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DES

INSTITUTIONS ET DU DROIT.

(12TM• Année.)

LA PROPRIÉTÉ

8me CONGRÈS DES JURISCONSULTES CATHOLIQUES

Tenn à Nantes les 9, 10, 11 et 12 octobre 1883.

SUITE ET FIN (1).

§ V.

LA PROPRIÉTÉ MOBILIÈRE

(TROISIÈME COMMISSION).

Son importance croissante a-t-elle ou non une influence sur FEtat social actuel? La bourse et la spéculation. Quand, dans quelle mesure et comment doit s'exercer l'action de l'Etat ?

Quelles opérations sont légitimes?

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NOTA. Consulter collection de la Revue catholique des Institutions et du Droit :

L'avenir économique des sociétés modernes, par
M. Claudio Jannet..

Le crédit de l'agriculture.

Vol. Pag.

XVII

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73

Des billets en mar

chandises et des ordres en denrées, par M. Touzaud, professeur de droit administratif..

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Le rachat et l'exploitation des chemins de fer par l'Etat, par M. Saint-Girons.....

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(1) Voir décembre 1883 et janvier 1884.

12o ANN. Ier SEM. 2o LIV. FÉVRIER 1884.

7

Etude sur la Bourse, par M. Augustin Blanchet...
Rachat par une société de ses propres actions, par
M. A. Guinard...

Le jeu de Bourse, par M. A. de Villiers de l'Isle-
Adam

Etude sur le capital, par M. René Genty de Bussy..
La propriété et la Révolution, par M. Biré...

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Influence de l'importance croissante de la propriété mobilière sur l'état social.

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Une suite de questions relatives à l'influence du développement de la propriété mobilière à notre époque, ayant été soumises avant le Congrès à l'appréciation de plusieurs de nos plus savants publicistes, les réponses suivantes ont été envoyées et déposées sur le bureau de la 3 commission.

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I. L'importance croissante de la propriété mobilière ne vient-elle pas en partie de la formation de toutes les sociétés industrielles par action; et sous ce rapport les valeurs industrielles ne rendent-elles pas de grands services à l'industrie? et même à l'agriculture?

1re Réponse.

La formation des sociétés industrielles par actions a favorisé le développement de la richesse mobilière, mais on ne peut pas dire que ce soit la cause de l'importance croissante de ce genre de propriété.

L'accroissement du capital mobilier répond à une situation économique particulière à notre époque.

Depuis un siècle on met en valeur les richesses naturelles qui n'étaient exploitées jadis qu'en des proportions beaucoup moindres. Cette exploitation se développe au moyen d'échanges accomplis dans le monde entier.

C'est une évolution économique que la force des choses devait amener tôt ou tard. Elle répond au grand mouvement d'expansion de l'humanité dans les contrées les plus reculées, qui est un des traits marquants de notre âge. Elle fournit des moyens d'action pour la prise de possession de plus en plus complète du globe par l'homme, laquelle répond à des desseins providentiels qu'on entrevoit sans pouvoir les pénétrer.

Mais cette évolution économique a ses excès et ses abus. Quand la formation des sociétés industrielles ne favorise ni ces excès, ni ces abus, il est évident qu'elle peut être utile à tous les travaux de l'ordre industriel. Pour l'agri

culture, l'utilité sera toujours beaucoup moindre, le travail agricole ne se prêtant pas, comme le travail industriel, aux combinaisons de l'association.

2e Réponse. Le développement de la propriété mobilière semble bien avoir la cause assignée dans le questionnaire; mais il ne faut pas perdre de vue, qu'au point de vue économique et social les industries sont mieux dirigées par un seul propriétaire ou patron que par une collectivité. En France, l'importance exagérée des sociétés par actions est la conséquence de la désorganisation des familles et de la propriété privée, par suite des partages qui rendent impossible la transmission intégrale.des industries privées. Sur ce point les Anglais nous sont bien supérieurs, ils créent des industries puissantes qui se transmettent de père en fils. En outre, pour les entreprises qu'une seule famille ne peut aborder, ils établissent de petites sociétés composées d'un petit nombre d'actionnaires qui se connaissent et ils évitent ainsi ces immenses duperies qui finissent par des krachs compromettant à la fois la fortune et l'honêteté publique. Quant à l'agriculture, elle a moins besoin de valeurs industrielles et de sociétés par actions, que de la résidence des grands propriétaires exerçant autour d'eux le patronage et consommant sur place les revenus de leurs terres. Ils sont les véritables banquiers fournis par la nature et constituent le plus économique et le plus sûr des crédits agricoles.

3e Réponse. Le nombre chaque jour croissant des sociétés par actions a évidemment contribué au progrès de la richesse mobilière et a imprimé un grand essor au commerce et à l'industrie, sans profiter sensiblement à l'agriculture. Les causes de cette anomalie ont été ingénieusement analysées par M. Dessaignes, dans le remarquable Rapport qu'il a soumis à l'Assemblée générale des agriculteurs de France, pendant la session de 1881. (Voir l'annuaire, p. 126 et suiv.) S'il est un point, dit M. Dessaignes, qui ressort avec clarté de l'étude de la dernière enquête, c'est qu'à l'étranger aucune distinction n'existe entre l'agriculteur et le commerçant dans la faculté de s'engager. Les banques leur sont accessibles au même titre. C'est la forme de l'engagement qui règle la juridiction et non la condition sociale de l'engagé. Il en est ainsi notamment en Angleterre, aux Etats-Unis, dans certaines parties de l'Allemagne et au Portugal. Les agriculteurs français ne jouissent pas des mêmes avantages, ils sont privés du bénéfice de la juridiction commerciale et sont obligés de battre monnaie à coups d'hypothè

ques. Pour remédier à cet état d'infériorité, la société des agriculteurs de France a émis le vœu que l'article 634 du Code de commerce soit modifié ainsi qu'il suit : les tribunaux de commerce connaîtront également des actions intentées contre tout agriculteur, propriétaire, fermier, colon ou métayer, pour avoir paiement de billets, lettres de change, mandats ou autres valeurs commerciales, qu'il aura endossés, souscrits ou garantis, comme pour le règlement des comptes-courants ouverts à son profit dans un établissement de banque ou de commerce ou chez un commerçant, pour le besoin de son exploitation agricole. Si cette modification était accueillie par les Chambres l'agriculteur serait assimilé au commerçant, sauf en ce qui touche la faillite.

II.-L'importance de la propriété mobilière ne peut-elle pas devenir disproportionnée? Dans ce cas l'augmentation croissante de la propriété mobilière, n'est-elle pas en même temps la diminution croissante de l'importance de la propriété immobilière ?

1re Réponse. Il peut arriver, il arrive de nos jours, que les capitaux se portent inconsidérément sur l'industrie. Dans ce cas, il y a souffrance pour la propriété foncière, sans qu'il y ait avantage réel pour l'industrie qui se trouve engagée, par l'encombrement des capitaux et la surexcitation des entreprises, dans de redoutables crises.

2o Réponse. Plus un peuple peut fournir d'individualités dirigeant de grandes entreprises, plus il s'élève. L'augmentation de la propriété mobilière n'est qu'un échappatoire à la situation actuelle, mais cette augmentation ne peut se développer indéfiniment et elle doit aboutir nécessairement à des crises aiguës comme celle qui sévit en ce moment dans le monde financier. Ces crises seront un bienfait si elles arrêtent le mouvement qui entraîne les capitaux vers la spéculation.

3e Réponse. Les données que nous possédons sur la valeur comparative de la propriété immobilière et de la propriété mobilière en France, sont loin d'être précises. Dans l'Economiste français, du 5 novembre 1881, M. de Freville a évalué la richesse publique à un chiffre variant entre 200 et 215 ou 220 milliards. Il attribue 125 milliards à la propriété immobilière, soit 62 p. % et 75 milliards à la propriété mobilière, soit 37 p . M. le Trésor de la Roque adopte le chiffre de 223 milliards et le répartit de la façon suivante : 110 milliards ou 49 % à la propriété foncière et 113 ou 51 % à la propriété mobilière. La richesse mo

bilière n'a certainement pas les vertus sociales de la propriété foncière, mais, précisément parce qu'elle est, pour ainsi dire, illimitée, elle satisfait les appétits de propriété qui sont inhérents au cœur humain et les empèche de se heurter dans des conflits insolubles.

III.-La diminution de l'importance de la propriété immobilière, et l'importance croissante et disproportionnée de la propriété mobilière n'emporte-t-elle pas la diminution de la stabilité du droit de propriété en général; n'a-t-elle pas une grande influence sur la stabilité des propriétés des familles, des établissements charitables, etc. n'emporte-t-elle pas le délaissement de la propriété foncière qui ne rend qu'avec beaucoup de peine? le délaissement de l'agriculture? le délaissement des campagnes pour l'augmentation des villes?

1re Réponse. -La fécondité du travail agricole, la prospérité des campagnes, la sécurité de la propriété foncière, le progrès constant de la puissance productive du sol, sont de première importance pour la stabilité sociale, pour la conservation et le développement de toutes les institutions desquelles dépendent l'ordre, la paix et le bien-être de la société.

Il suit de là que l'exagération du mouvement industriel, qui détourne le capital de la terre, et qui a pour conséquence la décadence des exploitations agricoles, nuit gravement à la société.

Cette exagération de l'activité industrielle et le délaissement des campagnes qui en est la suite, ont leurs causes dans la corruption des mœurs, dans l'amour du luxe, dans la passion du bien être, dans l'avidité qui pousse aux aventures par l'espoir d'un prompt enrichissement.

Ce sont les mêmes causes qui font croître démesurément la richesse mobilière, et qui détournent les bras du travail des champs pour les porter vers les villes et l'industrie.

2e Réponse.-Assurément. Mais ils ne faut pas perdre de vue ce que j'ai dit plus haut, à savoir que le développement exagéré des sociétés par actions est la conséquence des obstacles mis chez nous à la constitution de la propriété familiale et des ventes périodiques d'immeubles.

-

3e Réponse. Cette question comporterait tout un volume, que je serais incapable d'écrire. La diffusion de la propriété mobilière nous permet de satisfaire nos goûts pour la vie instable et voyageuse, mais elle ne les crée pas

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