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La sentence allait être exécutée, quand le procureur général du Parlement de Paris, instruit par Mgr Poncet de la Rivière, du danger qui menaçait les communautés angevines, ôta «< au Présidial la connoissance » de cette affaire, « voulant en connoistre » lui-même. En même temps (5 mai), le marquis d'Argenson, garde de sceaux, adressait à l'évêque d'Angers la lettre suivante :

<< Monsieur, j'ai rendu compte à S. A. R. des procédures qui ont été faites par le procureur du Roi en la sénéchaussée d'Angers contre la maison du Bon-Pasteur et contre les Echoles que tiennent le nommé Julien Hamon et la nommée Oger. J'écris au procureur du Roi, que Sa Majesté trouve bon, que ces établissement, subsistent de la manière qu'ils ont subsisté jusqu'à présent, c'est à dire par le travail qui s'y fait, et par les aumosnes des persones charitables et par les questes que vous jugerez à propos de permettre dans votre diocèze pour soûtenir ces bonnes œuvres, jusqu'à ce qu'on ait pris une résolution certaine et générale sur les établissements de cette espèce. Je suis, Monsieur, vôtre très humble et affectionné serviteur. » Signé : d'Argenson2.

Une pareille décision était particulièrement humiliante pour le Présidial; et le procureur Letourneux, sur qui retombait plus directement la honte de cet échec, en écrivit au garde des sceaux :

Monseigneur, les officiers de la sénéchaussée d'Angers rendirent lundy 2 de ce mois sentance contre les trois communautés, par laquelle conformement aux edits et ordonnances ils déclarent ces communautés, illicites, et leur enjoignent de se céparer, sçavoir celles gouvernées par les nommés Hamon et Oger dans huitaine et celle du Bon Pasteur dans trois mois du jour de la sinification pandant

Lehoreau, op. cit., t. III, p. 321.

2 Arch. Evêché, au dos du Recueil des ordonnances statuts et règlemens du diocèse d'Angers publiez... à Angers le 23 may 1703.

lequel temps j'obtiendrois du Roy un ordre pour la translation d'une fille enfermée dans la maison de ladite communauté du Bon Pasteur par lettre du petit cachet dans celle des Filles Pénitentes de cette ville ou telle autre qu'il plairoit à Sa Majesté. Mon respect et ma soumission pour l'execution des ordres que Votre Grandeur m'a depuis envoyée m'ont arestés et empesché de faire sinifier cette sentence aux trois Communautés. Mon devoir m'engage de vous remontrer très humblement, Monseigneur, que deux autres nouvelles communautés s'établissent encore en cette ville qui y occupent des maisons considérables à la charge du publicq, et que les hôpitaux sont tellement abandonnés qu'ils ne peuvent plus subsister; il paroist par les comptes de l'Hotel-Dieu auquel j'assistay la semaine sainte dernière que les administrateurs ont consommés plus de trante et un mil livres de leurs fonds en cette année, et qu'ils ont eté dans la nécessité d'en employer beaucoup les précédentes pour la subsistence des pauvres malades; les fonds de l'Hôpital Général diminuent aussy très considérablement depuis plusieurs années pour la norriture et entretien des pauvres, dont le nombre augmente tous les jours. ' »

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Malgré cette intervention, la décision du garde des sceaux fut maintenue. « Ainsi, dit Lehoreau 2, l'affaire tant agitée en a demeuré là », et les « nouvelles communautés », fortes désormais de la protection épiscopale, purent continuer leurs bonnes œuvres, sans crainte d'être inquiétées 3.

1 Arch. Evêché.

Op. cit., t. III, p. 321.

3 Moins solidement établie que les deux autres communautés, l'école des demoiselles Oger », après la mort des fondatrices, se transforma en « bureau de placement pour les cuisinières et les femmes de chambre ». (Voir A. de Soland, Bulletin historique et monumental de l'Anjou, 1861-62, p. 201.) La maison du Bon Pasteur subsista jusqu'à la Révolution en 1790 elle comprenait encore sept gouvernantes, vingt-quatre sœurs, quatorze personnes données à vie et dix-sept pensionnaires, sous la direction de Jeanne-Louise Jouanne. L'œuvre des filles pénitentes fut reprise, en 1829, par la révérende mère de Sainte Euphrasie Pelletier et continuée par une

Hôpital des Enfants trouvés. - Jusqu'à la Révolution, le seigneur haut-justicier avait conservé, comme une conséquence de sa part de souveraineté, le devoir de nourrir et d'élever les enfants trouvés sur son fief. Souvent, il faut bien l'avouer, il lui arrivait de faillir à ce devoir; les pauvres orphelins étaient, alors, portés à l'Hôpital de la ville voisine, qui s'empressait de les diriger sur l'Hôpital Général de Paris, où ils restaient à la charge de l'État1, Dans la seconde partie du siècle dernier, on fit, à Angers, plusieurs tentatives, qui restèrent, malheureusement, infructueuses, pour l'établissement d'un hôpital d'enfants trouvés; dans les « Statuts et Règlement » que l'on se proposait d'y faire observer, on lit

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Article 14. Les enfants seront élevés dans l'hôpital jusqu'à la age de quatorze ans avec séparation faite des garçons et des filles. Ils y seront instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine; on leur apprendra à lire et à écrire et on leur prescrira les travaux auxquels leur état, leur sexe et leur aage permettent qu'ils soient employés, et à la age de quatorze ans on fera en sorte de les mettre en métier pour qu'ils puissent gagner leurs vies. 2 >

Quoique le projet n'ait pas été réalisé, il importe de signaler encore, ce témoignage à ceux qui affirment qu'à la fin du siècle dernier, « l'opinion générale, en haut, en bas, est contraire absolument à l'instruction du paysan 3 ».

CH. URSEAU,
Secrétaire à l'Évêché.

congrégation qui compte aujourd'hui plus de 180 obédiences, et qui fait bénir, dans l'univers catholique, le nom de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur d'Angers.

1 Voir A. Babeau, Le Village sous l'ancien régime, 3o édit., p. 322. 2 Arch. Evêché.

3 C. Port, La Vendée Angevine, t. I, p. 72.

LE HARPISTE

A mon professeur

Madame Rosine Laborde, de l'Opéra.

Dans une arrière-cour, les pieds à demi nus,
Le front ridé, les yeux adoucis par les larmes,
Le harpiste et sa fille aujourd'hui sont venus
Nous jouer des airs vieux où je trouvais des charmes.

L'enfant chantait debout. Le père à ses côtés

Penché sur l'instrument dont les cordes aigries
Vibrèrent sous les doigts des artistes vantés -
Y cherchait des accords de ses mains amaigries.

Et de l'ensemble ému des notes et du chant
Une angoisse montait qui me remplissait l'àme;
Car l'enfant était belle, et l'air était touchant
Comme tous ceux où tremble une douleur de femme.

La fin de la chanson surtout me désolait :

« Il ne reviendra plus l'amour que tu refuses. » El son charme plaintif et mourant se mêlait Dans sa voix à l'accent sauvage des Abruzzes.

Oh! vieillard qui fixais tes yeux graves sur nous,
Ces yeux fiers où j'ai lu le mépris de l'aumône,
Oh! mendiante à qui j'offrirais à genoux
Les colliers dont Florence a muri l'ambre jaune.

Compreniez-vous combien mon cœur taisait d'aveux,
Aspirant aux essors de votre vie errante?

Comme je vous aimais, et comme de mes vœux
Je vous suivais parmi la foule indifférente.

Et quand, rentrés le soir dans votre pauvre abri, Vous compliez tous les deux l'argent de la journée, Vous êtes-vous parlé du poète attendri

Par cette âpre douleur à se taire obstinée ?

Hélas! les airs joyeux et les chaudes couleurs
Nous passionnent moins qu'un accent de misère,
Et, c'est au prix du mal, c'est au prix de nos pleurs
Que l'Idéal toujours fait sourire la terre.

J. CHASLE-PAVIE.

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