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recevoir et envoyer des ministres publics. « Le Saint Siège entretenait auprès de lui un nonce; les rois de France et d'Angleterre, la république des ProvincesUnies, l'Électeur palatin s'y faisaient représenter par des ministres plénipotentiaires; le Prince-Évêque de Liége y avait un chargé d'affaires, et quelquefois un ministre résident. Il y eut même des occasions où le Gouverneur général reçut des envoyés du roi d'Espagne (sous la domination autrichienne) et du roi de Prusse (1). »

Les gouverneurs généraux ont, de leur côté, envoyé à diverses reprises en leur nom des ministres publics, même des ambassadeurs, dans différentes cours de l'Europe (2).

En ce qui concerne l'époque des archiducs, non seulement Bruxelles fut le siège d'un gouvernement central où les puissances étrangères étaient représentées, mais la cour de Bruxelles, au jugement des contemporains, pouvait être considérée à bien des titres comme supérieure à toutes les autres cours de l'Europe (3) ».

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7. Le mode de transmission de la souveraineté

dans nos provinces.

Quant au mode de transmission de la souveraineté dans nos provinces, il renfermait, comme nous l'avons vu, avec

(1) GACHARD. La cour de Bruxelles sous les princes de la maison d'Autriche (Études et notices historiques concernant l'histoire des Pays-Bas, 1890, t. III, p. 171). SCHLITTER, Die Regierung Josefs II in den österreichischen Niederlanden, I, p. 2.

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(2) PYCKE, Mémoire sur l'état de la législation et des tribunaux ou cours de justice dans les Pays-Bas autrichiens avant l'invasion des armées françaises dans ce pays, p. 40.

(3) « Superior senza dubbio a tutte l'altre d'Europa. »BENTIVOGLIO, Relatione di Fiandra, part. I, cap IV.

l'aléa qui pouvait s'attacher aux cessions volontaires et aux dévolutions héréditaires, une affirmation remarquable de l'individualité de nos provinces. Celles-ci, conformément à la Pragmatique Sanction de 1549, devaient être tenues en une masse indivisible et impartageable. Ainsi, soumises durant la vie de leur prince aux mêmes ressorts généraux de gouvernement, elles devaient, à l'avènement d'un nouveau souverain, rester unies comme membres d'un même corps survivant toujours, uni à l'âme indéfectible de la patrie. On sait que la Pragmatique Sanction de 1725, confirmant la première dans tous les points auxquels il n'était pas expressément dérogé, modifia à certains égards l'ordre de succession réglé par la Pragmatique de Charles-Quint, et fixa, à titre perpétuel, la transmission intégrale de tous les États héréditaires de la Maison d'Autriche à un même héritier légal.

8. L'essence de la souveraineté aux Pays-Bas. Extension et limitation de la prérogative du prince.

Le partage des attributs de la puissance publique entre le chef du gouvernement et les gouvernés portait sans doute le cachet de l'époque. Tandis que de nos jours le roi dans nombre de gouvernements constitutionnels << n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois portées en vertu de la Constitution même », le prince possédait autrefois <<< tous les attributs de la puissance publique chrétienne que les Constitutions ne lui enlevaient pas ou qu'elles ne soumettaient pas à des restrictions (1) ».

(1) EDMOND POULLET, Histoire politique nationale, t. II. Complétée et publiée par Prosper Poullet, § 573.

L'essence de la souveraineté aux Pays-Bas et la portée du vieux contrat de có-souveraineté liant le prince aux sujets et réciproquement juré par les deux parties, d'abord par le prince qui devait aller vers son peuple, a été mise en relief d'une manière remarquable par les ambassadeurs belges envoyés pour offrir la couronne au duc d'Anjou, frère de Henri III, après l'assemblée tenue à Anvers le 12 août 1580 par les États de Brabant, Flandre, Hollande, Zélande, Malines, Frise et Ommelandes. Le traité présenté au duc d'Anjou stipulait que <«<les États des Pays-Bas le choisissaient pour leur prince et seigneur, avec nom et titre de duc, comte, marquis et autres ». Les conseillers du duc insistèrent pour obtenir la qualification de prince et seigneur souverain. Les ambassadeurs belges n'y voulurent point acquiescer, mais admirent seulement la rédaction suivante : Que les États éliront et appelleront, élisent et appellent S. A. pour prince et seigneur des dits pays, à tels titres, savoir de duc, comte, marquis et autrement, avec telles supérioritéz et prééminences que les seigneurs précédens les ont possédez. » Et dans le rapport qu'ils firent aux États Généraux, les négociateurs belges exposèrent comme suit le point discuté : « Où il est dit pour prince et seigneur, les conseillers du duc désiroient qu'il fut adjousté souverain, alléguant sur ce plusieurs raisons bien fondées. Toutefois après nostre réplique, qui fut que ce n'estoit la coustume des PaysBas d'user de ce terme allendroit de leurs princes, mesme d'aultant que tous les contractants usoient de la langue thioise, en laquelle on ne pouvait proprement exprimer ce mot de souverain, ains l'on estoit accoustumé d'user des mots : ou genedighe heere, ou geduchte heere, et que le

mot souverain estoit ambigu, parce que, estant prins pour suprême, auquel sens nous disons opperste heere, il ne signifioit aultre chose que le premier, et estant prins pour ung mot signifiant puissance absolute, les pays qui se gouvernoient par leurs loix, coustumes et privilèges ne le pourroient tenir sinon pour suspect, et que nous nous tenions asseurez qu'ils ne le voudroient passer, suppliant S. A. de nous en vouloir déporter, il fut finalement accordé, toutesfois avec telles conditions qu'au lieu qu'il est dist comme les précédens seigneurs les ont possédez, il y fut mis avec telles supérioritez et prééminences

que les seigneurs précédens (1). »

Bien que tempérée ainsi dans son essence et limitée d'une manière spéciale, dans la plupart des sphères où s'exerçait son action, par les anciens privilèges, franchises, coutumes et observances dont le souverain devait jurer le maintien lors de son inauguration, l'institution monarchique comportait la possession par le prince de très grands pouvoirs, spécialement à titre de régulateur des relations internationales, d'arbitre de la paix et de la guerre. Plus l'ensemble des États relevant d'une même Maison souveraine se trouvait à ce point de vue sous la main du prince, plus ces États étaient exposés aux coups de tout adversaire quelconque de ce dernier. De là l'implication de notre pays dans nombre de conflits extérieurs et l'incidence sur notre sol de luttes et de mêlées dont nous ne sortions pas toujours indemnes. C'était le sort commun des peuples à une époque où la souveraineté des potentats était absolue quant au maniement des affaires extérieures.

(1) GACHARD, Sur le titre de souverain des Pays-Bas (Études et notices historiques concernant l'histoire des Pays-Bas, t. II, p. 419).

Si quelque trait distinguait notre pays des autres à ce point de vue, c'était plutôt l'existence de garanties positives où s'affirmait encore la solidarité de nos provinces et la distinction de notre nationalité: telles étaient les garanties plus ou moins généralisées concernant les cessions de territoire, les subsides, les levées d'hommes, les charges à créer en traitant avec une puissance étrangère.

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Sans doute encore, notre organisation des pouvoirs comportait un fractionnement de la vie publique qui nous étonne aujourd'hui. La crainte, dans le chef du prince, de donner un éveil trop puissant à l'esprit de solidarité nationale, appréhension que des besoins urgents pouvaient seuls le plus souvent contrebalancer, et qui s'accusa dans la tendance à convoquer de moins en moins, pour en arriver à supprimer, en fait, les États Généraux, et la crainte, dans le chef des sujets, d'ouvrir la voie à des empiétements considérables et définitifs, concouraient par des voies diverses, indépendamment des autres causes spéciales à l'époque, à favoriser ce particularisme, ancré d'ailleurs dans les traditions séculaires du pays et même placé par divers traités sous la garantie du droit des gens. Le nœud patrial, sans avoir la puissance que nous lui trouvons aujourd'hui, sans concentrer au même point les éléments de notre vie publique, n'en existait pas moins; et ce n'est pas une vaine parole que ce mot d'un vieux jurisconsulte « Habentque communem patriam, Belgium puta (1).

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(1) ANSELMO, Tribonianus belgicus, XXIV, 1re édit., 1663.

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