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NÉCROLOGIE

M. le Chanoine Priou

Les lignes qui suivent étaient écrites, quand a paru dans la Semaine religieuse du 22 novembre, la notice étendue et complète que M. l'abbé Crosnier vient de consacrer à M. Priou. Je les aurais supprimées, si l'affection et la reconnaissance ne me faisaient un devoir de rendre, à mon tour, un modeste hommage à l'un des hommes qui m'ont inspiré le plus de respect, et dont je garde fidèlement au fond du cœur la chère et vénérée mémoire.

La mort de M. Priou laisse dans le clergé de l'Anjou un vide qui ne sera pas aisément comblé. Par une rencontre qui devient de plus en plus rare, M. Priou avait su heureusement allier aux vertus sacerdotales les habitudes de l'homme du monde. On le respectait pour sa piété, on le recherchait pour l'agrément de son commerce; et il savait plaire par l'affabilité de ses manières, l'enjouement de son esprit, le charme de sa conversation, par cette fine bienveillance qui était comme sa parure, sans jamais nuire à la dignité du prêtre. Il y avait en lui quelque chose de Fénelon, dans ce qu'il a de meilleur, je veux dire de Fénelon sans les hauteurs du grand seigneur, l'excès de la souplesse et les calculs de l'ambition.

Je n'ai connu M. Priou que tard, alors qu'il venait d'achever la construction de l'église Saint-Laud et approchait déjà de la retraite; je n'ai donc pas à insister sur les différentes étapes de sa carrière que la notice de M. Crosnier nous fait connaître. Tour à tour vicaire à Saint-Joseph et à Saint-Maurice, aumônier puis directeur du Petit-Séminaire Mongazon, curé de la Visitation à Saumur et de Saint-Laud à Angers, il a porté dans ces différentes situations une vive et souple intelligence, une charité active et féconde et, avant tout, cette vertu par

laquelle le prêtre se rapproche le plus du divin modèle, la bonté. M. Priou était profondément bon, et c'était là sa grande force auprès des âmes. Son apostolat s'adressait à la fois aux classes les plus élevées de la société et aux couches les plus profondes du peuple. De même que, s'il s'agissait de faire accepter un prêtre à quelque libre-penseur endurci, dans le plus grand monde c'était à M. Priou qu'on songeait d'abord, il y avait des ouvriers, de pauvres femmes qui ne voulaient se confier qu'à lui. Combien d'âmes égarées ou indifférentes il a ramenées à la foi, en les éclairant, en dissipant leurs préjugés par une science toujours sûre, une parole toujours sincère, une onction pénétrante qui allait droit au cœur! A combien de familles n'a-t-il pas rendu la paix par une heureuse intervention, par la sagesse et l'autorité de ses conseils! Combien de jeunes gens n'a-t-il pas soutenus ou redressés par une direction à la fois prudente et ferme qui dédaignait les minuties pour ne s'attacher qu'aux grandes lignes! I excellait surtout à consoler; il avait le sens des grandes douleurs, et ceux qui souffraient ne l'approchaient pas sans être soulagés au doux contact de son àme.

Cette âme n'avait d'ailleurs rien d'austère dans sa large sympathie elle embrassait le beau comme le bien. Jeune encore, M. Priou avait tenu à aller étudier le christianisme dans son double berceau, à Rome et à Jérusalem. Il avait passé à Rome un hiver entier, et il aimait à parler de ces longues promenades où, dans la société de l'abbé Perreyve, il lisait et relisait les épitres de saint Paul sur les ruines du Colysée. Les chefs-d'œuvre de la peinture et de la sculpture, les beautés de Rome et de la campagne romaine avaient laissé dans son âme une vive empreinte. Plus vifs encore étaient ses souvenirs de la Palestine; il y revenait volontiers et se plaisait à revoir par l'imagination et à peindre à ceux qui l'écoutaient Béthléem et ses grottes, Nazareth et ses fontaines, et la belle lumière de l'Orient couronnant les cimes du Thabor et de l'Horeb.

La distinction de l'esprit et la perfection de la vertu se reflétaient dans toute sa personne. On ne pouvait rencontrer dans nos rues ce vieillard, à la figure encadrée de beaux cheveux blancs, au sourire aimable, à l'oeil à la fois vif et doux, chez lequel la gravité se mêlait à l'aisance et la grâce à la dignité, sans se sentir attiré par une sympathie qui contenait de la tendresse et du respect. M. Priou a pu avoir des adver

saires, il n'a jamais eu d'ennemis. Tous les partis rendaienf également hommage à l'élévation de son esprit, à la sagesse de son caractère et à la pureté de sa vie. A un certain moment, il avait été question de faire de lui un évêque des raisons qui ne nous sont pas exactement connues s'y opposèrent. Peut-être sa santé, qui avait toujours été délicate, lui éût-elle difficilement permis de supporter les fatigues de l'épiscopat; mais, à coup sûr, nul n'en eût été plus digne.

Nous perdons un sage», disait-on le jour de ses obsèques; oui, fut-il répondu, et un saint. Je ne contredis pas même à ce dernier mot, bien qu'il ne faille pas le prodiguer. M. Priou approchait certainement de ce qu'on peut regarder comme l'idéal du prêtre. Son souvenir vivra longtemps dans les âmes qui lui étaient chères ; pendant longtemps il y fera surgir à certaines heures cette larme involontaire qui, comme l'a dit M. de Montalembert, est le sceau de la vraie gloire et du véritable amour. C'est, qu'en effet, par la large tolérance de l'esprit et l'exquise bonté du cœur, par la vertu consolatrice, la séduction, le doux attrait, il était vraiment disciple de Jésus et du nombre des pêcheurs d'hommes.

M. Chevrollier

Adolphe LAIR.

Le 6 novembre mourait à Angers, à l'âge de 81 ans, un homme instruit et modeste, dont la longue carrière a été consacrée à l'enseignement de la jeunesse.

M. Jean Chevrollier naquit à Angers, le 18 avril 1810. Son goût le détermina de bonne heure à suivre les conseils de M. Gellerat, alors directeur de l'École modèle d'enseignement mutuel, dans la cour des Cordeliers. En 1832, il succède à son maître, obtient une mention honorable et, en 1840, une médaille de bronze et une médaille d'argent. L'année suivante il quitte l'enseignement public et, avec M. Prin, fonde l'École libre d'enseignement primaire supérieur, que bientôt il dirigea seul. En 1844, M. Huttemin, directeur de l'école primaire supérieure de la ville, ayant donné sa démission, le recteur lui donna comme successeur M. Chevrollier qui, sur la demande du Conseil municipal, fut autorisé à réunir les deux écoles. Jusqu'en 1882, époque à laquelle il prit sa retraite, c'est-à-dire pendant 38 ans, M. Chevrollier prodigua

son enseignement à la jeunesse angevine qui sut, à ce point, aimer et estimer son maître, que ses élèves reconnaissants demandèrent pour lui la croix de la Légion d'honneur, qui lui fut accordée en 1880. Il avait reçu, en 1869, les palmes d'officier d'académie et, en 1877, avait été nommé officier de l'instruction publique.

M. Chevrollier, en 1882, prenait donc sa retraite et le 22 septembre 1890, le prêtre qui l'avait marié, cinquante ans plus tôt, le vénérable curé de Saint-Léonard, M. Besnard, célébrait en l'église Saint-Joseph la messe de ses noces d'or. Mais cette touchante cérémonie s'était terminée d'une façon bien douloureuse Mme Chevrollier, quelques heures après la messe, rendait le dernier soupir. Le vieillard supporta avec courage le coup qui venait de le frapper; mais la maladie, à son tour, l'assaillit et, malgré les soins attentifs et dévoués de ses enfants, M. Chevrollier succomba.

Le Général Lacretelle

M. le Général de division Lacretelle, député de Maine-etLoire, est décédé subitement le 14 novembre, en son château de Mollière, près Angers.

Le général Lacretelle était né à Pont-à-Mousson (Meurtheet-Moselle), le 30 octobre 1822. Sorti de l'école militaire en 1843, il fut nommé sous-lieutenant à la Légion étrangère, et se distingua en Afrique par de brillants faits d'armes.

Capitaine en 1854, il fit la campagne de Crimée où il se signala par des actions d'éclats qui lui valurent, avec la rosette d'officier de la Légion d'honneur, une citation à l'ordre du jour de l'armée d'Orient « parmi les plus braves entre les braves ». A Inkermann, l'épaule traversée par une balle, il ne quitta pas un instant le champ de bataille. A Sébastopol, il eut la poitrine labourée par un biscaïen.

En 1856, il fut nommé colonel des zouaves de la garde, puis général de brigade et général de division. En 1874, il fut élevé à la dignité de grand-officier de la Légion d'honneur.

Quarante-six ans de service, quinze campagnes, deux blessures graves, trois citations, tel est le résumé de la magnifique carrière militaire du général Lacretelle, dont la valeur et les capacités étaient hautement appréciées dans cette armée qu'il aimait tant.

En 1887, il fut mis en disponibilité sur sa demande et vint se fixer dans son beau domaine de Mollière, près d'Angers.

Quelques mois plus tard, M. Chevalier, député de Maineet-Loire, étant venu à mourir, le général Lacretelle fut désigné comme son successeur et élu, au scrutin de liste, le 25 février 1888, avec une imposante majorité. Aux élections générales de 1889, l'arrondissement de Baugé le choisit pour son représentant et lui renouvela son mandat.

Les obsèques du général ont eu lieu le 18 novembre, dans l'église de Beaucouzé, au milieu d'une immense affluence. L'absoule a été donnée par S. G. Mer Freppel. Le corps fût ensuite transporté à l'hôtel du défunt, où les honneurs militaires lui ont été rendus par un bataillon d'infanterie, un bataillon de pontonniers et deux escadrons de cavalerie placés sous les ordres du colonel Maillard. Le deuil était conduit par le fils et les gendres d'adoption du défunt; dans le cortège, on remarquait les députés et sénateurs de Maine-et-Loire, plusieurs généraux el un grand nombre d'officiers de tous grades et de toutes armes.

Au cimetière, deux discours ont été prononcés sur sa tombe, l'un par M. le général Darroja qui, dans un langage ému, a retracé la brillante carrière militaire de son ancien compagnon d'armes; l'autre par M. Berger, député de Maine-etLoire, qui a rappelé les services que le général Lacretelle a rendus encore à son pays comme représentant de notre département à la Chambre des députés.

Le Général de Cathelineau

Le général de Cathelineau se trouvait depuis quinze jours chez M. de la Jonchère, au château de Squividam, près Quimperlé, quand, à la suite d'un faux mouvement, un phlegmon se déclara et, quelques jours après, le 20 novembre, la mort terrassait cet homme qui, dans un âge avancé, avait conservé une force et une santé remarquables.

Le comte Henri de Cathelineau était né en 1813, au Pin-enMauges, pays d'origine de son père et de son grand-père. II était le petit-fils du célèbre chef vendéen, et le fils de Jacques de Cathelineau, anobli par la Restauration et tué dans une ferme, aux environ de Jallais, en 1832, au début de l'insurrection dirigée par la duchesse de Berry et le père du général de Charette.

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