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je connoiffe qu'il n'y a point d'état ni de tems où l'on ne puiffe éprouver les effets de votre grace: mais ce témoignage de votre exceffive bonté ne me doit pas donner de la présomption, puifque d'un autre côté, je vois un terrible exemple de votre justice en la perfonne du mauvais larron, qui meurt dans l'impénitence finale.

TROISIEME PAROLE.

Lorfque vous vites, ô Jefus, au pied de votre croix votre Mere, & près d'elle le Difciple que vous aimiez, vous lui dites: Femme, voilà votre Fils. [Joan; 19.26.} en lui recommandant faint Jean comme fon fils. Vous dites à faint Jean votre Difciple: Voilà votre Mere. v. 27./] en lui recommandant de prendre fain de la fainte Vierge, & de la regarder comme fa mere. O dure parole pour Marie! ô fenfible affiction dont fon cœur fut faifi! douleur qui fut égale à fon amour pour vous, ô Jesus; elle fut donc exceffive. Ce fut alors qu'elle éprouva les effets de la prophétie de Siméon, & que l'épée perça fon ame. Quoi! vous lui déclarez vous-même, ô Jefus qu'elle va être défor maisféparée de vous, que faint Jean va tenir votre place, le dif ciple au lieu du Maître, le fervit eur au dieu du Fils, un homme pécheur à la place d'un Homme-Dieu. C'eft ainfi que vous en usez fouvent, ô Jefus, envers les plus faintes ames, par des privation seque vous leur fai

tes porter, en les éprouvant par des états pénibles & crucifians, & que vous leur faites honorer celui par lequel vous avez fait paffer votre fainte Mere.

O Vierge fainte, c'eft en ce Myftére que vous devenez la Mere des fidéles en la perfonne de faint Jean, comme ils y de viennent eux-mêmes vos enfans. O qu'ils vous font chers en cette qualité, puifque yous les avez engendrés au pied de la croix, & qu'ils vous ont été fubftitués en la place de Jefus! auffi les aimez-vous d'un amour de mere comme vous avez aimé votre cher Fils, qui eft le Chef dont ils font les membres, & avec qui ils ne font qu'un même Christ. Vous aviez été exemte de douleurs en mettant au monde Jefus-Chrift; mais il n'en eft pas ainfi de ce fecond enfantement; vous nous engendrez dans les douleurs, & hous fommes véritablement les enfans de votre douleur.

Je vous regarde, Vierge fainte, comme ma mere ; j'ai en vous toute la confiance que cette qualité demande de moi: confidérez-moi comme votre fils: fecourez-moi dans tous mes befoins, & fur-tout au dernier moment de ma vie, comme vous avez affifté votre Fils jufqu'au dernier, foupir: j'efpere de vous cette faveur: fi vous daignez à préfent mettre dans mon cœur une véritable dévotion envers vous, qui ne confifte pas dans quelque pratique purement extérieure ou même fuperftitieufe, mais dans Bimitation fidelle de vos vertus & de celles

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de votre Fils; car vous ne reconnoiffez pour vos enfans, que ceux qui obéiffent à les volontés: & ceux-là fe trompent trèsfort, qui croient que vous aurez pour eux au moment de leur mort, d'autres fentimens que ceux de votre Fils.

QUATRIE ME PAROLE.

Vous vous écriez enfuite, ô Jefus : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné? [Marc. 15. 34.1 Que veut dire cet abandonnement? C'eft que le Père Eternel vous a abandonné à l'excès de toutes les douleurs; car vos douleurs ont renfermé celles des Martyrs, des Confeffeurs, des Vierges, des ames du Purgatoire, en un mot, celles de tous les Elus : c'eft que vous avez fouffert de toutes les créatures. par l'ordre de votre Pere; le Soleil s'eft éclipfé, la terre a fourni les inftrumens de votre fupplice, le peuple Juif & le peuple Gentil, les Prêtres, les Juges, les Rois de la terre un de vos difciples, ont tous confpiré pour vous faire mourir: un de vos Apôtres vous a renié, les autres vous ont abandonné, la fainte Vierge vous a caufé innocemment par fes propres douleurs, & par l'excès de fon amour pour vous, les peines les plus fenfibles.

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Votre Pere même, jaloux de fa justice, par laquelle il punit en vous jufqu'à l'ombre & la reffemblance du péché, & retiré dans fa fainteté comme parle le Prophéte

par laquelle il n'a rien de commun avec fa créature, quelque fainte qu'elle foit, a exercé sur vous toutes les rigueurs imaginables, vous laifiant dans les plus grandes douleurs fans confolation.

Je vous adore, ô Jefus, dans cet état d'abandonnement où vous avez été réduit fur la croix; & fi Dieu permet que j'éprouve quelque chofe de femblable dans mes peines, tant intérieures qu'extérieures; fi je reffens dans votre fervice des dégoûts & des privations; fi Dieu habitant dans fa fainteté, fe retire de moi, pour ainfi dire; s'il me laiffe à mes ténébres & m'abandonne à des peines crucifiantes, j'adorerai fa conduite fainte & rigoureufe, mais amoureuse toute enfemble; je m'unirai à votre état de délaiffement où je vous vois fur la croix, & je ferai rayi de por ter la mortification vivifiante de votre croix. dans ma chair mortelle...

CINQUIEME PAROLE.

Vous dites,

Jefus : J'ai foif. [Joan. 19. 20. •] C'eft que vous êtes épuifé par le nombre & l'excès de vos tourmens; ou plutôt, c'eft que vous exprimez par cetteparole la foif ardente que vous avez de la gloire de votre Pere & du falut des ames : car vous l'avez dit ailleurs, que votre nourriture eft de faire la volonté de celui qui vous a envoyé, & d'accomplir fön œuvre ; c'a été là votre unique defir & votre unique.

emploi fur la terre ; & ç'a été cette ardeur à ce zéle qui vous a confumé & vous a ôté

la vie.

J'adore, ô Jefus, le defir & l'empreffement que vous avez eu pour la gloire de votre Pere, & de procurer mon falut : eh! ne fuis-je pas bien malheureux de vous imiter fi peu dans ce double defir, d'avoir fi peu d'ardeur pour la gloire de Dieu, & d'étre fi peu fenfible à ce qui regarde mon falut; de me mettre fi peu en état de fatisfaire & d'étancher votre foif en répandant des larmes abondantes d'une vraie & fincere pénitence! Imprimez dans mon cœur cette foif ardente, ce defir de vous pofféder & de me donner entiérement à vous, donnezmoi cette foif du falut des ames.

SIXIEME PAROLE.

Vous vous écriez : Tout eft accompli [Joan. 19. 30.] Oui, Seigneur, ç'a été’ par votre facrifice fur la croix, que tous les facrifices anciens ont été confommés ; ç'a été alors que les deffeins de votre Pere fur votre vie précieufe, & que tous les ordres que vous en aviez reçus ont été accomplis; que les travaux & les douleurs de votre vie mortelle ont été consommés. Puiffions-nous en mourant, avoir exécuté fidélement tous les deffeins & les ordres de Dieu, avoir rempli & confommé tout ce que Dieu demande de nous en cette vie ; & que notre mort: foit comme un facrifice

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