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refuser à le croire, sans les nombreuses citations que rapporte M. Onclair en voici une de Tyndall :

<< Les atomes sont en nombre infini et ils sont infiniment variés dans leur forme. Ils se choquent mutuellement et les mouvements latéraux et de tourbillons qui en résultent sont les commencements des mondes. L'âme consiste dans des atomes libres, polis, ronds, de même que ceux du feu. >>

En même temps qu'il fait voir jusqu'où descend la pseudo philosophie d'outre Rhin, qui est ensuite célébrée en France, l'abbé Onclair lui oppose les lumineuses conceptions des scholastiques, remis en honneur par Léon XIII et dans lesquels on trouve tout ce qu'il faut pour combattre les erreurs modernes.

Nous ne saurions trop recommander la lecture de ce petit traité à ceux de nos lecteurs qui seraient malheureusement dans le même cas que nous, c'est-à-dire ne sauraient de philosophie que ce que leur en a appris l'Alma parens rien.

CH. A.-T.

Du droit d'administration légale sous l'autorité paternelle, par A. de Kéguelin de Rozières. Paris, Marchal, Billard et C.

In-8° de vii

245 pp.

On sait combien notre Code civil est laconique en ce qui concerne les pouvoirs du père ou du parent administrateur légal des biens des enfants pendant le mariage. L'unique article qui régit cette matière, l'article 289, a donné lieu à de nombreuses discussions; cependant un système semble avoir prévalu dans la pratique comme dans la théorie. Il consiste dans l'assimilation de l'administration légale à la tutelle. M. de Kéguelin de Rozières repoussse cette assimilation. Il entreprend de soutenir son opinion par l'interprétation de l'article 389, interprétation qu'il propose, comme conclusion, de faire consacrer législativement. Pour arriver à justifier les réformes qu'il demande, l'auteur étudie à fond le sujet. Il traite successivement de la nature et de l'étendue des droits du père administrateur légal, des conditions dans lesquelles ils s'exercent, des diverses circonstances qui peuvent les modifier ou y mettre fin. En un mot, le livre de M. de Kéguelin de Rozières est un véritable traité du droit d'administration légale. Il a rapidement acquis une autorité réelle dans le monde juridique, et aussitôt après sa publication il a pris place dans les citations jointes aux notes qui accompagnent, dans les recueils de jurisprudence, les arrêts ayant trait à son objet.

Ajoutons que deux tables fort complètes, l'une méthodique l'autre alphabétique, le rendent très facile et très commode à consulter. A. C.

Le Gérant, J. BARATIER.

2300. Grenoble, impr. BARATIER et DARDELET. 470

DES

INSTITUTIONS ET DU DROIT.

(12 Année.)

LE PROJET DE LOI

CONTRE LES CONGRÉGATIONS RELigieuses

Projet de loi contre les congrégations religieuses. C'est bien ainsi qu'il faut nommer le projet soumis au Sénat sous le titre hypocrite de « loi sur les associations. »

Nous n'entreprenons pas de discuter ce projet. Cela sera fait dans la Revue amplement et en temps opportun. Aujourd'hui il suffira d'éveiller l'attention des catholiques, de montrer le péril et de signaler aux jurisconsultes l'attentat inouï qui se prépare contre la liberté de conscience et les principes les plus élémentaires de notre droit public.

Déjà, en 1880, au moment où le congrès des jurisconsultes catholiques se réunissait à Périgueux, le projet était connu, sinon dans les termes actuels, au moins dans sa pensée essentielle.

Une commission, chargée de l'étude de tout ce qui touche au droit des associations religieuses, formulait ainsi ses conclusions, qui furent adoptées à l'unanimité en assemblée générale :

Des jurisconsultes appartenant à tous les barreaux de France ont été convoqués pour étudier, au point de vue › juridique, les questions relatives à la liberté religieuse > et aux droits de l'Eglise et de l'Etat en matière d'asso›ciation....

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Ils se sont préoccupés des périls, > dont les congrégations religieuses sont menacées par des » projets de lois qui, à la suite de celui dont M. Dufaure > est l'auteur, paraissent devoir être soumis aux Chambres, > soit par l'initiative parlementaire, soit par le gouverne

> ment.

12o ANN. Ier SEM. 3e LIV. MARS 1884.

13

» Ces nouveaux projets auraient pour résultat d'exclure >> du droit commun les associations religieuses et de leur >> imposer des conditions particulières et des restrictions » d'une sévérité exceptionnelle.

» Après avoir constaté qu'une législation pareille serait >> en contradiction formelle avec les principes les plus cer>> tains du droit naturel et avec la doctrine catholique, les >> jurisconsultes l'ont examinée au point de vue exclusif » du droit français actuel, et ils ont résumé leurs délibė>> rations et formulé leur opinion dans les résolutions sui>> vantes :

» 1° Il n'existe aujourd'hui aucune loi qui interdise de >> prononcer des vœux religieux, aucune loi qui refuse à >> ceux qui ont prononcé ces voeux le droit de vivre d'une >> vie commune au même domicile;

» 2o La question, en tout cas, ne pourrait être tran»chée que par l'autorité judiciaire;

3o Toute disposition législative qui aurait pour résultat » de placer hors du droit commun, de frapper d'une peine » ou d'une charge fiscale ou d'une incapacité quelconque >> un citoyen français, pour le motif qu'il serait lié par des > engagements de pure conscience, serait injuste et tyran>nique. Elle violerait les principes essentiels de notre droit public, la liberté de conscience, le libre exercice de la religion catholique, l'égalité devant la loi.

> C'est le devoir des jurisconsultes de protester contre » cette scandaleuse violation du droit.

» C'est le devoir des citoyens de combattre par tous les » moyens légitimes une tentative dont la réalisation serait >> une honte et une calamité pour la nation qui l'aurait >> tolérée. »

Nous voudrions expliquer en quelques mots, pourquoi le moment nous paraît venu, pour tous les jurisconsultes et pour tous les citoyens, de remplir le devoir que le congrès de 1880 leur indiquait en ces termes énergiques.

Le 23 octobre 1883, le ministre de l'intérieur a, au nom du Président de la République, présenté au Sénat un projet de loi sur les associations.

Voici les dispositions de ce projet qu'il est nécessaire de faire connaître :

L'article 1er est ainsi conçu :

« L'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs connaissances ou leur activité dans un autre but que de partager des bénéfices. Elle est réglée par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations. >>

L'article 2 déclare nulle toute convention d'association fondée sur une cause illicite. L'article 6 édicte des pénalités dont nous dirons un mot tout à l'heure.

L'article 8 règle le mode de publicité des conventions d'association.

Le titre 2 traite « des communautés de biens formées entre les membres d'une association. » Ici l'analyse ne suffit pas, et rencontrerait des incrédulités. Il faut voir le texte et savoir que les articles 12 et 13 qu'on va lire, sont applicables aux congrégations religieuses.

ART. 12. — Toute convention tendant à mettre ou à laisser en commun des valeurs entre les membres d'une association illicite est nulle et de nul effet.

La nullite est prononcée soit à la requête du ministère public, soit à la requête de tout intéressé.

La liquidation des valeurs de la communauté, ou qui seraient censées appartenir à ses membres, est faite conformément aux prescriptions de l'article ci-après.

ART. 13. Dans le cas de nullité prévu à l'article qui précède, les valeurs appartenant aux membres de l'association avant sa formation, ou qui leur seraient échues, mais par succession seulement, leur seront restituées.

Les valeurs acquises à titre gratuit pourront être revendiquées par le donateur et par ses ayants droit et par les héritiers ou ayants droit du testateur, pendant le délai de six mois à partir du jugement.

Les valeurs acquises à titre onéreux pourront être reprises moyennant le remboursement du prix en capital par le precedent propriétaire ou par ses ayants droit pendant le délai de

six mois.

Passe ce délai la propriété en sera acquise à l'Etat. Il en sera de même de l'actif, défalcation faite des valeurs cidessus.

Le titre III (art. 14 à 17) règle la situation des associations reconnues, c'est-à-dire de celles qui, voulant obtenir le privilège de la personnalité civile, auront été reconnues par un décret.

Le titre Iv a pour rubrique : « Des associations qui ne peuvent se former sans autorisation. « Voici le texte de l'article 18:

Ne peuvent se former sans autorisation :

1. Aucune association entre Français et étrangers; 2• Aucune congrégation religieuse.

Les articles suivants déterminent la forme des demandes d'autorisation. Puis l'article 21 déclare illicite toute association entre Français et étrangers, toute congrégation religieuse formée sans autorisation du gouvernement, et punit tous les affiliés des peines édictées en l'article 5, c'est-à-dire d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 500 à 2000 fr.

L'article 27 punit d'un mois à six mois de prison et d'une

amende de 500 à 2000 fr. « ceux qui auront prêté ou loué sciemment un local pour une ou plusieurs réunions d'une partie ou section quelconque des associations susmentionnées. » L'article 23 dispose qu'aucune congrégation ou association entre Français et étrangers ne pourra être reconnue que par une loi. Nous passons les textes relatifs aux clauses de réversibilité (déclarées nulles), à l'application permise de l'article 463 du Code pénal, aux droits de timbre et d'enregistrement, etc. L'article 27 déclare la loi applicable, après le délai de six mois, aux associations existantes au moment de sa promulgation et abroge un grand nombre de dispositions législatives parmi lesquelles il nous suffira, pour le moment, de citer les articles 291, 292, 293 et 294 du Code pénal.

Supposons cette loi votée et voyons les conséquences. L'article 291 du Code pénal est abrogé et, avec lui, disparaît le droit pour des associés, en quelque nombre qu'ils soient, d'habiter la même maison, sans autorisation du gouvernement. Ce droit, si audacieusement méconnu par les décrets, contre l'illégalité desquels tout ce qu'il y a en France de juriconsultes indépendants et éclairés a protesté avec tant d'éclat, ce droit est légalement supprimé et tout recours aux tribunaux devient impossible. Dans les six mois qui suivent la promulgation de la loi toutes les congrégations religieuses existantes sont tenues de demander une autorisation toujours révocable et que le plus grand nombre n'obtiendra pas. Passé ce délai elles sont illicites et les articles 12 et 13 notamment leur sont applicables.

Dès ce moment, les catholiques sont hors la loi, car l'association permise à tous, moyennant une simple déclaration, n'est licite pour eux que sous le bon plaisir du gouvernement. Ce n'est plus l'Eglise, c'est l'Etat qui est juge de la valeur des règles sous lesquelles vivent les ordres religieux. L'Etat peut déclarer contraire à l'ordre public la pratique des vertus évangéliques. Quiconque a fait vou de pauvreté, de chasteté, d'obéissance, subit une diminution de ses droits de citoyen et désormais, en France, les catholiques ne pourront, sous peine d'amende et de prison, entrer dans la voie de la perfection chrétienne et suivre les conseils de Jésus-Christ, qu'après avoir obtenu l'agrément du ministre et de la majorité du parlement.

Enfin, si quelques prêtres, appartenant à une congrégation proscrite, cherchent un abri pour y cacher leurs misères et les rendre moins lourdes en les partageant, si quelques pauvres religieuses trouvent pour leur dénuement et leur faiblesse, un toit hospitalier, malheur à l'imprudent qui aura, ne fut-ce qu'un moment, donné asile à ces cri

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