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APPARITION DE JESUS aux deux Difciples d'Emmaus.

Eux Difciples de Jefus allant à un bourg nommé Emmaus, & parlant enfemble de tout ce qui s'étoit paffé, Jefus fe joignit à eux, & fe mit à marcher avec eux. Telle devroit être la converíation des Chrétiens, ils devroient s'entretenir de chofes faintes dans leurs conver fations ordinaires & dans leurs voyages, & non point de bagatelles; ce feroit le moyen d'attirer Jefus Chrift parmi eux, & de le rendre le compagnon de leurs voyages.

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Jeius leur demande de quoi ils s'entretiennent, & d'où vient qu'ils font fi triftes? Vous prenez ainfi part, ô Jefus, à notre trifteffe; & quand notre trifteffe eft raisonnable vous nous vifitez alors & vous nous confolez: & quelle bonté ! Mais yous demandez à vos Difciples ce qui les.. rend triftes: eh! peuvent-ils, Seigneur, n'être pas triftes de vous avoir abandonné? d'avoir appris votre paffion & votre mort & de ne fçavoir ce que vous êtes devenu? Peut-on n'être pas trifte quand on a perdu Jefus; & n'est-ce pas la feule chofe au monde de laquelle on doive s'affliger? Mais pourquoi, Seigneur, leur demander le fujet de leur trifteffe jufqu'à deux fois ?. Eh! ne le favez-vous pas mieux que qui que ce foit? Mais vous le faites pour les obligers

eux-mêmes à y faire plus de réflexion & à s'occuper davantage de vous.

Auffi vous répondent-ils, que le fujet de leur trifteffe eft touchant Jefus de Nazareth, qui a été un Prophéte puiffant en œuvre & en paroles devant Dieu & devant tout le peuple. O le bel éloge qu'ils font de vous! ils vous reconnoiffent pour Prophéte & Prophéte par excellence, qui aviez été promis en cette qualité au peuple Juif par Moyfe; ils reconnoiffent la force de vos paroles, la fainteté de vos actions, la puiffance de vos miracles. Telle doit être la vie d'un Prêtre & d'un Pafteur dans l'Eglife; il doit être puiffant par les œuvres d'une fainte vie & par des paroles efficaces; c'est peu qu'il éblouiffe les yeux du peuple par des actions éclatantes & par de beaux dif cours, s'il ne méne une vie qui foit fainte devant Dieu.

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Vos Difciples parlent amplement de votre Paffion & de votre mort & de l'efpérance de votre Réfurrection; mais ils vous avouent qu'elle eft bien affoiblie en eux: c'eft ce qui vous donne occafion de leur expliquer ce qui a été dit de vous dans les Ecritures depuis Moyfe jufqu'à vous; de leur marquer qu'il falloit que le Christ fouffrit, & qu'il entrât par ce moyen dans la gloire. Ainfi vous portez doucement vos Difciples à faire un aveu fincére de leur foibleffe, afin d'avoir occafion de les rele ver & de les inftruire. C'est ainsi que vous nous mettez fouvent dans cette heureuse

néceffité de confeffer notre néant & notrë mifere, afin d'attirer en nous par-là la lu→ miere & le fecours de votre grace.

O Seigneur, que furent heureux ces Difciples, de vous entendre ainfi expli quer ce que les Prophétes ont dit de vous! quelle fut la joie & la douceur dont leur Cœur fut rempli dans cette fainte confé rence? Auffi reconnurent-ils depuis, que leur cœur avoit été alors tout plein d'ardeur & tout enflammé d'amour, en entendant fortir de votre bouche facrée ces paroles dé vie. Ne pourrions-nous pas nous procurer la même confolation, fi nous voulions nous rendre fidéles & attentifs à la lecture des Ecritures, & les lire dans cette vue & dans cet efprit, que de n'y chercher qué vous, & Jefus ?

Vous dites à vos Difciples, qu'il falloit que le Chrift fouffrêt tout cela, & qu'il entrat Ainfi dans fa gloire. [Luc. 24. 26.] Il l'a fallu pour fatisfaire la juftice de votre Perëį il l'a fallu pour que vos fouffrances de vinffent un titre nouveau qui vous acquît la gloire qui vous étoit dûe par tant d'au tres; il l'a fallu pour notre exemple. Eh! s'il l'a fallu pour vous, Seigneur, ne le faudra-t-il pas pour nous, qui ne pouvons fatisfaire à Dieu fans fouffrir, qui ne pouvons nous exemter des peines de l'autre vie que par celles de la vie préfente, qui ne pouvons acheter la gloire qu'au prix de nos fouffrances unies aux vôtres ?

Lorfque vos Difciples furent proche die

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Bourg d'Emmaüs, vous fites femblant Seigneur, d'aller plus loin. Lorfqu'il femble que vous vous éloignez d'une ame, c'eft quelquefois alors que vous êtes plus près de vous manifefter à elle; & vous en ufez de la forte, pour augmenter en elle l'eftime de vos dons & les defirs qu'elle a de vous pofféder.

Auffi eft-ce ce que l'on remarque dans vos Difciples qui vous forcent de demeurer, en vous difant: Demeurez avec nous, parce qu'il eft déja tard, & que le jour eft fur fon déclin. [ v. 29. ] O Seigneur, que n'imitons-nous la conduite de vos Difciples, en vous forçant de demeurer avec nous par une nouvelle ferveur dans les bonnes œuvres, lorfque nos offenfes & nos tiédeurs femblent vous contraindre de nous quitter! Que ne vous forçons - nous de demeurer avec nous en la perfonne des pauvres, par l'hofpitalité & l'aumône! Oui, Seigneur, demeurez avec nous, car le foleil de la juftice s'abaisse en nous, le jour de la foi diminue & dans nous & dans nos freres, & le jour de notre vie eft fur fon déclin.

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Vous reftez donc avec vos Difciples, & étant à table avec eux, vous prenez du pain & le béniffez ; & l'ayant rompu, vous le leur donnez, & en même tems leurs yeux font ouverts, & ils vous reconnoiffent. O'que l'on eft bien récom penfé d'exercer l'hofpitalité! on croit ne recevoir qu'un paffant, on reçoit Jefus

Chrift; on croit donner à ce paffant des viandes communes & ordinaires, & on reçoit invisiblement pour nourriture de fon ame la grace de Jefus-Chrift qui eft le fruit

de fon fang.

C'eft dans la manducation de ce pain adorable que Dieu répand fa lumiere dans nos ames qu'il diffipe nos ténébres & nos doutes, & qu'il fe manifeste à nous. O que ce Sacrement eft véritablement, auffi-bien & plus que le Batême, un Sacrement d'illumination où nous découvrons tout le fond de la Religion, toutes les vérités du Chriftianifme, la bonté de Jefus & notre indignité, fa miféricorde & notre mifere !

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PREMIERE APPARITION. de J. C. aux Apôtres affemblés.

que les Apôtres s'entretenoient de Jefus, il fe préfenta lui-même au milieu d'eux, & leur dit : 1a paix foit avec vous; c'est moi, n'ayez point de peur. [ Luc. 24. 36.] Que l'on eft heureux de s'occuper & de s'entretenir de vous, Seigneur ! c'eft le moyen de vous attirer au milieu de foi. Mais quel bonheur pour vos Apôtres de vous pofféder au milieu d'eux, de jouïr de votre préfence fenfible après vous avoir abandonné vous oubliez facilement nos péchés, & vous n'avez aucun reffentiment des injures qu'on vous a faites, quand on Le convertit incérement à vous.

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