Page images
PDF
EPUB

ser plus ou moins régulièrement leur cotisation de 2 fr. par semaine; d'autres, parce qu'ils ne pouvaient se soumettre à la discipline des règlements par eux votés; les autres, enfin, pour leur négligence et parce qu'ils mettaient toujours la division parmi nous. Enfin, ce n'est qu'après nous être resserrés davantage, en faisant autant d'efforts et de sacrifices qu'il a été possible, que nous avons acquis en peu de temps une maison qui marche bien. >>

Après les difficultés surmontées, le succès» voici, ajoute-t-il, les résultats de notre constitution; au 25 juillet, nous possédions 3,011 fr., y compris l'installation et le matériel. A l'inventaire du 15 janvier, nous avions 9,95 0/0 de dividende au capital, intérêts payés 10 0/0 à la réserve, et 15 0/0 pour agrandir l'atelier social.

» Ceci prouve qu'on peut arriver à tout par le travail. Il faut faire des sacrifices; par exemple, lorsque nous avons une forte commission, chacun y met du sien; on travaille quatorze et quinze heures, s'il le faut, sans rétribution pour les heures supplémentaires..... Quand nous avons des payements à faire, c'est à qui va déplacer ses petites économies pour les apporter à la Société, et nous remboursons quand nous avons des rentrées assez fortes. Tout se passe d'une façon véritablement fraternelle. »

Qu'il ne soit permis de citer encore un exemple de difficultés surmontées. Il est juste qu'après avoir montré le faible des ouvriers associés, je fasse voir aussi la constance et le courage dont plusieurs ont fait preuve, et que les marques d'honneur soient mises au jour à côté des défaillances. Cette fois, c'est le gérant des tailleurs en limes, société fondée en 1867 qui dépose:

« Nous sommes cinq associés, mais nous avons été quinze, j'ai même été seul un moment. Notre première opération était un travail d'une valeur de 300 fr.; tout fut perdu; du coup plusieurs se retirèrent. En 1870 nous étions cinq, avec un déficit de 12,000 fr. Nous avons tenus à rembourser quand même et nous y sommes arrivés en travaillant jour et nuit, nous avons même remboursé nos associés démissionnaires.

A présent nous avons 20,000 fr., notre position s'améliore, nous sommes contents. >>

VI.

Un côté de la question qu'il serait très curieux d'approfondir, c'est la relation qui existe actuellement entre les sociétés coopératives de production de Paris (l'enquête, je le répète, ne parle que de celles-là et c'est ce qui m'oblige à

paraître exclusif) et les associations professionnelles de la même ville.

J'ai décrit ces dernières sociétés dans cette même Revue il y a un an et demi environ. Mais pour ne point forcer le lecteur à s'y reporter, comme aussi pour renseigner les nouveaux lecteurs je dirai, sommairement, qu'à la différence des sociétés coopératives qui sont instituées pour exploiter une industrie, ces Associations professionnelles ou Chambres syndicales, car on leur donne les deux noms, groupent les ouvriers d'un même métier, tous les ouvriers existant dans une même ville, autant que faire se peut, << pour la défense de leurs intérêts communs. » C'est là un terme assez vague et un but bien idéal, aussi les Chambres syndicales ont-elles, suivant les différentes dispositions de leurs membres, les buts et les résultats les plus variés. Les uns se sont mis en rapport avec les patrons et ont fixée, d'accord avec eux, les conditions du travail, prix, durée des journées, mode de travail, etc., les autres ont fait paraître un jaloux esprit d'hostilité et ont poussé à la grève. Mais comme la grève ne conclut pas, on a été conduit à chercher, autre chose et c'est ainsi que depuis un certain nombre d'années déjà, on pourrait dire presque dès leur début, car elles remontent à moins de vingt années, les Chambres syndicales ouvrières ont été amenées à se proposer, comme but définitif, la fondation d'ateliers coopératifs. Là, point de luttes avec les patrons, les ouvriers sont leurs propres maîtres; tous les profits du travail sont pour

eux.

Mais, si l'idée était acceptée partout, il était moins facile. de la mettre en pratique. Les Chambres syndicales ordihairement ne sont pas riches et il faut quelques fonds pour monter un atelier. De plus, comment désigner, entre les nombreux membres de toute société professionnelle, ceux qui seront admis à travailler dans l'atelier social qui nécessairement et au début du moins, n'occupera que peu de bras? Aussi ne s'était-il fondé jusqu'en 1880, à ma connaissance du moins, que deux ateliers de ce genre, une imprimerie et un atelier de marbrerie. La première société est florissante, c'est l'Imprimerie nouvelle, la deuxième semble avoir échouée.

Depuis 1881, au contraire, le mouvement s'est décidé et plusieurs sociétés ont été fondées par les membres d'un syndicat exclusivement et avec son assistance. La fondation nouvelle est distincte de celle qui l'a inspirée; ni son but ni son capital ne sont les mêmes, mais elle garde ce caractère spécial de n'admettre que des membres du syndicat. Ainsi tout ouvrier qui veut faire partie de ces sociétés coopératives doit d'abord se faire recevoir membre du

syndicat et remplir les obligations qui découlent de son admission; paiement des cotisations, soumissions aux décisions de l'assemblée générale réglant le taux des salaires, la durée des heures de travail, etc. Plusieurs des sociétés entendues dans l'enquête, ont déclaré n'accepter comme membres que des adhérents à la Chambre syndicale de la profession les paveurs, les jardiniers, les cimentiers, les sculpteurs, sont dans ce cas. Peut-être faudrait-il y joindre d'autres sociétés qui n'ont pas jugé à propos ou ont négligé de le dire.

La société des charpentiers de la Villette est même composée uniquement de compagnons, ce qui, assure son gérant, nous fait quelquefois regarder d'un mauvais œil par les autres ouvriers. Mais aussi elle ne compte que des ouvriers d'élite, puisqu'elle se vante de grouper les quatre cinquième des contre-maîtres charpentiers de Paris. Son organisation intérieure a provoquée les réclamations de la commission d'enquête dont on a vu les tendances politiques. Ces charpentiers, en effet, donnent une très grande autorité aux gérants, déclarant que leur société forme ainsi une république autoritaire, la seule qui soit possible. >>

Et puis, à côté de ces sociétés fondées avec l'appui d'une Chambre syndicale et recrutées parmi les membres de cette Chambre, en voici une autre qui s'est fondée pour résister au syndicat de la profession; c'est la Coopération typographique. Et voici ce que le gérant déclare à l'enquête. « C'est plutôt pour nous affranchir des exigeances d'un syndicat que du patronat que nous avons formé notre association. » Il explique ensuite qu'il y a deux syndicats, celui de la rue de Savoie et celui de la rue Boutebrie. Le second est récent et est peu nombreux, le premier est ancien et puissant, il comprend la plus grande partie des ouvriers de la profession et règne en maitre. Les non-adhérents désignés sous le nom de Sarrazins ne sont pas admis dans les ateliers où travaillent les ouvriers syndiqués et le patron doit opter entre le renvoi des Sarrazins ou le départ des adhérents à la rue de Savoie.

« J'étais prote à la Petite République Française, dépose le gérant de la Coopération typographique et j'avais quelques ouvriers qui n'étaient pas de la rue de Savoie. Cette Chambre demanda leur renvoi, bien qu'on payât à son tarif, sinon elle retire ses ouvriers. J'en ai pris d'autres rue Boutebrie ou en dehors (de tout syndicat), puis j'engageai ces hommes pour être indépendants, à fonder une association. >>

L'association réussit et elle fonctionne dans de bonnes conditions, mais voici une utilité du système coopératif

auquel, assurément, les promoteurs du principe n'avaient pas songé. Ils avaient cru former une institution qui rendit l'ouvrier indépendant du patron et voici que cette même institution lui sert de refuge contre l'oppression des siens.

(A suivre.)

P. HUBERT-VALLEROUX,

avocat à la Cour de Paris.

LE GÉNIE ET LES TRADITIONS DE LA FRANCE

(4° article.)

(1)

LES ETATS PROVINCIAUX ET LES ASSEMBLÉES
PROVINCIALES AVANT 1789.

L'ASSEMBLÉE de Vizille ET LE CHEMIN DE LA RÉVOLUTION.

Les diverses provinces qui ont formé le royaume de France ont toutes eu pendant des siècles leur administration intérieure dirigée par des Etats provinciaux. Ces Etats, composés des trois ordres, division qui existait dans la nation entière, se recrutaient de diverses manières, mais constituaient pour chaque province un régime administratif approprié aux besoins locaux et fonctionnant avec une grande indépendance sous le gouvernement royal. L'autonomie provinciale était complète. (V. précédemment, chap. v, § vii.)

Cette autonomie provinciale avait disparu sous la main de fer de Richelieu qui a cru devoir user de ce moyen pour resserrer l'unité nationale menacée et détruire tout germe de division. Le grand ministre n'avait fait d'ailleurs que suivre les inspirations des Etats généraux de 1614, et il serait bien téméraire de blâmer aujourd'hui une politique qui parut sans doute nécessaire à cet homme de génie dans la situation où était la France.

Les Etats provinciaux disparurent donc à peu près tous et l'administration des provinces, devenues des généralités, fut donnée aux Intendants. Cinq provinces seules, le Languedoc, la Bretagne, la Bourgogne, la Flandre et l'Artois, et quelques districts des Pyrénées et de Provence, conservèrent un reste de leur vieille autonomie, et gardèrent le

(1) V. 17° vol. p. 153, La France dans ses premières origines. 18. vol. p. 25, origines de la Révolution. 19 vol. p. 183, causes de la Rẻ

volution.

DE LA

REVUE CATHOLIQUE DES INSTITUTIONS & DU DROIT

21 Beaux Volumes in-8°.

La Revue catholique des Institutions et du Droit vient d'entrer dans sa douziême année et elle commence son vingt-deuxième volume. Il suffit de la connaître quelque peu pour apprécier ce que valent ces vingt et un volumes et pour savoir quelles richesses s'y trouvent condensées. La première livraison date de décembre 1872, c'est-à-dire du commencement de cette lutte qui s'est prolongée jusqu'à ces jours et qui continue encore. Il est, dès lors, facile de comprendre quel intérêt présente la collection complète, soit au point de vue historique, soit au point de vue des intérêts sociaux, chaque jour menacés; soit surtout au point de vue des principes qui y sont exposés avec l'autorité que donne la sûreté de doctrine et la science bien connue des collaborateurs et des correspondants de cette publication, qui a pris une position unique parmi les publications de l'époque.

Aussi, sommes-nous persuadés que tous nos abonnés et lecteurs seront désireux de voir figurer ces vingt et un volumes dans leur bibliothèque. Ils forment comme une encyclopédie sociale, et le nombre de collections complètes ou partielles qui nous ont été déjà demandées nous confirme dans cette pensée.

Nous devons reconnaître que le prix nécessairement un peu élevé de la collection (85 fr. port en sus) peut susciter chez quelques-uns un peu d'hésitation, dans un temps où les charges de toute nature sont si grandes. Pour remédier à cet inconvénient, nous faisons jouir nos abonnés d'une remise de 20 p. 100, ce qui réduit le prix à 68 fr. S'ils veulent se servir de payements échelonnés, ce prix sera de 75 fr. (port en sus) payables à raison de 10 fr. par mois sur quittance présentée sans frais par la poste. De sorte qu'on pourra se procurer sans s'en apercevoir cette importante collection.

Il existe une table des quinze premiers volumes; elle est envoyée franco à tous ceux qui en font la demande. Dans quelque temps, une table générale de la collection sera faite. Chaque volume a du reste la sienne.

Grenoble, typ. DARDELET.

« PreviousContinue »