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celui

les vierges du Seigneur, et par l'exemple d'Egidius, et par de Chilpéric, et enfin par celui de Clovis lui-même, qui très-souvent consultait quelques saints personnages qui suivaient habituellement son armée. Clovis, d'ailleurs, faisait baptiser ses enfans, ce qui était promettre aux Francs des rois chrétiens. Or, rien ne nous apprend que quelqu'un de ses sujets lui ait demandé compte de cet acte. L'histoire du vase sacré réclamé par l'évêque de Reims, nous prouve quelle autorité avait, parmi cette peuplade, le respect pour l'Église. Enfin, l'immunité accordée au territoire de la cité des Rémois; l'indépendance qui lui fut laissée, parce qu'il était sous le gouvernement d'un Archevêque, tandis qu'on conquérait Soissons, parce que cette cité était administrée par un comte; même la conduite de Clovis après son baptême, tout montre que son accession au Christianisme fut plus encore un acte de foi qu'un acte politique.

En 497, un an après ce baptême, Clovis invita les Armoriques à s'allier avec lui, et, par l'inspiration des Évêques, elles le reconnurent pour administrateur de la chose militaire. Paris devint la capitale du nouveau Royaume. Les troupes romaines qui étaient cantonnées vers la Loire et dans le Berri, ne voulant pas, disent les chroniques, se donner aux Ariens, imitèrent les cités; elles se donnèrent aux Francs et aux Armoriques. Alors LA NATIONALITÉ FRANÇAISE FUT CONSTITUÉE.

Nous croyons qu'il résulte de la narration qui vient de finir, que l'établissement de la Monarchie Française ne fut pas le résultat d'une conquète; qu'elle fut appelée par la nécessité toute gauloise de fonder un centre de conservation nationale; enfin, que le principe d'union qui fit une société une de tant d'élémens hétérogènes, fut le principe catholique; en sorte que c'est avec raison que la loi salique déclare que la nationalité française a été instituée par Dieu, et que ce fut exactement vrai de dire que la France avait été construite par les Évêques des Gaules. Il nous reste à savoir maintenant si l'établissement dont il s'agit apporta quelque changement dans l'organisation sociale et dans l'état civil des Gaulois.

CHAPITRE III.

DE L'ÉTAT SOCIAL DES GAULES ET DE LA FRANCE

AU CINQUIÈME SIÈCLE..

Nous avons vu dans le chapitre précédent en quoi consiste ce que presque tous nos historiens se sont obstinés à appeler la conquète des Francs. Ce fut une véritable accession d'un corps de soldats à la foi chrétienne, et, par suite, l'élection de leur chef au commandement des forces militaires catholiques.

Dans cette confédération dont nous nous sommes appliqués à décrire les élémens, et que nous avons appelée France, pour donner un nom nouveau à un but nouveau d'activité; dans cette confédération, l'union des parties ne fut établie et ne fut maintenue que par l'unité des croyances.

L'accession des Francs, sauf le nom même de France, n'apporta rien de neuf, ni dans l'organisation sociale, ni dans les noms même qui servaient à désigner les élémens divers dont elle se composait. Elle ne fit que régulariser et fixer le commandement et la hiérarchie militaires. Pour s'assurer de ce fait, il suffit d'examiner l'état des Gaules au commencement et à la fin du cinquième siècle. Les matériaux sont nombreux, et si clairs qu'ils ne permettent ni discussion, ni doute: ils se composent, d'une part, du code Théodosien, et de l'autre, des constitutions des rois Francs, de la loi salique, du formulaire de Marculfe, etc. Nous en avons extrait le tableau qui va suivre.

Nous insistons sur toutes ces choses, moins pour combattre des préjugés répandus, que dans l'intérêt de l'usage que nous voulons en faire; car c'est en elles que sont contenus les principes de toutes les révolutions futures de l'état social en France.

Au commencement du cinquième siècle, la population des

Gaules était divisée en deux grandes classes, les Ingénus, ingenui homines, et les Serfs, servi. Ceux-ci en formaient, dit-on, les deux tiers. Chacune de ces classes offrait une multitude de subdivisions dont nous allons examiner les principales. Commençons par étudier l'ordre des Ingénus : c'est à ceux-là que, dans notre langage moderne, nous attribuerions le titre de libres.

Les Ingénus se divisaient en deux classes secondaires: les citoyens et les militaires.

Nous donnons ce dernier nom aux hommes qui avaient reçu à titre de bénéfice, et à charge d'un service militaire déterminé suivant les lieux, une certaine portion de terrain, avec une famille de serfs pour le cultiver, et une maison. C'est ce qu'on appela plus tard un manoir. Ces hommes étaient nommés, d'après la nature de leur service, ripenses, riparenses, ou limitanei, lorsqu'ils étaient campés vers une frontière, comme celle du Rhin, par exemple; casati, pagenses, lorsqu'ils étaient fixés dans l'intérieur. On les nommait, par comparaison, avec d'autres ingénus, immunes ou læti (1), lètes, parce qu'ils étaient exempts d'impôts, et astreints seulement au service de guerre.

Ces soldats ripuaires étaient agglomérés vers les frontières, et sur tous les points jugés importans à la défense du territoire, chargés de garder, tantôt un grand camp fortifié, castrum; tantôt un château, castellum; tantôt même une simple tour de défense ou de signaux. Ainsi, en certains points ils étaient réunis au nombre de quelques milliers; ils formaient un corps d'habitations considérable, et cultivaient un assez grand territoire. En d'autres lieux, ils n'étaient qu'une centaine; en d'autres encore, qu'une douzaine, et ils formaient de simples bourgs, pagi, burgi.

Indépendamment de ces soldats qui veillaient à la défense générale du pays, il y en avait d'autres qui, à des conditions semblables, faisaient le service dans les cités. Il paraît qu'ils s'appelaient plus particulièrement casati.

(1) Voyez une lettre de Théodoric aux citoyens d'Arles. Collection des Bénédictins, t. IV, page 6. Voyez encore Eumène, Panég. de Constance Chlore, cap. 21.

Cette milice se recrutait par succession. Le fils aîné avait le droit d'hériter du bénéfice de son père, pourvu qu'il présentât les conditions physiques requises, et qu'il se fùt engagé par le serment militaire qui était exigible à onze ans. Aussi, dans le code Théodosien, on trouve cette expression, stirpes castrensis, pour désigner cette race militaire particulière.

La hiérarchie militaire était représentée dans ces camps. Là où ils avaient été fondés par des légionnaires, la hiérarchie était indiquée par les titres en usage chez les Romains; là, au contraire, où ils avaient été formés avec des corps de troupes recrutées chez les Barbares, les noms de dignités barbares étaient conservés: car il y avait des Lètes Teutons près de Chartres, des Lètes Suèves et Bataves près de Bayeux, des Lètes Francs près de Rennes. L'Empereur Dioclétien avait établi des Francs Lètes dans le pays de Trèves, dans le Hainaut, le Cambrésis, etc.

Comment était-il pourvu aux vacances dans les grades? Il est probable que ce fut d'abord par nomination du délégué de l'Emperem, puis ensuite par succession. Il paraît au moins qu'il en était généralement ainsi à la fin du quatrième siècle.

Ce qui est bien remarquable, c'est que dans cette milice le serment ne liait pas seulement le soldat aux devoirs de sa fonction', mais encore à la volonté de son chef immédiat : c'est un fait constaté par un passage de saint Augustin. (Serm. 1 in vigilia Pent.) D'ailleurs ces troupes étaient soumises aux ordres du commandant envoyé par l'Empereur.

L'administration de la justice dans ces camps avait lieu suivant le mode usité dans les armées. C'était une affaire de discipline. Voilà quelle était la première classe des hommes libres; nous disons la première, car le plus mince rejeton de race militaire qui, par une cause quelconque sortait de la milice, pour devenir habitant d'une cité, était de droit dans la classe des curiales. Il avait fallu entourer le service de guerre de grands avantages, afin qu'il ne manquât point, tant il était difficile et rude. Vers le cinquième siècle les fils ne voulaient déjà plus succéder à leurs pères; on ne trouvait pas de remplaçans; en sorte que les rangs des Ripuai

res commençaient à se dépeupler. Il fallut y pourvoir par une loi qui rendit le service obligatoire pour les enfans.

Nous terminerons cette esquisse de la constitution militaire, en faisant remarquer qu'il en résultait que la classe entière qu'elle régissait, était attachée au sol. Nous allons voir qu'il en était de même pour le reste de la population, sauf un petit nombre d'exceptions que nous ferons connaitre.

La seconde classe des Ingénus était celle des habitans des cités. Il y avait dans les Gaules, c'est-à-dire dans l'espace compris entre les Alpes, les Pyrénées, la mer et le Rhin, cent quinze cités seulement; mais il ne faut pas entendre par ce mot ce que nous comprendrions aujourd'hui. Une cité était un petit département, ayant sa capitale ordinairement fortifiée, et ses bourgs. Ainsi Lutèce, que l'on a nommée plus tard, par contraction de Parisii, Paris, était la capitale des Parisiens; elle était le chef-lieu d'un territoire assez considérable, puisque la réunion de ses habitans put s'appeler une armée. Non loin de cette ville, à Saint-Maurait un camp de soldats Casati.

La population des cités était divisée en plusieurs classes: les sénateurs, les curiales, les simples citoyens et la plèbe. Les deux premières étaient chargées des fonctions municipales (1) : les Sénateurs administraient la justice criminelle par un tribunal composé de cinq délégués, quinqueviralis. Les curiales avaient soin de la répartition et de la perception de l'impôt; ils en ré

(1) En établissant cette division du gouvernement municipal en Sénat et en Curie, il nous reste quelques scrupules dont nous devons faire part à nos lecteurs. Cette division ne nous paraît pas absolument incontestable, bien qu'e le paraisse ressortir assez clairement de plusieurs passages. II a pu, en effet, arriver que les auteurs aient donné indifféremment le nom de Sénat ou de curie à des divisions d'un même corps. Voici cependant, quelles sont nos raisons principales pour la maintenir. Il y avait des familles sénatoriales; la Curie, au contraire, n'était formée que par élection des citoyens ou par inscription. Un édit de Majorien appelle l'assemblée des curiales, Sénat inférieur. Un article du code Théodosien, titre XII, dit: «In criminalibus causis, senatus statuta jamdudum quinqueviralis judicii forma servabitur. » Or, les Curiales ne jugeaient point au criminel; ils n'avaient que le droit d'arrêter. La loi salique distingue trois 'classes dans les cités, et l'amende prononcée pour garantir la vie de la “première, est plus considérable que celle même imposée pour le meurtre

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