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prudence ne permet point d'observer à la lettre ce que vous avez confeillé dans votre Evangile, quand on a reçu un fouflet fur une joue de tendre l'autre ; lorfque cette conduite ne ferviroit qu'à aigrir davantage les perfonnes, & qu'elles n'en feroient pas plus édifiées.

On fufcite deux faux témoins qui dépofent que vous avez blafphémé contre le Temple. O vérité calomniée & humiliée par le menfonge! vous ne répondez rien à Ges dépofitions qui fe détruifent affez d'elles-mêmes. Les hommes qui ont toujours quelque fujet de s'humilier & de fe reconnoitre coupables, ont toujours des apologies & des juftifications toutes prêtes à faire de leur innocence prétendue ; & vous, la juftice & la fainteté même, vous n'oppofez aux calomnies que le filence & la tience.

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Le Grand-Prêtre vous conjure par le Dieu vivant, de lui dire fi vous êtes le Chrift Fils de Dieu; quoique vous fçuffiez que la confeffion de cette vérité vous dût Goûter la vie, vous avouez que vous l'êtes & vous le faites en mettant même devant les yeux du Grand-Prêtre l'état de fouverain Juge, où vous paroîtrez à la fin du monde: ce qui irrite fi fort le Grand-Prê-tre qu'il déchire fes vêtemens en vous: traitant de blaphémateur, & portant le peu ple à déclarer que vous méritez la mort.

Ce Grand - Prêtre en déchirant fes haBits, fait une chofe qui lui étoit défendue

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par la Loi; mais c'étoit une action pros phétique qu'il n'entendoit point, non plus que cette prophétie où il eft dit, qu'il falfoit vous condamner à la mort, parce qu'il étoit expédient qu'un homme mourût pour tout le peuple: ce qui dans l'Efprit de Dieu marqueroit que par votre mort, vous de viez délivrer les hommes de la mort éternelle: & par cette action qu'il fait ici, il marque fans le fçavoir, que fon Sacerdoce & les facrifices felon l'ordre d'Aafon, vont être détruits & confommés par le vôtre.

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Mais & traitement indigne que vous recevez, & Jefus, dans la maifon de ce Grand Prêtre il vous traite de blafphémateur & vous apprenez à vos Difciples à fouffrir. de pareils traitemens, lorfqu'ils font accufés de blafphémer la vérité qu'ils défen➡ dent eux-mêmes, & qu'ils font calomniés même par des Prêtres & par vos propres Miniftres. Ce peuple qui eft ici préfent vous traite comme un homme qui mérite la mort, vous qui êtes l'auteur de la vie & de la vie éternelle: on vous crache au vifage; on vous frappe à coups de poing; on vous donne des fouflets, après vous avoir voilé le vifage, & en difant par défifion de votre qualité de Prophéte, devine eelui qui t'a frappé. [Lue. 22.. 64.] Voilà les indignités & les infultes de la part des foldats, aufquels vous avez été abandonné durant cette nuit ; & tout cela, Seigneur pour expier la fenfibilité & la fauffe déli

careffe que l'on a dans les moindres injures que l'on reçoit ; & pour expier la vaine complaifance qu'une infinité de perfonnes ont pour leur vifage dont ils font idolâtres, & le foin criminel qu'elles prennent pour plaire par-là aux créatures.

O Jefus, que j'apprenne de votre exemple, à fouffrir avec patience toutes les ca*Tomnies qu'on pourra inventer contre moi, à n'avoir aucune fenfibilité pour tous les 'affronts, & que je n'aie jamais pour mon corps aucune complaifance qui me rendo défagréable à vos yeux; qu'au contraire, j'aie toujours ce fentiment de moi-même, que je mérite toute forte d'humiliations & d'abaiffemens ; & que je travaille avec tant de foin à l'acquifition des vertus qui doivent embellir mon amë que je néglige les trop grands empressemens pour mon corps.

RENONCEMENT
Pénitence de S. Pierre.

Saint Piecha de Grand-Prêtre par un Aint Pierre ayant fuivi fon Maître, fut des Difciples qui étoit connu du GrandPrêtre. O qu'il eft fouvent dangereux d'avoir des amis qui nous donnent entrée dans Je monde, & fur-tout dans la maifon des Grands & dans la Cour des Rois! que fouwent on n'y entre que pour y perdre l'innocence, & pour y renier Jefus Christ à l'exemple de faint Pierre, qui étant interrogé

par de fimples valets, s'il étoit des Difciples de Jefus-Chrift, dit en jurant, qu'il ne le connoiffoit pas.

O vanité des promeffes humaines! qu'il -faur peu compter fur toutes nos paroles & fur tous nos vains efforts! La voix d'une fervante & un rien, eft capable de nous renverfer, & de nous faire connoître parune malheureuse expérience, que nous fommes bien éloignés de faire, & de pouvoirvéritablement le bien que nous fentons quelquefois que nous voulons : toute notre Confiance doit être dans la grace du Seigneur, fans laquelle on eft néceffairement vaincu, & l'on tombe dans le dernier aveųglement & la derniere infidélité, quelque fainteté qu'on ait eue auparavant, & quelque confeffion avantageufe qu'on ait faite en d'autres occafions du nom & de la divinité de Jefus-Chrift..

Vous permettez, Seigneur, cette chûte honteuse dans la perfonne de votre premier Vicaire , pour apprendre à tous les autres à devenir compatiffans envers les pécheurs,. en se remettant devant les yeux leur propre foibleffe & les chûtes dont ils feroient capables, fi vous les abandonniez à eux-mêmes, comme vous fîtes alors le premier de vos Apôtres.

Mais, Seigneur, vous jettez feulement un regard fur faint Pierre; & faint Pierre étant forti dehors, pleure amérement. O regard puiffant & efficace de Jefus, feu, capable de convertir nos cœurs ! toutes les

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chofes extérieures fans cela, ne font fouvent que nous endurcir; la feule grace in térieure de Jefus eft ce qui amollit la dureté. du cœur. Mettez-la, Seigneur, cette grace dans mon cœur, car il est sûr qu'elle s'en rendra la maîtreffe, & qu'elle s'affujettira toutes les puiffances de mon ame; & que, fans elle, tous les autres fecours que vous me donnerez, ne feront que me rendre plus coupable.

Saint Pierre fort dehors & pleure amérement une faute qu'il avoit commife par fra gilité: quand on eft vraiment touché de la douleur de fon péché, on en quitte les occafions, & on en gémit devant Dieu & devant les hommes, on n'a pas besoin de. perfonne qui nous anime à la pénitence; on donneroit plutôt dans l'excès que dans Je défaut, fi la prudence chrétienne ne, mettoit de juftes bornes à l'ardeur de no tre zéle. Il faut donc que la douleur de la plupart des pénitens foit bien fauffe ou bien, foible, puifqu'ils ne quittent point les occafions du péché; & que leurs larmes font, fi courtes & fi-tôt defféchées. Mais, Seigneur, éloignez de nous toutes les occa fions du péché ; donnez nous les fentimens d'une véritable pénitence; tirez de, nos cœurs les larmes d'une parfaite contrition, & que notre converfion foit folide &, permanente,

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