'il y a d'injuste dans l'usure, qui est de tirer plus qu'on n'a donné; et qu'il oblige à se contenter du profit que Dieu donne (1). Saint Epiphane, dans l'épilogue qu'il ajoute

(1) Basil, hom. in Ps. XIV; tom. 1, p. 107 et seq..

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