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Liberté, Tolérance ou Répression en matière de mœurs, par Jos. Hoyois. Bruxelles, Larcier, Louvain C. Peeters; Paris, Rousseau, rue Souflot. 1883.

M. Hoyois donne dans ce volume une étude complète des trois régimes possibles à l'égard des mœurs publiques. Il examine l'organisation, le fonctionnement et les résultats de chacun d'eux dans les divers pays d'Europe.

Sans s'arrêter au premier système, rarement pratiqué à notre époque, et qui ne peut être défendu sérieusement, il critique surtout les diverses façons dont la généralité des gouvernements pratiquent aujourd'hui le régime de la tolérance règlementée. Il démontre avec des renseignements statistiques et une grande force de logique combien sont faux les principes sur lesquels on a établi la police de tolérance, qui n'est que l'organisation officielle de la débauche. Il prouve combien les résultats de ce système sont déplorables.

Toute cette partie de l'étude est pleine de documents précieux. Quelque difficile que soit la lecture d'un traité sur ce sujet, il faut bien que les adminisrateurs l'étudient; le livre de M. Hoyois qui respecte le lecteur le plus scrupuleux, est de nature à instruire un gouvernement de ce qu'il doit faire en matière de mœurs. Bien qu'il ne se place au point de vue d'aucune religion en particulier, il ne contient rien que le catholicisme doive rejeter, et il s'appuie toujours sur la morale la plus irréprochable.

Le système répressif que l'auteur conseille comme le seul vraiment moral et le seul efficace en pratique, doit être étudié avec soin et il faut en appeler l'application prochaine. En France nous sommes dans le faux, à ce sujet comme à tant d'autres, et ce n'est pas le régime actuel qui pourra et surtout voudra remédier au mal. Nous ne pouvons donc en l'état que faire à cet égard des études pour une époque ultérieure. Le livre de M. Hoyois nous y aidera puissamment et nous en conseillons la lecture à tous ceux qui s'occupent d'organisation publique pour l'avenir.

A. D.

Répertoire annoté des lois, actes officiels, documents historiques, d'après le Bulletin des Lois, depuis 1799. Par J.B. Gluck. Paris, Cotillon et C, in-8°.

Le Bulletin des Lois renferme des documents historiques d'une incontestable valeur; mais ceux qui peuvent donner place dans leur bibliothèque à cette volumineuse collection, sont rares. D'ailleurs, malgré des Tables embrassant de longues périodes, les recherches y sont fastidieuses et difficiles.

M. Gluck a entrepris d'abréger et de faciliter le travail pour les autres, et il a mis à la portée de tous les précieux renseignements épars dans le Bulletin des Lois, depuis 1789 jusqu'en 1880. Son livre contient, mentionnés à leurs dates, tous les documents et actes figurant au Bulletin, et pouvant présenter un intérêt, soit au point de vue de l'histoire proprement dite, soit au point de vue de l'histoire des institutions, soit au point de vue de la biographie. Une Table alphabétique très détaillée (elle ne comprend pas moins de 132 pages) complète heureusement cet ouvrage, et en fait un instrument de travail d'une très réelle utilité. A. C.

Le Gérant, J. BARATIER. 1550. Grenoble, impr. BARATIER et DARDELET. 871

DES

INSTITUTIONS ET DU DROIT.

(12 Année.)

LA PROPAGANDE ET LA JUSTICE ITALIENNE

L'arrêt de la Cour de cassation de Rome en sanctionnant définitivement la décision de la Cour d'appel d'Ancône qui reconnaissait au fisc italien le droit de convertir en rentes sur l'Etat les biens de la Propagande a profondément et douloureusement ému les catholiques.

Ils ont vu dans cette décision une nouvelle et grave atteinte aux droits de l'Eglise et une entrave à la liberté du Souverain Pontife dans l'accomplissement de son ministère spirituel.

I.

Origine et but de la Propagande

Le Pape Grégoire XVI en instituant par la bulle Inscrutabili la congrégation de la Propagande a nettement défini son but. Il expose qu'appelé au gouvernement de l'Eglise il considère comme son premier devoir de ramener au bercail du Christ les brebis qui s'en sont misérablement écartées. Le malheur des temps ayant augmenté considérablement le nombre des infortunés qui jamais n'ont connu l'Eglise catholique, ou l'ont désertée séduits par les embûches diaboliques, le Pape, pour remédier à cette calamité, institue une congrégation de cardinaux et de prélats dont la mission sera de pourvoir à tout ce qui, dans le monde entier, concerne la Propagation de la foi. Et afin qu'aucun retard ne vienne entraver une œuvre de cette importance et nécessitant des dépenses aussi considérables le Pape confie à la congrégation l'administration des biens provenant de sa propre munificence et que ne manqueront pas d'accroître les libéralités des fidèles.

Telle est l'origine de la Propagande.

12o ANN. Ier SEM. 5 LIV. MAI 1884.

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Son but est comme son nom l'indique la Propagation de la foi catholique. Son patrimoine lui sert « per temporalium cum spiritualibus felicem commutationem » à accomplir sa fin spirituelle consistant à sauver les âmes par la prédication de l'Evangile.

C'est donc une institution essentiellement religieuse et un instrument aux mains du chef de l'Eglise pour remplir l'une des fonctions les plus importantes de son ministère. Les biens de la Propagande font partie du patrimoine ecclésiastique, ils sont sacrés comme tout ce qui est affecté à la fin spirituelle de l'Eglise.

Le gouvernement italien cependant n'a pas craint de s'emparer de ces biens pour les convertir en rentes sur l'Etat; spoliation déguisée, dans laquelle le voleur consent encore à se reconnaître jusqu'à nouvel ordre débiteur de celui qu'il dépouille de sa propriété.

II.

Législation italienne et décisions des tribunaux.

La révolution procède partout d'après les mêmes principes. Dans le but de ravir à l'Eglise son indépendance elle s'empare du patrimoine ecclésiastique, espérant mettre ainsi le clergé à la solde de l'Etat et par ce moyen le réduire en servitude.

L'Italie révolutionnaire ne pouvait manquer de suivre ce programme.

Une loi du 28 juin 1866 supprima les Ordres religieux et ordonna dans son article 11 que « les biens immeubles de tout autre être moral ecclésiastique quelconque excepté ceux appartenant aux bénéfices paroissiaux et aux églises des refuges, seraient convertis par les soins de l'Etat, moyennant une inscription en faveur des êtres moraux à qui les biens appartiennent, en une rente 5 % égale à la rente constatée et soumise au paiement de la taxe de mainmorte. >>

Une loi du 19 juin 1873 étendit à la province de Rome les lois sur les corporations religieuses et sur la conversion des biens immeubles des êtres moraux ecclésiastiques.

En vertu de ces lois la commission des biens ecclésiastiques s'empara de certains immeubles appartenant à la congrégation de la Propagande et les exposa en vente.

La congrégation se pourvut devant les tribunaux italiens mais elle perdit son procès en première instance et en appel.

Cependant l'arrêt déféré à la Cour de cassation de Rome fut cassé le 31 mai 1881 et la cause renvoyée devant la Cour d'appel d'Ancône.

Cette nouvelle juridiction confirma le jugement de première instance; un nouveau pourvoi fut formé contre sa décision, mais la Cour de cassation se déjugeant le rejeta par un arrêt du 29 janvier 1884, dont le rapporteur, fut par une singulière ironie du sort, M. le conseiller Tartuffe,

Le premier arrêt de cassation se résume ainsi : La loi de conversion s'applique uniquement aux êtres ecclésiastiques ayant pour but le culte, or la Propagande a pour but non pas le culte mais la diffusion de la religion catholique «c'est un institut sui generis inspiré par une grande pen. sée humanitaire elle est mondiale en ce qui concerne ses fonctions éducatrices et civilisatrices. » Donc elle ne tombe pas sous le coup de la loi.

Le second arrêt établit par le texte même de la bulle d'institution, que la Propagande forme un être moral, que son but est la diffusion de la foi catholique, que dès lors on ne saurait sérieusement lui contester le caractère d'être moral ecclésiastique et la soustraire à l'article 11 de la loi de 1866.

Il nous paraît difficile d'échapper à ce dernier raisonnement; nous ne voulons pas cependant discuter ici un point de législation italienne; ce n'est pas de notre compétence. La question présente d'ailleurs peu d'intérêt pour nous et le bien ou mal jugé d'après la loi italienne ne saurait exercer aucune influence sur l'opinion des catholiques.

La loi du voleur en effet ne peut légitimer le vol.

Plaçons-nous donc au véritable point de vue d'où cette question doit étre examinée, étudions-la à la lumière des principes de justice supérieurs à toutes les législations humaines.

III.

Droit de l'Eglise.

Qui a droit à la fin a droit aux moyens.

L'Eglise a le droit de prêcher l'Evangile à toute créature humaine en vue d'amener toutes les nations à la connaissance de la vraie religion. Elle tient ce droit de son divin fondateur qui le lui a formellement conféré. On ne saurait par suite l'en priver légitimement. Les hommes, gouvernements ou particuliers peuvent, il est vrai, entraver en fait l'action de l'Eglise catholique, mais ce sont là des actes

de violence incapables de diminuer en rien le droit auquel ils s'attaquent.

Le droit de l'Eglise de prêcher l'Evangile entraîne par voie de conséquence nécessaire le droit de prendre les moyens propres à rendre cette prédication possible et efficace, et puisque l'Eglise tient son droit de Dieu seul, elle seule est juge en ce monde des moyens à adopter pour que rien ne puisse en entraver le libre et complet exercice.

Or l'homme n'est pas un pur esprit, son corps le soumet à des nécessités temporelles soit pour conserver sa propre existence, soit pour se mettre en relation avec les autres hommes, leur communiquer ses pensées, exercer sur eux son influence. Il faut subvenir à l'entretien des collèges chargés de former les ouvriers évangéliques, pourvoir à la subsistance des missionnaires et les débarrasser des soins temporels qui les empêcheraient de vaquer librement à l'exercice de leur ministère. Il faut leur fournir ces ressources pécuniaires qui, aux mains de la charité chrétienne, sont bien souvent le chemin pour arriver aux âmes et les conduire à la connaissance de la vérité. Dieu ne renverse pas les lois de la nature en faveur des ministres de l'Evangile et s'il leur fournit le pain de chaque jour et les ressources nécessaires à l'accomplissement de leur mission, il le fait d'ordinaire par l'entremise des moyens humains.

La possession des biens temporels est donc moralement nécessaire à l'Eglise pour accomplir sa mission spirituelle, elle a dès lors le droit naturel et légitime d'acquérir ces biens et de les posséder. (Syllabus XXVI) Ce droit de propriété ne relève en rien de l'autorité civile, par suite nul pouvoir humain ne peut légitimement le ravir à l'Eglise ou poser des limites à son exercice. Le supérieur seul possède ce droit au regard de son inférieur. Or l'Eglise ne connaît pas de supérieur en ce monde, elle commande et n'obéit pas, les rois et leurs ministres sont ses sujets et comme tels tenus de lui obéir dans tout ce qui relève de son autorité (Syllabus XLII).

Remarquons d'ailleurs que la propriété ecclésiastiqne doit être stable et libre de toute entrave, sinon les moyens dont l'Eglise use pour atteindre sa fin spirituelle seraient incertains et précaires. Elle a donc le droit de posséder notamment des immeubles et d'en être propriétaire. A quel titre pourrait-on dès lors la contraindre à transformer son droit de propriété immobilière en créances d'un recouvrement toujours aléatoire et même abandonné au pur caprice du débiteur lorsque ce débiteur est l'Etat.

Tels sont les principes supérieurs à toute législation

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