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tal sans Dieu, un premier pas fait dans la voie d'une liberté testamentaire irréprochable.

Peut-être, y a-il là une idée féconde pour la paix sociale. et le relèvement de la France. Peut-être que, demander une liberté dont on jouit en Amérique et en Allemagne, serait trop espérer d'un temps ou l'on semble avoir une grande préférence pour les systèmes obligatoires. Les nations prospèrent respectent les libertés bienfaisantes et répriment les défaillances morales parce qu'elles croient en Dieu et observent ses commandements.

Dieu veuille que la France revienne à lui. Ces questions si complexes auront alors une solution plus facile et plus heureuse dans ses résultats.

Rapport de M. Timoteo VALLS DE BOUFFARD.

Messieurs,

L'intérêt croissant des assemblées que vous célébrez tous les ans vous a conduits à l'étude de plusieurs questions d'une grande importance.

On commença par le mariage, suivirent les droits du père de famille, la liberté testamentaire, et, aujourd'hui, on doit étudier les relations qui existent entre la propriété et la famille.

Quoique indigne de figurer parmi vous autres, j'eus la hardiesse de prendre part à vos assemblées; assistant à celles d'Angers et de Reims, ayant mérité un bienveillant accueil, et, aujourd'hui, acceptant vos indications, je me permets de vous adresser ce petit travail pour vous exprimer ma reconnaissance.

L'année dernière, lorsqu'on traita la question de la liberté testamentaire et partant les droits du père de famille, j'eus l'honneur de vous faire une distinction en vous apprenant que, lorsque je parlais de notre droit, je faisais allusion au droit catalan et nullement à la législation générale de l'Espagne où il existe plusieurs législations spéciales propres de chaque contrée, comme, par exemple: la Catalogne, Valence, Aragon, la Navarre, les provinces Basques et la Galicie, de sorte que je limite mes observations à ce qui fait référence à la Catalogne.

En parlant de la constitution de la famille catalane, on

doit reconnaître leur origine dans la famille romaine, et, pour donner une idée exacte, il suffit de faire une comparaison qui est bien simple.

Tout le monde reconnaît et déclare que la famille est un petit Etat, et, acceptant ce principe, nous pouvons dire que, dans la famille catalane, on remarque toutes les conditions des individus qui composent l'Etat. En effet, le père c'est le roi, la mère c'est le ministre et les fils sont les sujets.

Le père, comme roi, a tous les droits d'un tel, car il conserve son autorité toute puissante sur la femme, les fils et les biens, et voilà comme on conçoit qu'il se conserve encore des familles avec des mœurs patriarchales et des traditions qui sont très curieuses.

Le père, exerçant son autorité sur la femme et ses biens, règle la dépense de la famille, et il conserve une autorité que nul ne conteste, exception faite, lorsqu'il abuse de son pouvoir ou qu'il dilapide les biens. Et, lorsqu'il exerce son droit sur les fils, il a la faculté d'exiger une obéissance omnimode et de leur donner l'éducation et le choix de la carrière qu'ils veulent entreprendre. Et quand le père de famille doit disposer de ses biens, comme il est libre pour ses dispositions, sauf la légitime des fils, il se constitue en juge de la famille et dispose d'eux selon qu'il croit convenable.

'Malgré cette faculté que la loi accorde aux pères de famille, rarement on en voit un qui néglige son devoir relativement à ses fils ou qui abuse de son droit, car tous les pères donnent leurs biens à leurs fils, et sont très peu nombreux ceux qui partagent l'héritage en parties égales.

Le soin qu'ont tous les pères de famille est celui de la conservation des biens, et c'est la raison pour laquelle ils nomment toujours un héritier auquel ils imposent les conditions nécessaires pour qu'il ne puisse pas détruire l'héritage qui lui a été conféré.

Du moment que nous venons d'arriver à ce point, il faut vous expliquer comment se constitue la famille catalane. Généralement, car ce n'est pas forcé, le fils aîné de la famille est celui que le père institue et nomme héritier, soit dans les capitulations matrimoniales, soit par testament. Dans le premier cas, lorsque le fils aîné contracte son mariage, dans le contrat que l'on célèbre, le père et la mère font donation de leurs biens à leur fils et ils se réservent une somme pour doter leurs autres fils, ou bien pour en disposer en cas de mort, et on stipule que, faute d'ordonner sur ladite somme, elle sera comprise dans la donation. Le père et la mère peuvent aussi se réserver l'usufruit et l'administration des biens durant leur vie, mais alors on stipule qu'ils devront alimenter leur fils, sa

femme et leurs petits-fils, tant s'ils vivent unis que s'ils forment économie séparée. Et, pour tâcher de conserver les biens de la famille, c'est l'habitude non seulement dans les donations, mais aussi dans les testaments, de grever le fils donataire de la condition résolutoire que le droit romain connait sous le nom si sine liberis. On stipule une substitution par laquelle les autres fils, si la condition se réalise, sont ceux qui entrent en possession de l'héritage, et cela non pas en communauté, maispar unité, l'un après l'autre, en préférant les mâles aux femelles et toujours par ordre de primogéniture.

Cette condition qui, au premier moment, paraît odieuse, ne l'est nullement en ce qui concerne la personne instituée; car, malgré ladite condition, elle a la libre disposition de ce qui lui appartient comme légitime, des améliorations qu'elle a faites sur les biens et de la trébellianique, si le père n'a pas défendu expressément sa détraction. En sorte que, malgré les entraves que peut avoir à subir l'héritier pour l'exagération des biens, il y en a toujours une partie considérable dont il peut disposer, soit en faveur de sa femme, soit en faveur d'une personne étrangère à la famille. Les autres frères n'ont pas de mauvaise volonté contre l'héritier, car, d'une part, ils ont l'espoir de posséder les biens si l'institué meurt sans successeur, ou bien en en laissant un qui n'arrivera pas à l'âge de faire un testament; d'autre part, l'héritier représente le père et la mère défunts. Comme tel il les soigne, continue l'œuvre commencée par les parents, etc., excepté dans le cas où ils auraient retiré leur portion légitime, et, malgré cela, toujours ils trouvent l'appui de celui qui tient lieu des parents.

L'habitude qui existe presque dans toute la Catalogne de nommer héritier le premier né, implique que celui-ci suit la profession ou l'état du père, et voilà pourquoi il contribue par son travail à l'augmentation des biens paternels, et, par suite, à l'amélioration de la portion légitime des autres fils, car on ne fait le comput sur la valeur qu'ont les biens qu'à la mort de l'individu. Alors, on fait la liquidation dont les trois quarts sont pour l'héritier, et le quart qui reste se partage en parties égales, selon le nombre des fils, l'héritier compris, car il a aussi sa part qu'on nomme la part virile; elle lui sert pour se payer sa portion légitimaire. Comme les fils cadets ne peuvent compter que sur leur portion de légitime, il arrive presque toujours de trouver des cadets qui ont une position meilleure que celle de l'héritier, car le père leur a donné une éducation brillante, et ils ont profité de cet avantage pour suivre une profession littéraire ou pour se dédier au commerce.

le

L'expérience a démontré plusieurs fois que l'institution en faveur d'un fils, soit par contrat de mariage, soit par testament, produit des inconvénients, car, mort le père, fils ne respecte plus la mère et abuse de ses droits. Et voilà que la loi permet au père de famille de nommer la mère usufructuaire, ou bien pour toute sa vie, ou bien pour tout le temps qu'elle se conservera veuve du testateur. Ou encore on fait une autre institution selon laquelle on nomme héritière la mère durant sa vie ou une période fixe, mais avec l'obligation de disposer des biens en faveur des fils, ou bien en faveur de celui qui se comportera le mieux. Voilà comment la loi a trouvé un moyen pour conserver non seulement la famille, mais encore le respect et l'obéissance que les fils doivent à leurs parents.

Dans ce dernier cas, la loi ne considère pas le testament du père de famille comme une disposition complète : elle ne peut s'estimer accomplie que lorsque la mère a fait sa disposition. Celle-ci, une fois prise, ne peut se révoquer, au moins sans des justifications toujours très difficiles pour une mère, car elle doit faire connaître au public l'abominable conduite d'un de ses fils.

Les réserves d'usufruit faites par les parents et l'institution d'héritier faite en faveur d'une mère, au lieu d'être nuisibles, sont toujours très bonnes pour la conservation des biens. En effet, comme la personne instituée lorsqu'elle entre en sa possession, a déjà contracté des habitudes d'économie et de travail et se trouve dans un âge raisonnable; au lieu de procéder à la dilapidation des biens, elle tâche de les augmenter pour donner plus de splendeur à son nom. Et voilà pourquoi on trouve dans la Catalogne des familles très anciennes, voilà comment on conserve des traditions et des mœurs patriarchales, car toujours on invoque avec plaisir le souvenir des ancêtres.

Quand on étudie la constitution de la famille catalane et qu'on la compare à la constitution de la famille en Castille, on fait une remarque digne de fixer l'attention : c'est que, tandis qu'en Castille existe la société conjugale de biens, en Catalogne elle n'existe pas. Elle ne peut se produire que si on la contracte spécialement. Des quatre provinces catalanes, il n'y a que celle de Tarragone où on la contracte par habitude. Dans les autres, le mari apporte au mariage ce dont on lui a fait donation, avec quoi il se dote; la femme apporte sa dot au mari, lequel lui assure sur ses biens et lui fait une donation connue sous le nom de esponsalicio ou creix, qui veut dire augmentation de dot. A la dissolution du mariage elle appartient aux fils ou doit revenir aux biens du mari, au moins qu'on en fasse une donation spéciale lors des conventions de mariage; donation

qu'acceptent la femme et le notaire au nom des fils qui doivent venir au monde. Mais comme nous avons dit que, dans les donations ou herêtements faits par les contrats de mariage, les parents se réservent toujours l'usufruit et, partant, l'administration des biens et en même temps la faculté de les vendre, et, comme le fils n'a que la nue-propriété, voilà pourquoi c'est le père qui se charge de la dot de sa bru et l'administre en faisant siens les fruits. Néanmoins les époux en profitent, car il s'est imposé l'obligation de les alimenter, ainsi que ses fils.

On objectera peut-être qu'étant le testament un document qui exprime la volonté du défunt et qui doit avoir force de loi pour ceux qu'il concerne, le père de famille peut détruire les donations dont nous avons parlé et faire une retrodonation annulant la première. A cette objection on répondrait qu'il existe en Catalogne, dans le Code civil, une loi qui défend aux notaires de les autoriser et les prive de leur office s'ils interviennent dans quelque acte de ce genre. Elle déclare nulles et sans valeur les retrodonations faites et contractées dans les chartes dotales, excepté si elles sont faites avec le concours des mêmes personnes présentes dans son otorgation. Or, comme ces personnes ne consentiraient pas, ceci n'arrive presque jamais.

Puisque nous parlions de la société conjugale de biens, il faut que je vous explique la différence qui existe entre celle de Castille et celle de Catalogne. Vous la remarquerez du moment que vous saurez qu'en Castille les acquisitions se partagent par moitié entre le mari et la femme, et que, dans la Catalogne, elles se comptent au quart, au tiers ou par moitié, selon que les futurs époux ont contracté cette société avec la concurrence des parents du marié, avec la concurrence du père ou simplement entre eux-mêmes. Mais, dans ces derniers cas, il faut que le mari ait un capital qui lui appartienne indépendamment du père. De ce système résulte qu'en cas de stipulation au quart, on passera au tiers à la mort de l'un des associés, et à la moitié lorsque n'existeront que les deux époux; chose qui n'arrive pas en Castille, car la société de biens n'existe qu'entre le mari et la femme, comme il a été déjà dit, et les acquisitions que l'on fait pendant le mariage se partagent entre eux en parties égales connues sous le nom de gananciales.

Plusieurs sont les variantes pour la constitution de la famille, car il peut arriver que le mariage se fasse sans l'obligation de contrat. Ceci a lieu lorsque la femme n'a pas de dot à apporter à son mari. Si bien il n'existe pas la société conjugale : 1o pour ne pas exister en Catalogne, et 20 pour ne pas avoir été stipulée; nonobstant la femme

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