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à la tête d'une troupe de fcélérats qui vien➡, nent fe faifir de Jefus, il trahit fon Mai tre par un bailer; cette marque d'amour & de bienveillance devient en fa perfonne le figne de fa perfidie & de fa trahison. O qui ne craindra, fût-il un Apôtre? Judas a trahi fon Maître ; fût-il créé dans l'innocen ce, Adam en eft déchû par fon péché; eûtil la fainteté des Anges, les Anges rébelles font tombés du Ciel,

Ne nous laiffons point tant aller à l'indi gnation contre Judas; fon crime eft peutêtre le nôtre. Nous n'avons pas moins trahi Jefus-Chrift par un baifer, par des communions peut-être indignes, que ce perfide & ce difciple ingrat; ou du moins l'aurionsnous fait fans doute, fans la miféricorde du Seigneur; & nous ne fçavons pas de quoi nous fommes capables, & ce que nous ferons dans la fuite,

Mais, ô Jefus, de quelle maniere rece vez-vous ce difciple? Eft-ce avec des reproches injurieux ? nullement ; au con traire, vous lui donnez encore des marques de votre amour; vous lui dites: Mon ami qu'êtes-vous venu faire ici? [ Joan. 26. 50.] Vous trahiffez le Fils de l'homme par un baifer!

Luc. 22. 27. ] O bonté ineffable de Jer Lus! vous ne refufez pas le baifer de paix à ce perfide & à ce traître; vous l'appellez encore votre ami; vous lui remettez doucement par vos paroles, l'image affreu fe de fon crime devant les yeux, afin qu'il puiffe rentrer en lui-même, O qu'il

eft bien vrai que l'excès de votre amour em vers les hommes surpasse infiniment l'excès de leurs ingratitudes! mais, Seigneur, que cet exemple de modération & d'amour en vers ce difciple ingrat, eft une grande condamnation pour tant de perfonnes qui con→ fervent toujours de l'aigreur dans le cœur contre leurs ennemis, & qui refusent les moindres marques de bonté à ceux qui se repentent des injures qu'ils leur ont faites!

LA PRISE DE JESUS.

A

troupe

de foldats & de valets qui Létoit venue pour prendre Jefus, fe fai

fit de lui. O Jefus, vous perdez ainfi votre liberté pour expier le mauvais ufage que j'ai fait de la mienne, & pour me mériter la grace d'en mieux ufer! Un de vos Dif ciples entreprend de vous défendre; & fuivant l'ardeur de fon zéle encore peu éclai ré, il frappe de fon épée un des gens du Grand-Prêtre, & lui coupe une oreille : mais il ne favoit point encore que ce ne font pas là les armes dont vous voulez que fe fervent vos Miniftres; que les armes de la milice chrétienne font la priere, la confiance en Dieu & la patience dans les injures, par lesquelles on devient plus facilement & plus glorieusement victorieux, que par des voies de fait, dont il n'eft jamais permis à de fimples particuliers de fe fervir.

Auffi, Seigneur, blâmez-vous la con

duite de votre Apôtre, & fon peu de foi en la puiffance de votre Pere, qui vous enverroit plus de douze légions d'Anges pour vous défendre, fi vous l'en priïez: & par là vous m'apprenez, ô Jesus, à m'abandonner dans les maux de cette vie présente, & dans les perfécutions qui arrivent de la part des hommes,à votre Pere qui eft toutpuiffant pour me fecourir, quand & comment il le trouvera à propos pour sa gloire fa & pour mon falut,

Vous vous contentez de reprocher à cette troupe de venir à vous comme à un voleur, avec des épées & avec des bâtons pour vous prendre. Ô Jesus, vous êtes traité par les hommes comme un fcélérat & comme un voleur! Eh, qui fe plaindra de toutes les injuftices qu'il en pourra recevoir; ou plutôt, qui ne regardera déformais comme un fujet de gloire, & non d'opprobre & d'infa-mie, d'être traité injuftement comme un méchant ?

Vous leur remettez, ô Jefus, devant les yeux leur ingratitude, en leur marquant les biens que vous avez faits parmi eux; & leur difant que vous étiez tous les jours au milieu d'eux, enfeignant dans le Temple ; & qu'ils ne vous ont point pris. Ainfi vous n'avez cherché, Seigneur, que les occafions de faire du bien à ceux mêmes que vous fçaviez ne devoir vous faire que du mal; & pour les toucher & les faire rentrer en eux-mêmes vous leur représentez encore ici l'excès de vos bontés

Vous leur dites, Seigneur, que c'eft ici leur heure & la puiffance des ténébres; & par-là vous m'apprenez que c'est vous-même qui difpofez des mouvemens de la volonté des hommes ; & qu'ils ne se sont point faifis de vous, quand vous ne l'avez pas permis ; qu'ils le font à préfent que vous le leur permettez ; ainfi je reconnois que votre facrifice eft un facrifice volontaire ; que c'est l'amour, & non point la néceffité qui vous livre à vos ennemis, & qui vous lie plutôt que les liens étrangers: mais j'apprends auffi de ces paroles, à quel cruel fupplice vous êtes abandonné, puisque c'eft à la puiffance des démons qui agitent & remuent puiflamment cette troupe, & tous vos bourreaux, dans le tems de votre Paf fion ; qu'ainfi il n'y a point de rigueur & de tourment que vous n'ayiez enduré pour moi. O bonté ineffable! quelles actions de graces ne dois-je point vous rendre, & puis-je oublier jamais une faveur fi fingu Tiere?

Alors, Seigneur, vos Difciples après toutes leurs belles promeffes de vous être fidéles, s'enfuient & vous abandonnent. Apprenons de cet exemple, à vivre toujours dans la défiance de nous-mêmes, & reconnoiffons que toute notre force eft en Jefus ; & qu'afin que nous ne l'abandonnions pas, il faut qu'il nous foutienne & ne nous abandonne pas lui-même.

JESUS DEVANT CAIPHE

Vous paroiffez, ô Jefus, devant Caïphe le Grand-Prêtre des Juifs, vous qui êtes Prêtre felon l'ordre de Melchifedech, & dont le Sacerdoce ne doit jamais finir. Il vous interroge fur votre doctrine & fur vos Difciples, comme fi vous étiez fon jufticiable. Vous lui répondez que vous avez toujours enseigné en public; que tout le monde en peut rendre témoignage ; & que vous n'avez point cherché d'endroits cachés pour débiter une méchante do&rine. Cette réponse qui étoit faite avec une fainte liberté, vous attire un fouflet de la part d'un des Officiers du Grand-Prêtre qui ofe bien vous reprendre, & vous dire: Eft-ce ainfi que vous répondez au Grand-Prê tre? [Joan. 18. 22. ] Vous vous contentez de lui remettre fa faute devant les de lui demander pourquoi il vous frappe; & de lui dire que fi vous avez mal parlé, qu'il le faffe voir.

yeux,

O Jefus, que d'inftructions admirables yous nous donnez! Vous nous apprenez à ne pas rougir de la bonne doctrine & à la défendre, quoique l'on doive s'attirer de mauvais traitemens de la part des hom mes. Vous nous apprenez à fouffrir ces mauvais traitemens avec patience, quand ils nous arrivent, fans jamais abandonner la défense de la vérité. Mais en même-tems. yous nous apprenez qu'il y a des tems où la

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