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tives, et le programme, à leur égard, comprend les questions suivantes :

<< Leur création doit-elle être favorisée? Par quels >> moyens ?

» Propriétés des différents groupes administratifs.

>> Intervention de l'Etat dans l'administration de ces pro» priétés. >>

Dans le rapport qui va suivre, nous examinerons d'abord ce qui concerne le régime de la propriété des groupes administratifs; nous passerons ensuite aux sociétés civiles et commerciales, et nous terminerons par l'étude de ce que doit être la propriété dans les associations.

§ 1er.

La famille, société primitive, créée par Dieu lui-même à l'origine des choses, devient, dans la suite des temps, et par l'effet de l'extension du genre humain et de la multiplication des races, impuissante à garantir ses membres contre les dangers qui les menacent, et à leur assurer les meilleures conditions possibles de l'existence. Plusieurs familles se réunissent done, et donnent ainsi naissance à un groupe qui a des intérêts communs et une personnalité propre. Les cités se fondent. Les plus importantes s'entourent de murailles et deviennent des villes; mais toutes se ressemblent plus ou moins par leur constitution, par leur organisation et par les règles qui président à la gestion de leurs affaires.

Cette collectivité, la première de toutes en matière de droit public, a nécessairement un domaine spécial et des choses qui lui appartiennent, indépendamment des propriétés de chacun de ceux qui la constituent. Il lui faut des voies de communication qui permettent aux habitants d'aller et de venir, des places pouvant servir à leurs réunions, des marchés où ils trouveront les denrées nécessaires à la vie, des temples où ils s'assembleront pour prier, des édifices qui seront le centre de l'administration et le siège de la justice. Et, en outre, rien ne s'opposera à ce que, à côté des choses affectées à l'usage public des citoyens, elle possède d'autres propriétés productives de revenus, des mines, des bois, des étangs, qu'elle exploitera ou affermera au mieux de ses intérêts. Elle aura donc nécessairement un domaine public municipal; elle pourra avoir un domaine privé.

La commune sera-t-elle absolument indépendante quant à la gestion de ces deux domaines? et pourra-t-elle en disposer à sa guise?

En fait, dans notre pays de France, la question est résolue négativement.

Sans vouloir remonter trop haut dans le passé, et refaire en quelques lignes une histoire du pouvoir municipal qui a été l'objet de travaux sérieux et estimables, nous nous bornerons à rappeler que les règles qui ont servi de base à la législation existante, ont été tracées par Louis XIV. Les guerres du commencement du règne de ce monarque avaient engendré de graves désordres, et introduit le trouble dans l'administration du royaume. Les communes, écrasées de charges, avaient aliéné leurs biens à des conditions onéreuses, ou contracté des emprunts dont les deniers n'avaient pas toujours reçu un bien utile emploi. Par un édit du mois de mars 1667, le roi leur permit de rentrer dans leurs héritages aliénés, en rendant aux acquéreurs le prix qu'elles auraient reçu et qui aurait tourné au bien desdites communautés suivant la liquidation qui en serait faite par des commissaires qu'il nommerait, et, statuant pour l'avenir, il fit « très expresses inhibitions et défenses >> aux habitants de plus aliéner leurs usages et communes, > sous quelque prétexte que ce pût être. »

Mais cette interdiction était trop absolue et trop générale pour ne pas entraver l'administration des communes; aussi, au mois d'avril 1683, il fut publié, pour les différentes généralités du royaume, un nouvel édit dans lequel on reconnait l'esprit net et méthodique de Colbert qui le contresigna, et qui contient, sur la matière qui nous occupe, une réglementation détaillée et complète.

En ce qui concerne les communautés et paroisses qui n'étaient ni villes ni bourgs fermés, la probibition de 1667 fut maintenue dans toute sa rigueur. Mais relativement aux villes et gros bourgs fermés, elle fut remplacée par un ensemble d'autres mesures. Les intendants reçurent mission de dresser, à l'aide des documents remis entre leurs mains, un état des dépenses ordinaires de chacune de ces communautés, en y comprenant un fonds certain, fixe et annuel, pour l'entretien et les réparations ordinaires des ponts, pavés, murailles, et autres dépenses nécessaires. Ils durent arrêter cet état eux-mêmes, si le montant en était inférieur à certains chiffres déterminés d'après l'importance des villes et bourgs, et, dans le cas contraire, le soumettre au Conseil du roi. Si les biens patrimoniaux des communes étaient insuffisants pour acquitter ces dépenses, il fallait recourir, soit à une imposition annuelle sur tous les contribuables aux tailles, soit à la levée de quelques droits sur les denrées de consommation, soit par tout autre moyen, le roi se réservant de donner son approbation aux délibérations des habitants sur ce point. L'édit défendit << expressé>ment aux habitants de faire aucune vente ni aliénation de > leurs biens patrimoniaux, communaux ou d'octroi, ni

d'emprunter aucuns deniers pour quelque cause et sous » quelque prétexte que ce pût être, si ce n'est en cas de » peste, logement et ustensiles des troupes, et réédification » des nefs des églises tombées par vétusté ou incendie..... » En cas d'emprunt, les habitants durent déclarer les >> moyens dont ils voudraient se servir pour rembourser la >> somme qui serait empruntée, soit par imposition, par >> capitation ou sur les denrées de leur consommation, et >> en combien d'annuités..... le roi devant pourvoir aux im» positions à faire pour le remboursement. »

Il est impossible de ne pas reconnaître, dans cet édit de 1683, les idées et les principes qui se sont perpétués jusqu'à nos jours, et sur lesquels est fondée notre législation moderne relative aux communes. Les lois des 18 juillet 1837 et 24 juillet 1867 n'ont fait que modifier, sans les détruire, les limites dans lesquelles s'exerçait, sous l'ancienne monarchie, le pouvoir municipal.

Cette sorte de tutelle, à laquelle sont assujetties les communes, se justifie-t-elle en droit et en raison?

A notre avis, il n'est pas permis d'en douter.

La commune se trouve bien à la base de toute organisation politique et sociale dont elle est un des éléments nécessaires. Mais aussi, il ne faut pas l'oublier, clle n'est qu'une partie de ce grand corps qu'on appelle une nation. Elle doit donc vivre en harmonie avec les institutions du pays, et c'est au législateur, dans chaque contrée, à concilier les droits certains et incontestables de la commune avec les intérêts généraux dont il a la garde, et avec les prérogatives indispensables du pouvoir souverain.

Que pour l'homme individuellement pris, et pendant son court passage sur la terre, le droit de propriété soit aussi étendu que possible, et qu'il n'ait d'autres bornes que le droit rival des autres hommes ou l'intérêt général de la société, cela se comprend à merveille. Quand un particulier se ruine, il ne cause de préjudice qu'à lui-même, et à sa famille s'il en a une; son avoir, qu'il n'a pas pu ou n'a pas su conserver, passe en d'autres mains, et la fortune de la nation ne peut en souffrir. Assurément, on ne tolèrerait pas que l'Etat s'immisçât dans les affaires privées des citoyens. Mais pour les communes, il n'en est pas ainsi. Elles sont établies non seulement en vue de la génération présente, mais en vue des générations à venir. Leur durée est indéfinie. Il ne faut donc pas sacrifier l'intérêt des habitants futurs aux caprices de ceux d'aujourd'hui, et laisser ceux-ci ruiner ceux-là par des mesures mal conçues, mal prises, ou inspirées par les caprices du moment. De plus, une mauvaise gestion des affaires communales influe nécessairement sur les finances publiques. Ce sont les mêmes contribua

bles qui subviennent aux dépenses locales et aux charges du budget de l'Etat. Il faut donc ménager leurs ressources et ne pas exposer le gouvernement, lorsqu'il voudra faire face à ses besoins, à ne plus trouver que des bourses vides, et des caisses épuisées.

C'est surtout sous un régime de suffrage universel que cette tutelle est le plus indispensable. Les données de l'histoire et l'expérience quotidienne que nous faisons, démontrent que, rarement, les votes populaires se donnent aux plus capables et aux plus intègres. Ils vont de préférence à ceux qui flattent les passions, et ils obéissent aveuglément au mot d'ordre donné par les ambitieux et les habiles. Ce n'est ni par l'esprit d'ordre et d'économie, ni par une sage prévoyance, que se recommandent les hommes dont les noms sortent des urnes électorales, et l'on pourrait prédire à coup sûr qu'une liberté complète accordée aux conseils municipaux, amènerait pour les communes de véritables désastres financiers.

Ce que doit être, à l'égard des communes, la surveillance de l'Etat, se déduit des considérations qui précèdent. Elle doit être une protection, et au besoin une défense. Attentive, vigilante, éclairée, bienveillante, énergique à l'occasion, elle avertira, elle conseillera, elle redressera, elle saura réprimer. Sa fermeté ne dégénèrera pas en rudesse. Elle n'aura rien des tendances et des formes du despotisme. Elle ne sera pas tracassière. Elle sera l'ennemie des formalités inutiles, et ne croira pas avoir été complète, lorsqu'elle aura constaté le nombre des pièces d'un dossier. S'inspirant uniquement des grands principes du droit et de l'équité, elle s'appliquera à ménager tous les intérêts légitimes, à respecter toutes les prérogatives, à faire observer la loi et à procurer l'exécution des contrats.

Les contrats! Ne semblerait-il pas que les obligations qu'ils imposent dussent être sacrées, et que la violation d'un traité constituât un scandale contre lequel l'honnêteté publique dût se révolter? Hélas! nous savons qu'il n'en est plus ainsi, et que la haine antireligieuse fait commettre aux hommes, dans leur vie publique, des actes dont ils rougiraient dans leur vie privée. Des fondations d'écoles ont été faites avec la condition expresse qu'elles seraient dirigées par des religieux ou des religieuses; elles ont été régulièrement autorisées, et elles ont reçu pendant de longues années leur exécution, à la grande satisfaction des familles mais voici qu'un souffle d'impiété s'abat sur la France officielle; et, s'affranchissant de tout scrupule, les conseils municipaux demandent et obtiennent de préfets complaisants la laïcisation de ces écoles; et, chose inouïe, ils essaient de conserver les choses qui leur ont été don

nées, après les avoir détournées de leur emploi. Ils luttent à tous les degrés de juridiction, et il faut des arrêts de la justice pour leur apprendre qu'il n'est ni légal ni honnête de vouloir garder pour soi le bénéfice d'une libéralité dont on répudie les charges (Arrêts d'Aix, du 25 févr. 1880, et de Nîmes, du 11 juillet 1881). En stigmatisant, au nom du droit et de la conscience, la conduite de ces conseils municipaux, nous devons frapper d'un blâme énergique les préfets qui se font les complices de pareils méfaits, et les conseils de préfecture qui autorisent de si honteux procès: les uns et les autres enseignent et pratiquent cette doctrine perverse que l'on peut manquer à sa parole et violer la foi jurée.

La commune n'est pas le seul être collectif qui constitue un rouage de notre mécanisme gouvernemental. Au-dessus d'elle, il y a le département. Créé par les lois de la Révolution, le département n'a guère été érigé en personne civile que par la loi du 10 mai 1838. Ce que nous avons dit plus haut relativement aux biens des communes, s'applique, par identité de raison, aux biens des départements; et nous ne reconnaissons pas aux conseils généraux une indépendance absolue pour disposer de la partie de la fortune publique dont l'administration leur est confiée.

Entre la commune et le département, nous avons l'arrondissement et le canton, qui ne sont que de simples circonscriptions administratives et judiciaires. Rien assurément ne s'opposerait, ni en droit, ni en raison, à ce qu'ils fussent dotés de la personnalité civile. Le même avantage pourrait être conféré à d'autres corps que la loi créerait pour rendre plus facile l'administration du pays, aux ressorts académiques par exemple.

Est-ce à dire que nous désirerions qu'il en fût ainsi? Non, sans doute, car il nous paraît que nous avons en France assez de corps constitués, assez de conseils et surtout assez de budgets et de paperasses pour ne pas vouloir en augmenter le nombre. Mieux vaudrait, à notre sens, simplifier que compliquer.

$ 2.

L'homme ne peut donner en général à la chose publique qu'une partie minime de son temps et de ses soins. Son activité se déploie surtout dans la sphère de ses intérêts privés, et là encore il sent combien l'association lui est nécessaire. Il est faible, et, s'il était réduit à ses seules forces, il serait incapable d'arriver au plein développement de son intelligence, et à la satisfaction des besoins de toute na

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