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plus, que sa personne en toutes façons étoit plus considérable.

S. IV. Si j'ai accusé M. de Cambrai, comme il l'assure.

M. DE CAMBRAI.

18. « D'où vient que M. de Meaux parle ailleurs » en ces termes: Ce n'étoit pas lui qu'on accu» soit, c'étoit madame Guyon. Pourquoi se mé» loit-il si avant dans cette affaire? qui l'y avoit » appelé? C'est M. de Meaux lui-même qui m'y » avoit appelé; il étoit inquiet pour moi, pour l'Eglise et pour les princes. .... d'un côté, » dit-il, il avoit d'abord de la peine que je n'a>> vois pas assez d'ouverture: d'autre côté, il se >> récrie: Pourquoi se méloit-il dans cette affaire? » Mais enfin il est clair comme le jour que j'étois » le principal accusé (1) ».

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19. Je rapporterai à part le foible avantage qu'il tire de notre déclaration pour prouver les accusations que je préparois contre lui : et il conclut: « Il est plus clair que le jour, que j'étois le principal accusé ».

RÉPONSE.

20. Mais par qui étoit-il accusé? par le public, comme l'étoit madame Guyon? il n'avoit point encore écrit. Par moi? pourquoi me prenoit-il pour juge avec ces autres Messieurs? mais devant qui l'accusois-je ? devant moi-même, ou devant

(1) Relat. ch. 11, p. 37.

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quelque autre? de quoi enfin l'accusois-je ? où est mon accusation? quelle en est la preuve? dit-on ce qu'on veut parmi les hommes? Je l'invitois à écrire, à ce qu'il dit : je désirois savoir ses sentimens pour tâcher de le ramener, s'ils étoient mauvais donc je l'accusois, ou du moins je lui préparois des accusations, et j'avois l'adresse cependant de l'obliger à me prendre pour son juge. Il faut fuir les hommes, renoncer à la société, croire être toujours au milieu des ennemis, si l'on permet de donner sans preuve des tours si malins aux actions les plus innocentes et les plus simples.

21. Mais encore remontons à la source. Sept ou huit mois auparavant, quand madame Guyon se remit à moi pour prononcer sur son oraison : quand M. de Cambrai lui-même m'envoya un ami commun pour me presser d'accepter seul cet arbitrage étoit - ce moi qui poussois encore ce prélat, ou qui avois conçu le dessein de tourner contre lui madame Guyon? c'est la première action, dont tout le reste dépend et comme tout ici est connexe, ce sera moi aussi sans doute qui aurai obligé cette femme à demander M. de Châlons et M. Tronson pour me les associer dans cette affaire (1). Comment donc M. de Cambrai étoit-il le principal accusé, si c'étoit madame Guyon qui demandoit d'être jugée?

22. Il est public que ce prélat avec ses amis, qui étoient ceux de madame Guyon, vinrent à

(1) Relat. 111. sect. n. 2.

Issy (1), pour y reconnoître une assemblée qu'ils avoient eux-mêmes formée, ou madame Guyon par leur moyen. C'est ici, (car tous ces faits ne sont point niés) c'est ici, dis-je, que je demande à M. de Cambrai, qui l'obligeoit alors à se mêler si avant dans les affaires de cette femme, s'il n'y avoit rien de commun entre eux? Dira-t-il encore, que c'est moi qui l'invitois avec ses amis à cette soumission, comme il prétend que je l'invitois à faire des mémoires? Quoi, je l'invitois à venir reconnoître pour juge son accusateur? disons mieux, ses accusateurs car ces deux Messieurs le sont comme moi, si je le suis, puisque nous n'avons point d'action qui ne nous soit commune. En vérité, voilà des mystères inouis et inexplicables, et on y abuse trop visiblement de la foi publique.

23. S'il eût été question d'accuser M. l'abbé de Fénélon, il ne falloit pas tant de détours, tant d'examens, tant de mémoires; il n'y avoit qu'à nommer madame Guyon, comme amie de cet abbé; tout étoit conclu par ce seul fait, et avec raison madame Guyon étoit trop connue : il étoit vrai qu'elle étoit son amie dès 1689, il l'estimoit; il avoit avec elle des liaisons qu'on n'ignoroit pas; on en eût eu aisément la preuve constante car encore qu'il fît un mystère de cette amitié, qui faisoit peu d'honneur à sa capacité et à son esprit, elle n'étoit pas si cachée, qu'il ne fût obligé de s'informer de la conduite de ma

(1) Relat. 111. sect. n. 1.

BOSSUET. Xxx.

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dame Guyon à la dernière rigueur (1): et les personnes à qui il avoue qu'il l'a laissé estimer étoient bien connues. En falloit-il davantage pour le priver éternellement de toutes les grâces, si on eût songé à l'accuser: cependant quel témoin veut-il qu'on lui allègue pour montrer qu'on ne l'a jamais accusé de rien? Y en a-t-il un que la vérité, plus encore que le respect, rende plus irréprochable que le prince sous les yeux de qui tout s'est passé, et devant qui nous écrivons? On n'a donc jamais accusé M. de Cambrai : disons plus; on l'a laissé être archevêque : et quand il est parvenu à ce faîte des dignités ecclésiastiques, parce qu'on ne l'a pas perdu, il veut perdre de réputation ceux qui l'ont sauvé? Qu'on rendroit le genre humain odieux si l'on y souffroit de tels exemples!

M. DE CAMBRAI.

24. « On peut voir par-là sur quel fondement » M. de Meaux a pu dire, au commencement de » la Déclaration, que j'avois été le quatrième » juge de madame Guyon ajouté aux trois autres: » Ea consultores tres dari sibi postulavit, quorum judicio staret. His illustrissimus auctor quartus » accessit. M. de Meaux a bien senti dans la suite » que ce fait ne pouvoit convenir aux accusations » qu'il préparoit contre moi; et dans sa traduc>>tion il a changé son texte, en disant seulement; » Notre auteur s'est depuis uni à eux : mais enfin (1) Ci-dessus, art. v1, n. 7.

>> il est clair comme le jour que j'étois le principal >> accusé (1) ».

RÉPONSE.

25. Remarquez que ce qu'on vient d'entendre, est la seule preuve littérale de M. de Cambrai pour montrer que M. de Meaux, qu'il avoit choisi pour son juge, s'étoit rendu son accusateur; parce que, dans la Déclaration (2), on a traduit le mot, quartus accessit; après trois juges donnés, M. de Cambrai s'est uni à eux; au lieu de mettre; qu'il fut le quatrième. Ce prélat veut me faire accroire que j'ai bien senti que ce fait ne convenoit pas aux accusations que je préparois? Autant que le reproche est atroce, autant la preuve est légère et nulle: je ne comprends pas la finesse que M. de Cambrai veut trouver ici; et après tout je m'en tiens à l'original, sans croire que la version donne contre moi aucun avantage; d'où je conclus que l'envie de me contredire lui fait hasarder les accusations les plus violentes sans les pouvoir soutenir d'aucune raison.

§. V. S'il est vrai qu'on négligea, durant l'examen, d'instruire M. de Cambrai, et d'étre instruit de ses raisons.

M. DE CAMBRAI.

26. « M. de Meaux ne conféroit point avec » moi sur la doctrine, et il expliquoit, selon ses » préventions, les termes mystiques dont je m'é»tois servi sans précaution dans ces manuscrits

(1) Rép. ch. 11, p. 38. — (3) Déclar. tom. xxvIII, p. 249.

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