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un sens pris de cette sorte n'est pas un sens tiré par conséquences. C'est donc plus que par conséquence; c'est immédiatement et dans son sens, non-seulement naturel et propre, mais encore unique, qu'il falloit condamner ces livres.

19. C'étoit dans ce sens unique que se trouvoient ces abominations: car le texte visiblement ne peut être censurable que par-là: donc ces abominations ne se tiroient point par conséquences, mais se trouvent dans le texte même « en son sens » propre et unique, selon toute la suite du dis» cours et la juste valeur des termes ».

20. Après cela, vouloir faire dire à M. de Meaux que ce sens unique du livre, dans toute la suite, est contraire à l'intention de l'auteur, c'est, contre la supposition, vouloir me rendre complice de la plus pernicieuse de toutes les illusions.

21. C'est donc M. de Cambrai qui se contredit, et non pas moi, puisqu'il assuré d'un côté, que ces livres favoris sont censurables par euxmêmes dans leur sens propre, naturel, unique, qui se présente d'abord et de l'autre, qu'ils ne le sont que par conséquence.

22. C'est encore se contredire, que d'enseigner d'un côté, comme fait M. de Cambrai, qu'il a déjà condamné ces livres chéris, dans leur vrai, propre et unique sens (1): et de l'autre, de n'y trouver pour toute matière de condamnation que des équivoques, des exagérations qui leur sont (*) Rép. ch.vn, p. 156.

communes avec les saints, et un langage mystique dont le sens est bon, et auquel aussi on n'oppose qu'un sens rigoureux où l'auteur n'a jamais pensé (1).

23. Mais encore est-il véritable qu'avec toutes ces finesses, M. de Cambrai ne sort point d'affaire. Ceux à qui il a laissé estimer les livres de madame Guyon ne devinoient pas ce sens de l'auteur contraire au sens propre, naturel, unique, qu'inspiroit la suite du texte. Quand il dit, qu'il a laissé estimer la personne et non pas les livres (2), nous avons vu le contraire par ses propres paroles (3). Quand il ajoute : « Ne puis-je pas l'avoir » laissé estimer comme je l'estimois moi-même, » c'est-à-dire, sans estimer ses livres », il se condamne lui-même, puisqu'il ne peut pas ne point estimer des livres pour la défense desquels on lui voit faire de si grands efforts.

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24. Enfin, quand il écrit ces mots : « Je n'ai

point voulu justifier les livres par les sentimens » de l'auteur, mais seulement ne les condamner » pas (4) » que fera-t il, le cas arrivant; car il est sans doute qu'il peut arriver, où il faudra condamner un méchant livre? Sera-t-il reçu à répondre qu'on lui veut faire condamner des intentions personnelles? Qui jamais a pu avoir un tel dessein, qui jamais a imaginé une telle excuse? On

(1) Mém. de M. de Cambrai. Relat. iv. sect. n. 9, 13, 14, 15, 20, 22. v. sect. n. 11. 1. sect. n. 10. XI. sect. n. 4. (2) Rép. (4) Rép. ch. 11

ch. vii, p. 154. 3.o obj. p. 57.

(3) Voy. ci-dessus, n. 9.

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se contredit nécessairement dans une réponse de cette nature; car il faut dire d'un côté, comme a fait M. de Cambrai dans son Mémoire (1), que c'étoit en pesant la valeur de chacun des termes qu'il excuse madame Guyon, et de l'autre dans sa Réponse, que c'est par la suite de ce discours et par la juste valeur des termes que ses livres sont condamnables. Ainsi, quoi que puisse dire M. de Cambrai, il introduit une nouvelle question de fait dans la condamnation des livres de madame Guyon, mais une question de fait entièrement sans exemple. Dans la question de fait qu'il prétend avoir évitée, tout est plein d'exemples bien ou mal allégués; on entend retentir de tous côtés les trois chapitres et Honorius, le quatrième, le cinquième et le sixième concile, etc. La question de fait que M. de Cambrai met le premier sur le tapis n'est précédée d'aucun exemple, et tout est singulier dans ce prélat. D'ailleurs la question de fait qu'il introduit n'a point d'issue ni de fin, et ne peut jamais être résolue, puisque dans celle de ce dernier siècle qu'il rejette si loin, on oppose textes à textes, et paroles à paroles, ce qui peut être la matière d'une discussion : au lieu que dans la question de M. l'archevêque de Cambrai, il n'oppose à la suite et à la valeur des paroles et au sens unique qui en résulte, qu'une intention qu'on ne peut jamais pénétrer d'où il s'ensuit qu'on ne peut plus pousser à bout ni Pélage, ni Arius, ni Nestorius, ni aucun autre hérétique,

(1) Mém. de M. de Cambrai. Relat. 17. sect. n. g.

ni leurs défenseurs. Voilà ce qu'a entrepris M. de Cambrai pour justifier la malheureuse conduite qui lui a fait laisser estimer les livres de madame Guyon, et refuser son approbation à la juste con-damnation qu'on en vouloit faire.

ARTICLE V.

Sur les entrevues avec madame Guyon, et sur le titre d'amie.

1. Voici sur ce sujet ce que je trouve imprimé dans la première édition de la Réponse de M. de Cambrai que j'ai en main. L'on y verra ce qu'il disoit naturellement.

M. DE CAMBRAI.

2. «< Au reste il faut expliquer ces paroles de » mon mémoire: Je l'ai vue souvent; tout le » monde le sait. Le monde savoit en effet que » je l'avois vue assez souvent pour l'estimer et » pour avoir dû prendre connoissance de sa spi» ritualité. Voilà ce que signifie ce souvent. Mais » il ne veut pas dire des entrevues fréquentes. » Mon extrême assiduité à Versailles faisoit que » j'allois rarement à Paris. Il est vrai qu'elle pas» soit de temps en temps à Versailles allant voir » une de ses parentes: mais quoique je l'aie vue » un assez grand nombre de fois pendant plus de » quatre ans, il est vrai néanmoins que ces en

» trevues, par rapport à cet espace de temps, » n'étoient pas fréquentes (1) ».

RÉPONSE.

3. Quel entortillement dans tout ce discours? Il ne sait s'il veut avouer qu'il ait vu souvent madame Guyon? Il distingue subtilement comme sur un point de théologie. Cependant il est véritable qu'il s'est toujours excusé d'avoir vu souvent cette femme; tant il croyoit peu avantageuses ses liaisons avec une fausse prophétesse remplie d'erreurs et de visions: et le monde est plein de gens irréprochables, qui racontent sans difficulté qu'il leur a toujours soutenu, qu'à peine l'avoit-il vue deux ou trois fois. Quoi qu'il en soit, sans examiner combien ont été fréquentes des entrevues qu'il voudroit bien diminuer, il suffit qu'il l'ait vue assez pour l'appeler son amie, et une amie d'une si étroite correspondance, d'une si grande distinction, qu'il ait dit partout dans son Mémoire et dans sa Réponse (2), que la réputation de cette femme étoit inséparable de la sienne propre.

M. DE CAMBRAI.

4. « On savoit que j'avois vu et estimé cette » personne ; ceux qui me pressoient de la con» damner l'appeloient mon amie. C'étoit en leur » répondant que je parlois leur langage, et que

(1) Rép. 1.re édit. p. 17. (2) Mém. de M. de Cambrai. Relat. ir. sect. n. . 23, etc. Rép. à la Relat. ch. v, p. 99, 104, etc.

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