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reur à la nouvelle du renvoi de M. Necker, parce que c'était sonner, avant le temps, les vêpres siciliennes?... On a développé leur plan d'attaque dans le Courrier de Versailles à Paris, dans le point du jour, etc. Moi-même, j'ai entendu de respectables militaires, des officiers généraux, obligés de s'avouer à eux-mêmes qu'il n'est que trop vrai qu'une cour aussi corrompue que celle de Catherine de Médicis, était aussi sanguinaire.

› Ces petits-maîtres et petites-maîtresses, si voluptueux, si délicats, si parfumés, qui ne se montraient que dans leurs loges ou dans d'élégans phaetons, qui chiffonnaient dans les passe-temps de Messaline et de Sapho, l'ouvrage galant de la demoiselle Bertin, à leurs soupers délicieux.... le plan de Paris à la main, montraient gaiement comme le canon ronflerait des tours de la Bastille; comme des hauteurs Montmartre, les batteries choisiraient les édifices et les victimes, comme les bombes iraient tomber paraboliquement dans le Palais-Royal. J'en demande pardon à M. Bailly, cet excellent citoyen, ce digne maire de la capitale; mais il sait bien que le maire de Thèbes, Epaminondas, au rapport de Cornélius Népos, ne se serait jamais prêté à un mensonge, même pour ramener le calme. A qui fera-t-il croire que la plate-forme de Montmartre n'ait pas été destinée uniquement à nous foudroyer et qu'elle puisse servir à un autre usage? Bons Parisiens, il y avait donc contre vous une conspiration exé crable.... Puisque la trahison est avérée, pourquoi s'enquérir si peu des traîtres?.... cela est vieux, dit-on, et devrait être oublié. Mais, s'imagine-t-on que je ne me souvienne plus que le sieur de Messemy, figurant aujourd'hui parmi les représentans de la commune, était le féal du sieur Barantin et le directeur de la librairie? S'imagine-t-on que j'aie oublié que dans la consternation de la capitale, le dimanche 12 juillet, quand les plus zélés patriotes parmi les électeurs, conjuraient M. de La Vigne, leur président, de sonner à l'instant le tocsin et de convoquer leur assemblée générale, ce pusillanime président les désespéra par ses refus; et malgré les reproches les plus durs qu'il essuyait de ces zélateurs du bien public, sut reculer encore de vingt-quatre heures,

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en temporisant, une assemblée dont la tenue était si urgente, et qu'il reculait déjà depuis plusieurs jours malgré le murmure général? S'imagine-t-on que j'aie oublié que le sieur de Beaumarchais était l'intime du sieur Lenoir, cet honnête lieutenant de police?....

Les journaux patriotes se plaignaient en effet que l'autorité municipale fit arrêter chaque jour quelques citoyens pour les actes les plus indifférens d'opposition. On avait saisi un homme au café de Foix parce qu'il distribuait quelques exemplaires d'une brochure qu'il avait faite; un autre, parce qu'il lisait tout haut un journal; un autre qui se promenait dans le jardin, parce qu'il parlait trop haut ; d'autres dans les rues ; les patrouilles allaient faire la police jusque dans les cafés: elles le tentaient au moins. L'une d'elles fut repoussée au café Procope, etc. (Révolu tions de Paris.) Enfin on arrêtait des malheureux pour fraude des droits de gabelle. On se plaignait que les détenus fussent renvoyés devant un tribunal de l'ancien régime, la Prévôté et le Châtelet, composé de juges ennemis de la révolution, et non devant des jurés. En effet, par arrêté des représentans de Paris, les tribunaux avaient repris séance. Il est vrai que M. la Fayette avait proposé de suspendre le jugement des délits politiques, jusqu'au moment où la justice pourrait être administrée par une institution plus en rapport avec les principes modernes. Mais cette proposition avait été sans résultat, même dans l'assemblée nationale, où elle fut portée. On se plaignait que des patrouilles se permissent de saisir même les brochures et les journaux marqués du visa de la ville. Ainsi quelques paquets du journal trèsmodéré de Prudhomme furent confisqués. Loustalot voyait dans cette conduite un système qu'il appelait le despotisme bourgeois, ayant pour but de substituer l'aristocratie des riches à celle des nobles.

Cependant les garçons cordonniers purent s'assembler, sans être troublés, aux Champs-Elysées; on se borna à les surveiller. Ils arrêtèrent entre eux le prix de leur travail, et nommèrent un comité chargé de veiller à l'intérêt commun, et de recueillir et

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distribuer une cotisation convenue, destinée à subvenir aux besoins de ceux d'entre eux qui se trouveraient sans ouvrage.

Mille objets d'intérêt local détournaient la commune et les districts des questions d'intérêt général. Les deux principaux étaient relatifs aux subsistances et à l'organisation de la municipalité. L'un et l'autre méritent quelque attention de notre part. Nous nous occuperons d'abord de la question municipale; elle est intéressante à plusieurs titres dans cette histoire parlementaire.

L'assemblée des représentans de la commune nommée en même temps, pour administrer la ville et pour rédiger un plan de municipalité, vivait dans le provisoire. Elle avait arrêté, le 24 août, un réglement pour l'organisation de l'assemblée des représentans de la commune, jusqu'à l'établissement définitif de la constitution municipale. Il n'offre que des dispositions relatives à l'ordre intérieur des délibérations, au nombre et à l'élection des comités. Il ne s'occupait nullement de déterminer les attributions du conseil de la ville; aussi celui-ci, ainsi que nous l'avons vu et que nous le verrons encore, se les donnait toutes, même celles de politique générale. L'insuffisance de ce réglement était parfaitement sentie. De semaine en semaine, l'assemblée des représentans appelée à s'occuper de matières plus nombreuses, était obligée, pour répondre à ces nécessités nouvelles, d'augmenter le nombre de ses membres, et de faire appel aux districts. Elle leur avait successivement demandé d'élire 60 représentans de plus et 60 suppléans, et ces additions se trouvaient encore insuffisantes; ces besoins sans cesse renaissans étaient, et on en avait parfaitement conscience, l'effet du défaut d'ordre auquel on ne savait suppléer qu'en multipliant les commissions. Un plau de municipalité, rédigé par une commission, fut donc imprimé et distribué, Ce projet établissait un conseil-général de trois cents personnes, un petit conseil de soixante, et un bureau administratif de vingt-un. L'assemblée arrêta, le 28 août, qu'elle s'en occuperait sans désemparer, et que le plan de municipalité serait précédé d'un préambule qui contiendrait la déclaration des droits de la commune. Mais elle fut détournée de cette occupation par

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la violence des événemens extérieurs, et le 30 août elle décréta que les districts sont invités à accepter provisoirement le projet de plan de municipalité à eux envoyé par l'assemblée, dans la partie qui concerne l'organisation de l'assemblée générale des représentans de la commune, du conseil et du bureau de ville.Ils sont invités en conséquence à nommer, dans la huitaine, cinq députés, à l'effet, par l'assemblée de ces trois cents députés, de nommer immédiatement le conseil de ville et ses officiers, et d'organiser les divers départemens.-Les districts sont pareillement invités à adopter provisoirement la partie du plan de municipalité qui les concerne, etc., en conséquence, à nommer aussitôt leurs comités et officiers de district....—Que les membres de l'assemblée future des trois cents qui resteront après l'élection des officiers du conseil des soixante, s'occuperont de l'examen du plan, le modifieront d'après les observations des districts; et après l'avoir arrêté, le présenteront aux districts pour avoir leur sanction. Cette approbation obtenue, ainsi que celle du pouvoir législatif, le plan sera alors mis en exécution définitive. - Les districts sont avertis que, quelque plan qu'ils adoptent, la municipalité doit, il est vrai, concentrer le pouvoir en peu de mains, mais que ce pouvoir doit être toujours surveillé par un conseil assez nombreux pour prévenir toute oligarchie, etc. »

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Toutes ces choses furent exécutées, c'est-à-dire qu'une assemblée de trois cents membres remplaça celle des cent quatre-vingts ou deux cent quarante; que les districts discutèrent des plans de municipalité. Bailly leur envoya le sien.

Suivant Bailly (Mémoire, t. 3, p. 69), l'assemblée avait eu tort de ne pas remettre la discussion tout entière aux districts, et de se charger seulement de récueillir les voix. Si elle eût eu seule le pouvoir de lui donner force de loi, sans doute, il aurait fallu que tout entière elle en fit l'examen : mais cette force de loi, même provisoire, ne pouvait être donnée que par les seuls districts........; elle devait sentir quelles longueurs allait entraîner la discussion d'un long projet, discussion sans cesse mêlée aux affaires instantes de l'administration.

Brissot (1) avait fait un préambule au plan de municipalité, qu'il donne dans un de ses journaux, et qui dévoile bien des choses. Il établissait : 1o que les habitans d'une même cité ont le droit de se constituer par eux-mêmes en municipalité, c'est-à-dire, d'établir une administration et une police pour tout ce qui peut être commun entre eux comme habitans de la cité; 2o que les cités d'une même province ont pareillement le droit inaliénable d'établir une administration provinciale pour tout ce qui peut être commun entre toutes ces cités; 3° que les assemblées municipales et provinciales doivent être, quant à leur objet et à leur pouvoir, bien distinctes et séparées de l'assemblée nationale, qui ne doit embrasser que les objets communs à la généralité du royaume; — que néanmoins les principes sur lesquels doivent être appuyés ces administrations municipales et provinciales, ainsi que leurs réglemens, doivent être entièrement conformes aux principes de la constitution nationale; que cette conformité est le lien fédéral qui unit toutes les parties d'un vaste empire. » (Patriote français, n° 16.)

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Les passages soulignés, continue Bailly, le sont dans l'origi nal. Maintenant, je demande pourquoi ils le sont, surtout le mot fédéral; je demande s'il ne résulte pas de ce plan un grand état populaire, partagé entre trente ou plus de républiques, partagées elles-mêmes en quarante-quatre mille petites républiques, et toutes unies par un lien fédéral. ›

Il était cependant instant, dit ailleurs Bailly, de mettre un terme à l'anarchie extrême qui résultait de ce que chaque district agissait comme une commune séparée. Il en cite une multitude d'exemples, les mêmes que nous avons notés nous-mêmes. En effet, le désordre était à ce point qu'il fallut un arrêté spécial des repré sentans pour empêcher que les sections allassent se fournir directement de munitions à la poudrière. Un district, le 5 août, avait pris un arrêté pour demander qu'on mît un terme à cet état de choses, envisageant avec effroi, dit le préambule, les funestes

(1) Brissot était l'un des représentans de la commune, et membre de la commission du projet de municipalité.

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