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Oui, un gouvernement sage doit favoriser la création des propriétés collectives. L'association constitue une force puissante dans une nation, et il est du devoir et de l'intérêt du gouvernement de développer chez les citoyens toutes les énergies en les dirigeant vers le bien. Et puisque, ainsi que nous l'avons dit plus haut, une association comme tout individu, ne peut vivre que de ce qu'elle possède, l'Etat ne doit pas voir d'un ceil inquiet et défiant les associations augmenter et gérer librement leur fortune en se conformant aux lois générales du pays.

C'est en leur laissant la liberté que l'Etat procurera la prospérité des associations.

Qu'elles aient un but intéressé comme les sociétés civiles et commerciales, qu'elles aient en vue de satisfaire les besoins de l'intelligence, de cultiver les arts ou d'exercer la bienfaisance, les associations jouiront des mêmes droits et auront les mêmes avantages.

En même temps, l'Etat remplira le devoir qui lui incombe de veiller à la garde de l'ordre public et à la protection des bonnes mœurs. Il respectera, dans ce qu'elle a de légitime, l'indépendance des citoyens, mais il réprimera sévèrement leurs écarts, et il s'appliquera sans relâche à maintenir la paix dans la nation sans opprimer ni étouffer la vraie liberté.

DE LA TUTELLE ADMINISTRATIVE DES COMMUNES.

Le Congrès a entendu avec le plus grand plaisir l'excellent rapport ci-dessus de M. Bresson, et ses diverses parties ont eu l'approbation générale. Sur un point seulement, des objections ont été formulées par plusieurs membres de l'assemblée; ces objections sont relatives à la prétendue nécessité et surtout à l'organisation actuelle de la tutelle administrative des communes.

Nous croyons pouvoir formuler comme il suit les observations qui ont été faites, soit pendant le Congrès, soit après, par plusieurs de nos amis.

Le rôle de l'Etat, comme le dit très bien d'ailleurs le rapport précédent, se borne à la protection et à la défense: L'Etat n'est point, comme on est trop porté à le dire à notre époque, un principe générateur, créateur de la société et omnipotent à son égard. L'Etat est venu histori

quement et passe logiquement après la famille et la commune, ces deux formes primordiales de tout ordre social. Il est la réunion des communes, comme la commune est la réunion des familles.

A diverses époques de l'histoire, la commune, fort antérieure à l'Etat, a vécu de sa vie propre, souvent au milieu des circonstances les plus critiques, sans même qu'il y eût d'Etat organisé. L'Etat ne peut et ne doit avoir qu'un rôle de protection et non de compression, et quand sa protection n'est pas utile, la commune comme l'individu doit se mouvoir en liberté, jusqu'à la limite de la liberté d'autrui, et, bien entendu, pour le bien seulement de ceux qui la composent.

L'histoire de notre siècle, comme celle d'autres époques, démontre que l'Etat, considéré par les partisans de la tutelle administrative comme un protecteur fidèle et un guide sûr, peut devenir, au contraire, un tuteur dangereux, capable d'entraîner les communes non seulement à la ruine, mais à une irrémédiable corruption. Qu'on suppose, en effet, un Etat entièrement dominé par les sectes perverses qui marchent à la destruction de l'Eglise et de tous les principes sociaux; que cet Etat fasse des lois ayant pour but et pour résultat effectif d'obliger par la force les communes à supprimer chez elles tout enseignement chrétien, à chasser les instituteurs religieux, à bâtir des espèces de palais aussi fastueux qu'inutiles pour y installer un enseignement athée; que cet Etat fasse, dans ce but, engager contre la volonté des habitants les finances des communes pour trois quarts de siècle, et ruine ainsi absolument leurs ressources, pour y installer officiellement l'athéisme obligatoire. Dira-t-on que cette hypothèse est insensée quand on la voit depuis des années devenir une effroyable réalité chez plusieurs nations européennes?

Or, dans cette situation et en présence de ce fait qui, d'ailleurs, n'est pas nouveau, peut-on dire d'une façon absolue que la tutelle administrative de l'Etat est une nécessité et un bien pour les communes? Plusieurs ne le pensent pas.

D'autre part, ces jurisconsultes savent que dans un très grand nombre de communes, comme dans l'Etat, la Révolution a dénaturé et corrompu les corps électifs; que, dans ces communes, les conseils municipaux, composés par un suffrage asservi aux sectes, d'hommes incapables, sans moralité, ne possédant rien, étrangers à toute famille et souvent à la commune, sont des administrateurs tout disposés à trahir leur pays, à le livrer à la ruine et à la corruption. Il est donc tout aussi dangereux de laisser les communes livrées à ces conseils électifs qu'à l'Etat.

En présence de ces périls si complexes qui ont soulevé les objections ci-dessus au rapport de l'honorable M. Bresson, nous pensons qu'on pourrait, au point de vue de la compétence, diviser l'administration des communes en trois parties et soumettre ces trois parties à des règles différentes, ainsi qu'il suit :

1o Les communes ont à voter des dépenses;

2o Elles ont à discuter des intérêts communs entre elles et d'autres communes, ou le département, ou l'Etat;

3o Elles ont, suivant le mode d'instruction publique adopté dans l'Etat, à installer chez elles l'instruction primaire.

1° Dépenses.

Les conseils municipaux sont souvent, aujourd'hui surtout, d'une incompétence absolue pour voter le budget de la commune. Composés d'hommes ne payant pas d'impôts, sans responsabilité, sans familles, sans biens et sans intérêts dans le pays, ils ne sauraient apprécier ses ressources ni en disposer avec prudence et justice. L'Etat, pour les raisons ci-dessus exposées, ne peut utilement gérer comme tuteur ces mêmes intérêts. Mais il y a dans toute commune une classe d'hommes qui, à défaut de sagesse, ont leurs intérêts les plus personnels et les plus chers pour guide, et qui forcément voteront avec prévoyance en cette matière.

Ce sont les plus fort imposés. Ces hommes qui auront, eux ou leurs enfants, à payer les dépenses votées, ne dépasseront pas les ressources qu'ils connaissent mieux que personne; ils sauront dans quelles limites la fortune communale peut être engagée. Sans leur consentement, nul vote n'est compétent pour créer des impôts et imposer une dépense à la communauté. La Révolution a compris, d'ailleurs, que le concours des plus fort imposés est pour les communes la seule garantie de sagesse financière; car elle leur a récemment, et pour les besoins de la secte, enlevé cette garantie qui laisse désormais la commune à la merci de l'Etat maçonnique.

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Dans les plus fort imposés appelés à voter les dépenses communales, il paraît juste de comprendre, suivant l'usage constant suivi en France jusqu'en 1789, les femmes, filles ou veuves, propriétaires. Il y a des familles nombreuses importantes, qui ont des intérêts considérables, et dont tous les hommes sont morts. Il n'y a aucune raison acceptable pour priver ces familles de participer à la gestion. des finances communes, dont elles auront à fournir une part proportionnée à leur importance. Les femmes pourront voter, dans ce cas, soit directement, soit par procura

tion. Ce sont nos traditions françaises et c'est la plus évidente équité.

Il reste entendu, toutefois, qu'il y a dans toute commune certaines dépenses obligatoires, indiquées depuis longtemps par une évidente nécessité et fixées par des lois spéciales. Ces dépenses peuvent être imposées par l'Etat en cas d'oubli ou de refus des conseils, et les plus fort imposés n'ont pas à intervenir dans ce vote que la nature même de la constitution communale rend indispensable.

Pour toute autre dépense, il n'y a qu'une tutelle vraie, sérieuse, sincère et utile, c'est celle des plus fort imposés.

Intérêts communs avec d'autres communes, le département ou l'Etat.

Les affaires de cette nature comportent la tutelle de l'Etat, parce que l'Etat a, dans ce cas-là à surveiller, soit ses propres intérêts, soit ceux de personnes morales entre lesquelles il peut être réputé impartial. Il est entendu, toutefois, que les dépenses afférentes à ces affaires seront toujours soumises aux plus fort imposés. D'ailleurs, un certain nombre de ces intérêts mixtes arriveront forcément devant les tribunaux s'il est impossible de les régler amiablement; alors la justice les règlera d'une façon souveraine.

Instruction primaire.

En cette matière, les principes dictent la solution relativement à la compétence. Ni l'Etat, ni un conseil électif quelconque n'a de compétence relativement à l'éducation. Ce sont les parents seuls qui peuvent et qui doivent en décider. En conséquence, lorsque la liberté complète d'enseignement n'existe pas ou n'a pu suffire à créer des établissements libres répondant aux besoins publics, la seule autorité compétente pour y pourvoir dans les communes est la réunion des pères de famille, et des mères ou tuteurs quand le père manque. Les femmes, dans ce cas, remplacent les hommes absents, comme pour les finances communales. Toute décision prise en cette matière par l'Etat ou un conseil municipal, et imposée malgré eux aux parents, est un excès de pouvoir et une violence contraire au droit le plus élémentaire, le plus sacré.

La seule autorité civile est celle des parents assemblés à cet effet, et dont les votes, au point de vue financier, devront être soumis aux plus fort imposés. Nous ne par.. lons pas ici des droits de l'Eglise relatifs à l'enseignement, droits qui, d'ailleurs, ne sauraient être contestés.

A. D.

§ IV.

LA PROPRIÉTÉ ET LA FAMILLE

Droits du père de famille, quant à la transmission des biens. Dans quelle mesure l'Etat peut-il interDe la conservation

Ses devoirs. venir pour en assurer l'exécution? du foyer domestique et de l'atelier.

NOTA.

- Voir sur ce sujet dans la collection de la Revue:

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Notes sur notre droit successoral (liberté testamen-
taire), M. Hyac. de Gaillard....

Le testament, lettre de M. Le Play à la rédaction..
Une conversation sur la liberté testamentaire, M. de
Moreau d'Andoy.....

La liberté testamentaire, M. Amédée Trouillard.
La liberté testamentaire, M. Girod .

Rapport de M. Boyenval au congrès de Reims (liberté
testamentaire)..

Observations sur la transmission de la propriété chez certains peuples de l'Europe, par M. de la Tour du Pin Chambly

Réflexions sur la liberté testamentaire, M. d'Anthenaise....

La liberté testamentaire d'après l'école de la paix sociale, par M. Donat Béchamp..

Du respect que nos lois devraient assurer à la volonté du père de famille dans les limites du disponible actuel, S..

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Rapport de M. le comte d'ANTHENAISE.

Des

Influence réciproque de la famille et de la propriété. droits du père de famille quant à la transmission de ses biens. Conservation du foyer domestique.- Examen de la législation des coutumes de certains peuples. D'un moyen ingénieux de conservation du foyer domestique.

Il semble que la meilleure manière d'éclaircir toutes ces questions, est de se rendre compte d'abord de l'influence réciproque de la propriété sur la famille, et de la famille. sur la propriété.

Si la conservation du foyer domestique et de l'atelier a une influence heureuse sur la famille; si la conservation

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