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les laïcs avaient constamment essayé de s'arroger au moyen àge. Cette chapelle, nous empruntons ici les termes de M. Port,« occupait l'aile orientale (du château); la pierre d'autel git auprès de la porte ». Ce château n'était point de vieille date quand la ruine survint pour lui. Il présentait ce caractère presque uniforme des maisons importantes du xvi et du xvin siècle lorsqu'elles n'allaient pas à de très hautes prétentions. Une sorte de fer à cheval dont les ailes étaient assez peu avancées. Tout cela est actuellement éventré et les pierres de taille en ont été pillées comme partout.

Ce château de Putille ne dut pas avoir une longue splendeur. Dès l'an 1695, il était laissé à des étrangers. Maitre Maurice Le Horeau', sieur du Frêne, greffier des rôles de la paroisse de Montjean, y demeurait.

Pour ce qui est de la famille Chenu, elle s'était perpétuée dans d'autres pays. Nous la retrouvons en effet à Chaudron où, en l'an 1630, Gilbert Chenu apparaît comme seigneur en vertu de son château du Bas-Plessis.

Gilbert Chenu portait d'argent à neuf hermines 4, 3, 2, au chef d'or chargé de cinq fusées de gueules, dit Arthaud. Ballain change ces fusées en losanges.

(A suivre.) p. 37
p.87

***

1 Les Le Horeau semblent sortis d'Etriché. Maurice y donna bail d'une maison sise au bourg, et le 10 février 1710, René Le Horeau, maire-chapelain, y vend une maison et un jardin, situés au bourg, à René Maugars, sieur du Vivier, bourgeois d'Angers.

LA BOULLAYE LE GOUZ

Sa vie et ses voyages

(suite)

La Perse est encore l'une des régions les plus intéressantes de l'Asie. A cette époque, c'était un pays pour ainsi dire inconnu. La Boullaye le Gouz avait choisi un moment des plus favorables. La dynastie du Mouton-Blanc était tombée en 1439 et celle des Sophis lui avait succédé. Ses débuts avaient été des plus pénibles et un instant l'on avait pu croire que les Turcs allaient s'emparer de l'ancien royaume de Cyrus; ils avaient déjà mis la main sur les provinces occidentales de la Perse. Abbas le Grand, qui régna de 1585 à 1629, avait consolidé la puissance de sa maison. Il avait pris Tauris, forcé la Géorgie à reconnaître sa suprématie et enlevé Ormuz aux Portugais. Le prince qui régnait alors s'appelait Abbas II. Il marchait sur les traces de son ancêtre et cherchait à agrandir ses états. Il occupait la plus grande partie de l'Afghanistan et se disposait à se mettre à la tête de ses troupes pour aller assiéger Kandahar. La Boullaye le Gouz reçut un accueil favorable en Perse; aussi ne cache-t-il pas sa prédilection pour les Persans, qu'il appelle non sans raison « les Français de l'Asie ». Il nous donne sur leurs mœurs, leur religion, leurs coutumes, leur organisation sociale et politique de précieux documents; les explorateurs qui, depuis, ont parcouru l'Iran, ont pu compléter ses renseignements, sans

jamais les contredire. A cette époque, comme aujourd'hui, la race dominante appartenait à la famille turque et la langue qui se parlait à la cour était peu différente de celle des Turcs de Constantinople. Le shah était tolérant pour les Chrétiens; il vivait en bonne intelligence avec le grand duc de Moskovie, afin de se ménager un allié contre les Ottomans, et recherchait l'amitié de la Pologne, des Vénitiens, de l'Allemagne et de l'Espagne. Quoique le chef de la secte d'Ali soit considéré comme le protecteur d'une hérésie par les Musulmans Sunnites, il entretenait de bons rapports avec le chérif de la Mecque. Les Anglais, les Portugais et les Hollandais lui causaient de vives appréhensions et il leur était hostile. Aucun de ces détails n'échappe à La Boullaye le Gouz et il nous les relate avec soin. La description qu'il nous fait d'Ispahan est intéressante. Aussi croyons-nous devoir la reproduire.

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Hispahan», nous dit-il, «< ou Hichipahaan, comme veulent les Persans, était autrefois Eccatonpolis, dont la grandeur est égale à celle de Paris; elle est assise proche de Zenderouh, petit fleuve sur lequel il y a un beau pont pour passer à Usulta, demeure des Arméniens. Entre ce pont et la ville, il y a une allée plantée d'arbres, et aux deux côtés, sont les jardins du schah. Il y a douze portes principales; chaque maison a son jardin avec des arbres fruitiers et de la vigne. Le séjour en est très beau et l'air très sain. Les fruits se conservent d'une année à l'autre. Je fus étonné d'y manger des melons et des raisins, au mois de février, qui me semblaient être nouvellement cueillis. Les cadauques, quoiqu'ils se corrompent, n'y rendent aucune mauvaise odeur, ce qui procède de la grande sécheresse du pays. Le Meydan, ou marché, est la plus grande place qui soit en aucune ville du monde; un peu plus longue que large, ayant tout autour des maisons bâties également avec des galeries au-dessus où l'on va à couvert de la pluie et du soleil ; à l'un des bouts, il y a une belle

mosquée et tout proche est le sérail du shah. En Hispahan, l'on mange la chair des chevaux, des ànes, des mulets, des chameaux que les Keselfaches trouvent de leur goût. Ils se moquaient de moi et m'appelaient superstitieux de n'en pas manger. Que bien leur face; je suis né dans un pays où l'on aime les chapons, et ce qui est bon. Ils ont de l'adversion aux grenouilles, autant que j'en avais à la chair de cheval. Le chagrin y est à grand prix; on le fait de peaux d'ànes ou de mulets. Les naturels d'Hispahan ont été subjugués par les Turcs Keselfaches et parlent persan. Mais tous les gens de guerre sont de langue turque, un peu différente de celle de Constantinople. Il y fait beaucoup de neige et de pluie qui incommodent fort à cause que les rues ne sont point pavées.

l'une

« Il y a quatre églises de Catholiques Romains fondée par Mgr l'évêque de Babylone; l'autre est de Capucins français, qui ont acquis leur maison sous le nom du roi de France; la troisième est d'Augustins portugais, bàtie par la magnificence des rois de Castille lorsqu'ils étaient rois d'Ormuz et souverains des conquètes des Indes Orientales; la quatrième est de Carmes Déchauds italiens envoyés par la congrégation de la propagande fide. Ces religieux ont de quoi exercer leur mission et ont pour objet la conversion des Musulmans, Arméniens, Juifs, Parsis, Indous, Georgiens et Sabis. »

La Perse n'était pas le but de notre compatriote. Il voulait visiter l'Inde, pénétrer sur les terres du grand Mogol. Aussi le voyons-nous se hater de se remettre en route, gagner Schirazet Lars, et se diriger du côté de Bender-Abassy, espérant y trouver une occasion favorable pour s'y embarquer. Son voyage ne présente que fort peu d'intérêt, tout naturellement le vin de Schiraz attire son attention Il se plaint de l'eau qui est de fort mauvaise qualité et donne la fièvre. Mais il la remplace« par une bonne eau-de-vie fabriquée avec des dattes », et aussi supporte-t-il gaillardement des

étapes de quinze à dix-huit lieues. Durant son trajet, il se croisa avec une caravane française où se trouvait un Jésuite français, le fameux Père Alexandre de Rhodes. Tous les deux étaient heureux de se rencontrer et de pouvoir parler ensemble de leur patrie. Le Père de Rhodes revenait en Europe, après avoir accompli une mission des plus pénibles et des plus périlleuses. La bonne humeur, l'originalité de l'enfant de l'Anjou lui plurent. Du reste, il avait entendu parler de lui, de son départ pour l'Orient, et aussi n'avaitil été que médiocrement surpris de se trouver face à face avec lui dans une région aussi lointaine que la province de Schiraz. La rapidité du voyage n'empêcha pas La Boullaye le Gouz de consigner quelques considérations fort intéressantes sur Ormuz, que les Persans avaient enlevé aux Portugais en 1622, avec l'appui des Anglais, et de faire ressortir les avantages que préservait l'ile de Kichm à toute puissance européenne qui voudrait commander le golfe Persique.

Notre compatriote s'embarqua à Bender-Abassy sur un bâtiment anglais, en ayant la bonne fortune d'y trouver deux Français avec lesquels il se lia. Son voyage fut des plus heureux. Il toucha à Maskate, alors au pouvoir des Portugais, et, au mois d'avril 1646, il arrivait à Souali, qui servait de port à Surate, la grande ville commerçante de l'Inde. « Le trafic de Surate, « nous dit-il, » est grand et le revenu de la douane prodigieux à cause de la quantité de vaisseaux que l'on y charge pour diverses parties du monde, suivant les marées, les saisons et les vents. Ceux qui vont à Ormuz ou Maskate partent depuis le premier jour de décembre jusqu'au dixième jour de mars. Pour Bassorah, Moka, Souakim, Mombaze, Mozambique et Mélinde, depuis le premier mars jusqu'au cinquième mars. Pour Achem, Zeïtoum, Manille, Macassar, Bantam et Batavia, aux mois d'octobre et novembre. Pour l'Angleterre, depuis le premier janvier jusqu'au dixième février,

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