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côté, c'est les improuver, que de les croire fort éloignés d'être corrects; que de les trouver censurables par une simple lecture: de l'autre, c'est les approuver, que de chercher dans l'intention secrète d'un auteur une excuse à ses expressions les plus défectueuses, après un examen à toute rigueur que ce prélat convient d'avoir fait.

6. Cependant il nous échappera bientôt car malgré cet examen rigoureux, vous trouverez trois lignes après, qu'il y a un examen rigoureux par rapport au public, que M. de Cambrai ne veut point avoir fait; et il ajoute qu'il n'avoit jamais lu les livres de madame Guyon dans une certaine rigueur théologique (1). Il y a donc une rigueur théologique et par rapport au public, où M. de Cambrai n'est pas entré: et il y a pourtant outre cela un examen à toute rigueur, auquel il avoue qu'il se croyoit obligé.

7. S'il s'agissoit de faits personnels, j'avoue que l'on pourroit distinguer l'examen d'un livre d'avec l'examen rigoureux de la de la personne: mais que dans l'examen d'un livre il y en ait un d'une rigueur théologique et par rapport au public, et un autre qui soit rigoureux sans être théologique, et sans aucun rapport avec le public, c'est ce que la théologie avoit ignoré. Mais cette réflexion val paroître encore dans une plus grande évidence. (1) Rép. à la Relat. ch. 1, p. 20.

§. II. Sur l'approbation des livres de madame Guyon.

M. DE CAMBRAI.

8. «< M. de Meaux assure, du ton le plus affir>>matif, que j'ai donné ces livres à tant de gens: >> mais si je les ai donnés à tant de gens, il n'aura » pas de peine à les nommer: qu'il le fasse donc, » s'il lui plaît (1) ».

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RÉPONSE.

9. M. de Cambrai me regarde comme si j'avois entrepris de lui prouver la distribution manuelle des écrits de madame Guyon. Mais ce n'est pas là de quoi il s'agit : un docteur met un livre en main à ceux qu'il dirige quand il l'estime et l'approuve c'est ce qu'a fait M. de Cambrai. Car que veulent dire ces paroles de son Mémoire: « J'ai vu souvent madame Guyon : je l'ai estimée : » je l'ai laissé estimer par des personnes illustres » dont la réputation est chère à l'Eglise, et qui >> avoient confiance en moi (2) ». Il donne assez à entendre ce que c'est que de laisser estimer madame Guyon par ces personnes qui avoient confiance en lui, en ajoutant tout de suite: « Je » n'ai pu ni dû ignorer ses écrits » : un peu après : « Je l'ai connue je n'ai pu ignorer ses écrits: » moi prêtre, moi précepteur des princes, moi appliqué depuis ma jeunesse à une étude con

(1) Rép. p. 21.- (2) Mém. de M. de Cambrai. Relat. 17. sect.

» tinuelle de la doctrine, j'ai dû voir ce qui étoit » évident (1) ». En entendant ces paroles naturellement, tout le monde en a tiré avec moi cette conséquence: que c'étoit avec ses écrits qu'il l'avoit laissé estimer : ces personnes qui se fioient en lui visiblement, étoient des personnes qu'il dirige, sur qui il a tout pouvoir, qui règlent leur estime par la sienne : il leur a laissé estimer madame Guyon avec ses écrits: pouvant les en détourner par un seul mot, il ne l'a pas voulu faire. Voilà le sens naturel et inévitable du Mémoire de M. de Cambrai. Mais qu'est-ce à un docteur, à un directeur de mettre en main un livre à ses pénitens, à ceux qu'il conduit, si ce n'est l'approuver? En l'approuvant on le met entre les mains de mille personnes beaucoup plus que si actuellement on en faisoit la distribution. Car faudra-t-il croire que ceux à qui on laissoit estimer madame Guyon comme une personne si spirituelle, et d'une si haute oraison (2), ne lisoient point ses livres, où toute sa spiritualité étoit renfermée? M. de Cambrai avoue qu'il les connoissoit. C'étoit donc délibérément et en connoissance de cause qu'il les laissoit lire et estimer par ceux à qui une de ses paroles les auroit ôtés pour jamais. Ils disoient : M. l'abbé de Fénélon n'a pu ni dú ignorer ces livres : lui prêtre, lui précepteur des princes, lui qui a dú savoir ce qui étoit évident, n'a dû ni pu ignorer s'ils étoient évidemment es

(1) Mém. de M. de Cambrai. Relat. ir. sect. n. 15. dessus, p. 30, 31.

(2) Ci

timables. Il nous les laisse lire dans cette pensée : ils sont donc évidemment bons: nous pouvons régler sur ces livres notre conscience. Où est le zèle, où est la prudence, où est l'autorité d'un directeur si ces conséquences sont douteuses? Sans doute, il falloit deviner qu'il avoit examiné madame Guyon avec ses livres en toute rigueur; mais non pas en toute rigueur théologique, ni par rapport au public: se moque-t-on quand on pense éblouir le monde par ces vaines distinctions?

§. III. Illusion sur l'intention et sur la question de fait.

M. DE CAMBRAI.

10. « Le sens d'un livre n'est pas toujours le » sens ou l'intention de l'auteur. Le sens du livre >> est celui qui se présente naturellement en exa» minant tout le texte : quelle que puisse avoir » été l'intention ou le sens de l'auteur, un livre >> demeure en rigueur censurable par lui-même » sans sortir de son texte, si son vrai et propre » sens, qui est celui du texte, est mauvais : alors » le sens ou intention de la personne ne fait » excuser que la personne même, surtout quand » elle est ignorante. En posant cette règle reçue » de toute l'Eglise, je ne fais que dire ce que » M. de Meaux ne peut éviter de dire autant » que moi : d'un côté il a condamné les livres de » madame Guyon de l'autre, il lui fait dire

» qu'elle n'avoit aucune des erreurs portées par » sa condamnation (1) ».

RÉPONSE.

11. J'arrête ici le lecteur, pour le faire souvenir que ce qu'on fait dire ici à M. de Meaux est inventé d'un bout à l'autre, comme il a déjà été dit (2) après cela, reprenons la suite de la réponse.

M. DE CAMBRAI.

12. « Cette distinction est très-différente de >> celle du fait et du droit qui a fait tant de bruit >> en ce siècle. Le sens qui se présente naturel>>lement, et que j'ai nommé SENSUS OBVIUS, en y » ajoutant NATURALIS, est, selon moi, le sens vé» ritable, propre, naturel et unique des livres pris dans toute la suite du texte, et dans la »juste valeur des termes : ce sens étant mauvais', >> les livres sont censurables en eux-mêmes et » dans leur propre sens : il ne s'agit donc d'au» cune question de fait sur les livres (5) ».

>>

RÉPONSE.

13. Veut-il introduire dans l'Eglise une nouvelle question de fait ? Non, dit-il, et il ne s'agit d'aucune question de fait sur les livres de madame Guyon. Il y a pourtant une nouvelle question de fait, puisqu'en avouant que ces livres sont condamnables en leur propre sens, il veut trouver

(1) Rép. ch, 11, 3. obj. p. 55. (2) Voyez ci-dessus, art. 2, n. 15, 16, etc. -- (3) Rép. ibid. p. 56.

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