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même d'améliorer la perception et la répartition de l'impôt par des suppressions d'offices et par une plan d'administration provinciale dont ses ennemis trouvèrent moyen de s'emparer, et qu'ils livrèrent à l'impression. Ce mémoire, dans lequel il décriait confidentiellement la magistrature, en même temps qu'il affectait de lui prodiguer des hommages, dans plusieurs préambules de lois publiques de finance, excita les parlemens contre lui. De leur côté, les financiers entamèrent une polémique qui tendait à présenter la controverse entre les emprunts et les impôts, comme une querelle d'intéressés, entre les banquiers et les traitans. On accusa Necker de se dédommager par les bénéfices incalculables des négociations d'emprunt, faites par ses associés ou par ses correspondans, du sacrifice ostentatoire de ses appointemens de ministre. On dressa un tableau comparatif de la marche suivie par Law et de celle que suivait Necker (1). Les analogies

(1) TABLEAU COMPARATIF

De ce qui se passa dans les années 1716, 1717, 1718, 1719 et 1720, d'une part, et de ce qui s'est passé en 1776, 1777, 1778, 1779 et 1780, d'autre part: vérifié d'après les pièces originales imprimées à la suite de l'histoire du Système.

M. LAW.

1. On lit dans l'histoire du Système, avant qu'il ait eu lieu, que T'on avait épuisé toutes les ressources des emprunts, des loteries, des rentes viagères.

2. Que Law proposa ensuite son système comme le moyen d'éviter de surcharger l'État par de nouveaux impôts.

3. Que Law fit envisager la destruction de tous les crédits particuliers, comme devant produire l'augmentation de celui du Roi, qu'il proposa d'y substituer.

4. Une déclaration du Roi, qui ordonna que tous les billets pour le service de l'État seraient rapportés et vérifiés, procura, au com.

M. NECKER.

1. On lira dans l'histoire que M. Necker a épuisé toutes les ressources des emprunts, des loteries, des rentes viagères. Édits de 1776, 1777, 1778, 1779, 1780.

2. Que M. Necker a présenté son plan économique comme le moyen d'éviter la surcharge de l'État par de nouveaux impôts.

3. Que M. Necker a fait envisager la destruction des crédits intermé diaires comme devant servir à l'ac croissement de celui du Roi, qu'il a proposé d'y substituer.

4. La déclaration de septembre 1776, qui porte que tous les brevets de pensions et autres seront rapportés pour en faire la vérifica

sont décisives. Ces deux hommes avaient au fond les mêmes idées = sur les finances: ils sentirent très-bien que la méthode du crédit avait des avantages immenses, et qu'elle était le lien de tous les progrès à venir; mais l'un et l'autre manquèrent la question du principe, et travaillèrent sans bases. A la suite de ces attaques, Necker perdit ses amis au conseil; tous les plans du directeurgénéral y étaient repoussés : il en demanda l'entrée pour les défendre; mais on ne voulut la lui accorder qu'à la condition qu'il abjurerait solennellement le calvinisme, et il se retira.

Deux impôts et un emprunt onéreux signalèrent la courte administration de M. Joly de Fleury. Ensuite l'un des intendans réformés par Necker, M. d'Ormesson, jeune homme intègre et

mencement de 1716, le retard de tion, a fait profiter le Roi du retous les paiemens.

5. Arrêt du Conseil du 2 mai 1716, qui permet à Law et compagnie d'établir une banque publique sous le titre de Banque générale.

6. Un an après, la banque générale fut réunie au trésor royal. Il fut ordonné que ses billets seraient reçus en paiement.

7. Arrêt du Conseil-d'État du 10 septembre 1719, qui ordonne que les traitans généraux d'affaires extraordinaires, seront tenus de présenter et affirmer leurs comptes devant des commissaires.

8. Arrêt du Conseil-d'État du 27 août 1719, qui casse et annule le bail de la ferme générale.

9. Arrêt du Conseil du 12 octobre 1719, pour faire cesser les fonctions de receveurs-généraux de finances, et ordonner qu'il soit pourvu au remboursement de leurs offices en récépissés au porteur, aussitôt après la liquidation de leurs quittances

de finances.

tard de paiement qui en est résulté.

5. L'arrêt du Conseil, du 22 septembre 1779, a permis à une Compagnie d'établir une banque publique sous le titre de Caisse d'escompte. Item, arrêt du 7 mars 1779.

6. Les billets de la Caisse d'escompte sont reçus dans toutes les caisses du Roi, et offerts en 'paiement aux particuliers, quoique cela soit contraire à l'établissement.

7. Un édit'de novembre 1778 ordonne que les trésoriers-généraux et particuliers seront supprimés, et tenus de présenter leurs comptes devant des commissaires.

8. Arrêt du Conseil, du 9 janvier 1780, qui détruit la Ferme gé nérale.

9. Édit d'avril 1780 pour faire cesser les fonctions des receveurs généraux des finances, et ordonner qu'il serait poùrvu au remboursement de leurs offices, mais seulement après l'apurement et cor rection de leurs comptes; ce qui donne un délai de plus de quatre

ans.

laborieux, mais sans portée, gouverna un instant les finances qu'il remit à Calonne le 3 novembre 1783.

Maurepas était mort. La Reine Marie-Antoinette exerçait désormais sur l'esprit du Roi une influence absolue : elle dirigea la réaction de la haute noblesse contre les essais de réforme et ceux de ministres populaires; par elle, tout le pouvoir appartint encore une seconde fois à la Cour.

10. Les rescriptions sont converties en billets de banque.

11. Déclaration de février 1720, avec préambules éloquens, tendant à réprimer le luxe.

12. L'auteur du Système a été regardé pendant deux ans comme un génie supérieur : il se rendait hardiment garant de tous les événemens; ses opinions prévalaient dans le Conseil, et ses opérations excitaient l'enthousiasme du public.

13. M. Law était étranger et banquier.

14. Il fut contrôleur-général. 15. Il bouleversa le royaume, ruina les particuliers, fit faire la banqueroute et se sauva.

16. M. de Maurepas était dans le Conseil, mais trop jeune pour s'opposer à cette catastrophe. ( Il était âgé de 18 ans.)

17. Le Parlement, effrayé de l'établissement, rendit, le 12 août 1718, un arrêt qui fit défense à tous étrangers, même naturalisés, de s'immiscer en aucune manière au maniement et à l'administration des deniers royaux, sous les peines portées par les ordonnances. Get arrêt n'empêcha pas la catastrophe; mais il prouva que le Parlement l'avait prévue, et il fut sa justification.

10. On peut croire que les rescriptions seront discréditées, et qu'on voudra les remplacer par des billets de la Caisse d'escompte.

11. Les préambules des nouveaux édits sont encore plus éloquens, et ont le même objet.

12. L'auteur du nouveau plan est encore regardé comme un homme d'esprit : il n'a pas hésité à gàrantir le succès de ce qu'il propose. Sans être du Conseil, il fait prévaloir ses opinions ; et ses opérations ont trouvé jusqu'à ce moment des enthousiastes.

13. M. Necker est étranger et banquier.

14. Il est directeur-général. 15. Il bouleverse tout, il ruine les particuliers, il fera... etc.

16. M. de Maurepas se trouve à la tête du Conseil : c'est aujourd'hui par son expérience et sa sagesse que le Roi et la nation peuvent être préservés d'une pareille catastrophe. (Il est âgé de 8-1 ans.)

17. M. Necker suit la même mar che que M. Law. Quelle serait l'excuse du Parlement et du Ministre, s'il en résultait le même effet? Un arrêt du Conseil a permis l'établissement de la Caisse d'escompte pour les lettres de change; mais peut-il exister un papier-monnaie sans la sanction du Parlement?

Calonne s'était mis en grande faveur par sa conduite dans l'affaire La Chalotais: nommé commissaire, il s'était fait l'instrument des puissantes inimitiés que le magistrat breton avait soulévées. Sa réputation d'homme industrieux, la souplesse de son esprit, sa fécondité en expédiens, dont il avait donné tant de preuves, décidèrent de son élévation au contrôle général. Trois mois après il obtint le caractère de ministre et prit place au Conseil.

La Cour fut servie par Calonne au-delà même de ce qu'elle en avait espéré. Les dettes des Princes furent liquidées; on acquitta jusqu'à des créances simulées; on fit acheter Rambouillet au Roi et Saint-Cloud à la Reine. Les dons, les pensions, les gratifications pleuvaient sur les courtisans.

A Paris, la ferme générale gagnait un mur d'octroi et les barrières telles qu'elles existent aujourd'hui; pendant que chaque jour on multipliait les emprunts, on établissait une caisse d'amortissement pour l'extinction de la dette. Les domaines de la Couronne engagés, échangés; les préambules des édits enflés de gigantesqués promesses; la prospérité future de la France, qui rembourserait tous ses créanciers en moins de vingt ans ; tout cela environnait la royauté d'une magnificence inaccoutumée; mais aussi tout cela ne fit renaître un instant la circulation entré l'emprunt et l'usure, que pour la voir aussitôt étouffée entre le discrédit et l'agiotage.

Calonne était au bout de ses ressources; il avait emprunté plus de huit cents millions en quatre ans ; ce qui, joint aux cinq cents trente millions empruntés par Necker, et aux trois cents millions de Joly de Fleury, chargeait, en dix ans, le capital de la rente d'un milliard six cent trente millions. Il se trouva que le recours aux palliatifs et à l'habileté, ramenait, après une courte intermittence, la question révolutionnaire. Calonne, conduit à son tour en face des réformes, devait être empêché de tous les obstacles que ses prédécesseurs avaient rencontrés, et de celui qu'il s'était fait, en prônant l'efficacité d'un système auquel il était contraint de renoncer. La position était forcée. Il puisa dans les projets de

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Turgot et de Necker, et prépara un travail sur l'établissement d'assemblées provinciales, sur l'impôt territorial proportionnellement réparti, sur la taille, sur la corvée, sur la suppression des douanes intérieures, etc, etc.; et il fit convoquer les notables pour fortifier ses mesures d'une ombre de sanction. Mais que pouvait-il se promettre des privilégiés qu'il réunissait? Afin de leur imposer des sacrifices que la clameur publique les eût obligés de subir, il aurait fallu que le privilége le plus onéreux, qué la royauté s'exécutât franchement elle-même, et qu'au lieu de mendier pour son compte, elle n'eût d'âme et de pensée que pour la nation entière. Ses motifs intéressés, et l'énorme déficit qu'elle était forcée d'avouer aux notables, leur fournissaient des prétextes plausibles pour refuser leur appui à son agent.

Des revers administratifs laissaient d'ailleurs sans excuse les griefs particuliers imputés à Calonne. Il s'était fié à ses succès du soin de les absoudre, et maintenant il en était écrasé. Le souvenir de Necker; son parti composé d'une foule de gens de lettres et de femmes à la mode (1); l'écrit qu'il avait publié en 1784, sous le titre d'Aperçu sur l'administration des finances; les nombreux pamphlets dirigés contre l'immoralité, la légèreté, la profusion du ministre; les épigrammes, les couplets par lesquels on avait accueilli la nouvelle création d'offices de payeurs de rentes, et le rétablissement de la Compagnie des Indes; la refonte. des louis, opération qui seule déshonorait Calonne, et dont il se défend si mal dans ses propres ouvrages; tous les libelles enfin auxquels il avait donné lieu par le choix de coopérateurs équivoques: telle est l'énumération imparfaite des élémens d'opposition personnelle auxquels les tristes résultats de sa gestion abandonnaient le contrôleur-général.

(1) « C'est une chose remarquable que l'enthousiasme des femmes les plus distinguées par le rang et par la beauté, pour un homme d'une figure ignoble et éloigné de toute galanterie par l'austérité apparente de ses mœurs. On a vu, quelques jours après son renvoi, la duchesse de Lauzun, de toutes les femmes la plus douce, et surtout la plus timide, attaquer dans un jardin public, un inconnu, qu'elle entendit mal parler de Necker, et sortir de son caractère au point de lui dire des injures.»> Introduction au Moniteur, page 47.

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