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Cambrai en doutoit, il devoit approfondir la matière pendant que j'avois, outre les lettres que j'ai encore, les livres que j'ai rendus, et qu'il m'avoit fait confier lui-même : mais alors il ne doutoit point de la vérité de mes discours, et maintenant même il n'ose les accuser de fausseté, content de se sauver par des subterfuges.

M. DE CAMBRAI.

9. « Madame Guyon m'avoit dit plusieurs fois qu'elle avoit de temps en temps de certaines » impressions momentanées qui lui paroissoient » dans le moment même des communications ex>>traordinaires de Dieu, et dont il ne lui restoit >> aucune trace le moment d'après.... Elle ajou> toit que, selon la règle, elle demeuroit dans la >> voie obscure de la pure foi, ne s'arrêtant jamais » volontairement à aucune de ces choses..... » Cette règle est celle du bienheureux Jean de la » Croix, du père Surin, approuvé de M. de » Meaux. Cet auteur remarque que de très-saintes » ames peuvent être trompées par l'artifice de >> Satan, comme sainte Catherine de Boulogne le >> fut durant trois ans par un diable sous la figure » de Jésus-Christ (1) ». Il tourne ce raisonnement durant cinq ou six grandes pages, avec de ces sortes de répétitions, où l'on voit un homme qui, n'étant jamais content de ce qu'il dit, ne fait que le répéter.

....

(1) Rép. ch. 1, p. 28, 29.

RÉPONSE.

10. On voit comme il exténue et comme il excuse les excès de madame Guyon mais il erre: elle s'arrêtoit si bien à ces visions, qu'elle en venoit à des pratiques, les inculquoit sérieusement, et avec une certitude étonnante, et les faisoit servir de fondement à son état, comme je l'ai fait voir dans la Relation (1). Elle appuie d'une manière terrible sur le songe que j'ai raconté, et où M. de Cambrai affecte cent fois de ne trouver rien de mauvais que de s'être préférée à la sainte Vierge, en dissimulant l'idée infâme que je ne veux pas rappeler: c'est ce que le père Surin ni aucun spirituel n'auroit jamais approuvé : cependant M. de Cambrai excuse autant qu'il peut son indigne amie, et voudroit nous la donner comme une autre sainte Catherine de Boulogne.

S. III. Que M. de Cambrai a voulu pouvoir justifier madame Guyon.

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11. « Quand je proteste devant Dieu que je » n'ai point lu les manuscrits, le lecteur ne doit » soupçonner aucun artifice.... S'il étoit vrai que » je les eusse lus, et si j'étois capable d'artifice, » je n'aurois garde de faire donner à M. de Meaux, » par madame Guyon, ces manuscrits que j'aurois >> connus si capables de le scandaliser... Ce prélat

(1) Relat. 11. sect. n. 9, 10, 14, 18, 19, etc,

> faisoit entendre qu'il étoit zélé contre l'illusion >> et prévenu contre les mystiques (1) ». Il répète et tourne encore ce raisonnement en cent manières différentes.

RÉPONSE.

12. Me veut-il louer ou blâmer quand il fait marcher ensemble ces deux qualités : je me montrois zélé contre l'illusion et prévenu contre les mystiques? Pour zélé contre l'illusion, qui ne l'est pas? pour prévenu contre les mystiques : c'est un trait qu'on me veut donner, mais sans raison: si ce n'est qu'il veuille appeler prévenus contre les mystiques ceux qui le sont contre Molinos, qui est un mystique d'une étrange espèce, favorisé toutefois par madame Guyon et par M. de Cambrai. Voilà une des raisons qui eussent empêché M. de Cambrai de me communiquer les manuscrits de madame Guyon, s'il les avoit lus: quoi qu'il en soit: il me les a mis entre les mains, ces livres remplis d'absurdités de toutes les sortes : quelque précautionné qu'on soit, ou la confiance qu'on a dans un génie élevé qui sait tout tourner comme il lui plaît, ou quelqu'autre semblable raison aveugle les hommes. Dieu se sert de ces dispositions, et c'est visiblement par un conseil de sa sagesse, que contre toute apparence ces écrits sont venus à moi: Dieu vouloit que l'illusion en fût découverte, et M. de Cambrai étoit trop disposé à les excuser.

(1) Rép. ch. 1, p. 22, 23, 24, etc. p. 32, etc.

13. Que sert maintenant de disputer s'il a lu ou s'il n'a pas lu ces manuscrits qu'il m'a mis en main : laissons-lui dire les choses les plus incroyables. Quoi qu'il en soit, il ne peut nier après son aveu qu'on vient d'entendre (1), qu'il n'en ait ouï de ma bouche le fond et les circonstances les plus agravantes. C'est pourtant après ce récit qu'il l'appelle toujours son amie; qu'il croit, comme on a vu, sa réputation inséparable de celle de cette fausse béate; qu'il me refuse son approbation de peur d'être obligé de la condamner. Après le récit de tant d'excès, il n'a rien voulu approfondir avec moi, parce qu'il ne vouloit pas être convaincu, ni forcé d'abandonner une amie qui le déshonore par ses fanatiques extravagances autant que par ses erreurs. Après cela, je prends à témoin le ciel et la terre, qu'il est seul, avec cette fausse prophétesse, la cause des troubles de l'Eglise, comme je l'en ai convaincu par ma Relation.

ARTICLE VII.

Diverses remarques avant la publication du livre de M. de Cambrai.

§. I. Sur mon ignorance dans les voies mystiques.

M. DE CAMBRAI.

1. « J'AI écrit pourquoi écrivois-je?... Le » lecteur ne doit pas être surpris que j'aie donné (1) Ci-dessus, n. 1, 2, 3, 4.

>> des mémoires à M. de Meaux sur les voies in>>térieures, puisque ce prélat me les demanda: » il doit se souvenir que quand on le fit entrer » dans cet examen, il n'avoit jamais lu ni saint >> François de Sales, ni les autres livres mystiques, » tels que Rusbroc, Harphius, Taulère, dont il >> dit que ne pouvant rien conclure de précis » de leurs exagérations, on a mieux aimé les » abandonner, etc. (1) »

2. C'est ce qui fait conclure à M. de Cambrai, dans sa Réponse latine à M. l'archevêque de Paris, que j'étois ignorant de la voie mystique : rudis et imperitus hujus doctrinæ.

3. Il prouve aussi par une de ses lettres, qu'il écrivit des mémoires, mais par obéissance.

4. Il ajoute un peu après que «< la doctrine » des saints mystiques étoit en péril: M. de » Meaux ne les connoissoit point, et vouloit >> condamner l'amour désintéressé, etc. »

RÉPONSE.

5. M. de Cambrai avoit donc grand tort de se soumettre si absolument à un homme si ignorant dans la matière dont il étoit question.

6. C'est sans doute qu'il sent dans sa conscience qu'on peut être instruit dans les principes de la vie intérieure et spirituelle, sans avoir songé à lire ni Rusbroc, ni Harphius, ni même Taulère, auteurs dont je ne vois pas que M. de Cambrai se soit servi: car pour saint François (1) Rép. ch. 1, p. 35, 36.

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