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à un plus grand nombre d'hommes les avantages de la société civile. Mais à supposer que ces intentions fussent sincères, elles seraient loin d'épuiser tous leurs desseins. En effet, ceux qui sont affiliés doivent promettre d'obéir aveuglément et sans discussion aux injonctions des chefs; de se tenir toujours prêts, sur la moindre notification, sur le plus léger signe, à exécuter les ordres donnés, se vouant d'avance, en cas contraire, aux traitements les plus rigoureux, à la mort elle même.

De fait, il n'est pas rare que la peine du dernier supplice soit infligée à ceux d'entre eux qui sont convaincus soit d'avoir livré la discipline secrète de la société, soit d'avoir résisté aux ordres des chefs et cela se pratique avec tant d'audace et avec une telle dextérité que, la plupart du temps, l'exécuteur de ces sentences de mort échappe à la justice établie pour veiller sur les crimes et pour en tirer vengeance. Or, vivre dans la dissimulation et vouloir être enveloppé de ténèbres; enchaîner à soi par les liens les plus serrés, et sans leur avoir préalablement fait connaître à quoi ils s'engagent, des hommes réduits ainsi à l'état d'esclaves; employer à toutes sortes d'attentats ces instruments passifs d'une volonté étrangère; armer pour le meurtre des mains à l'aide desquelles on assure l'impunité du crime : ce sont là de monstrueuses pratiques condamnées par la nature elle-même. La raison et la nature suffisent donc à prouver que la société dont Nous parlons est en opposition formelle avec la justice et la morale naturelles.

But de la Franc-Maçonnerie. — Destruction de toute discipline religleuse et sociale et mise en pratique des doetrines des naturalistes.

D'autres preuves, d'une grande clarté, s'ajoutent aux précédentes et font encore mieux voir combien, par sa constitution essentielle, cette association répugne à l'honnêteté. Si grandes, en effet, que puissent être parmi les hommes l'astucieuse habileté de la dissimulation et l'habitude du mensonge, il est impossible qu'une cause, quelle qu'elle soit, ne se trahisse pas par les effets qu'elle produit: un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, et un mauvais n'en peut porter de bons (1).

Or, les fruits produits par la secte maçonnique sont pernicieux et des plus amers. Voici, en effet, ce qui résulte de ce que Nous avons précédemment indiqué, et cette conclusion nous livre le dernier mot de ses desseins. Il s'agit pour les Francs-Maçons et tous leurs efforts tendent à

(1) Matth. vi, 18.

ce but, il s'agit de détruire de fond en comble toute la discipline religieuse et sociale, qui est née des institutions chrétiennes, et de lui en substituer une nouvelle, façonnée à leurs idées et dont les principes fondamentaux et les lois sont empruntés au naturalisme.

Tout ce que Nous venons ou ce que Nous Nous proposons de dire doit être entendu de la secte maçonnique envisagée dans son ensemble, en tant qu'elle embrasse d'autres sociétés qui sont pour elles des sœurs et des alliées. Nous ne prétendons pas appliquer toutes ces réflexions à chacun de leurs membres pris individuellement. Parmi eux, en effet, il s'en peut trouver, et même en bon nombre, qui, bien que non exempts de faute pour s'être affiliés à de semblables sociétés, ne trempent cependant pas dans leurs actes criminels et ignorent le but final que ces sociétés s'efforcent d'atteindre. De même encore il se peut faire que quelquesuns des groupes n'approuvent pas les conclusions extrêmes auxquelles la logique devrait les contraindre d'adhérer, puisqu'elles découlent nécessairement des principes communs à toute l'association. Mais le mal porte avec lui une turpitude qui d'elle-même repousse et effraie. En outre, des circonstances particulières de temps ou de lieux peuvent persuader à certaines fractions de demeurer en deça de ce qu'elles souhaiteraient de faire ou de ce que font d'autres associations. Il n'en faut pas conclure pour cela que ces groupes soient étrangers au pacte fondamental de la Maçonnerie. Ce pacte demande à être apprécié moins par les actes accomplis et par leurs résultats que par l'esprit qui l'anime et par ses principes généraux.

Or, le premier principe des naturalistes, comme leur nom même l'indique suffisamment, c'est qu'en toutes choses la nature et la raison humaines doivent être maîtresses et souveraines. Cela posé, s'il s'agit des devoirs envers Dieu, ou bien ils en font peu de cas, ou ils en altèrent l'essence par des opinions vagues et des sentiments erronés. Ils nient que Dieu soit l'auteur d'aucune révélation. Pour eux, en dehors de ce que peut comprendre la raison humaine, il n'y a ni dogme religieux, ni vérité, ni maître en la parole de qui, au nom de son mandat officiel d'enseignement on doive avoir foi. Or, comme la mission tout à fait propre et spéciale de l'Eglise catholique consiste à recevoir dans leur plénitude et à garder dans une pureté incorruptible les doctrines révélées de Dieu, aussi bien que l'autorité établie pour les enseigner, avec les autres secours donnés du Ciel en vue de sauver les hommes, c'est contre elle que les adversaires déploient le plus d'acharnement et dirigent leurs plus violentes attaques.

Maintenant, dans les choses qui touchent à la religion,

qu'on voie à l'œuvre la secte des Francs-Maçons, là principalement où son action peut s'exercer avec une liberté plus licencieuse, et que l'on dise si elle ne semble pas s'être donné pour mandat de mettre à exécution les décrets des naturalistes.

Comment elle se propose la destruction de l'Eglise. Sa marche progressive dans ses desseins de destruction.

Ainsi, dût-il lui en coûter un long et opiniâtre labeur, elle se propose de réduire à rien au sein de la société civile le magistère et l'autorité de l'Eglise ; d'où cette conséquence que les Francs-Maçons s'appliquent à vulgariser et pour laquelle ils ne cessent pas de combattre, à savoir qu'il faut absolument séparer l'Eglise et l'Etat. De ce fait, ils mettent hors des lois et ils excluent de l'administration de la chose publique la très salutaire influence de la religion catholique, et ils aboutissent logiquement à la prétention de constituer l'Etat tout entier en dehors des institutions et des préceptes de l'Eglise. Mais il ne leur suffit pas d'exclure de toute participation au gouvernement des affaires humaines l'Eglise, ce guide si sage et si sûr : il faut encore qu'ils la traitent en ennemie et usent de violence contre elle. De là l'impunité avec laquelle, par la parole, par la plume, par l'enseignement, il est permis de s'attaquer aux fondements mêmes de la religion catholique. Ni les droits de l'Eglise, ni les prérogatives dont la Providence l'avait dotée, rien n'échappe à leurs attaques. On réduit presque à rien sa liberté d'action, et cela par des lois qui, en apparence, ne semblent pas trop oppressives, mais qui, en réalité, sont expressément faites pour enchaîner cette liberté. Au nombre des lois exceptionnelles faites contre le clergé, Nous signalerons particulièrement celles qui auraient pour résultat de diminuer notablement le nombre des ministres du sanctuaire, et de réduire toujours davantage leurs moyens indispensables d'action et d'existence. Les restes des biens ecclésiastiques, soumis à mille servitudes, sont placés sous la dépendance et le bon plaisir d'administrateurs civils. Les communautés religieuses sont supprimées ou dispersées. A l'égard du Siège Apostolique et du Pontife Romain, l'inimitié de ces sectaires a redoublé d'intensité. Après que, sous de faux prétextes, ils ont dépouillé le Pape de sa souveraineté temporelle, nécessaire garantie de sa liberté et de ses droits, ils l'ont réduit à une situation tout à la fois inique et intolérable, jusqu'à ce qu'enfin,en ces derniers temps,les fauteurs de ces sectes en soient arrivés au point qui était depuis longtemps le but de leurs secrets desseins, à savoir de proclamer que le moment est venu de supprimer la puissance sacrée des

Pontifes romains et de détruire entièrement cette Papauté qui est d'institution divine. Pour mettre hors de doute l'existence d'un tel plan, à défaut d'autres preuves, il suffirait d'invoquer le témoignage d'hommes qui ont appartenu à la secte et dont la plupart, soit dans le passé, soit à une époque plus récente, ont attesté comme véritable la volonté où sont les Francs-Maçons de poursuivre le catholicisme d'une inimitié exclusive et implacable, avec la ferme résolution de ne s'arrêter qu'après avoir ruiné de fond en comble toutes les institutions religieuses établies par les Papes.

Que si tous les membres de la secte ne sont pas obligés d'abjurer explicitement le catholicisme, cette exception, loin de nuire au plan général de la Franc-Maçonnerie, sert plutôt ses intérêts. Elle lui permet d'abord de tromper plus facilement les personnes simples et sans défiance, et elle rend accessible à un plus grand nombre l'admission dans la secte. De plus, en ouvrant leur rang à des adeptes qui viennent à eux des religions les plus diverses, ils deviennent plus capables d'accréditer la grande erreur du temps présent, laquelle consiste à reléguer au rang des choses indifférentes le souci de la religion et à mettre sur le pied de l'égalité toutes les formes religieuses. Or, à lui seul, ce principe suffit à ruiner toutes les religions, et particulièrement la religion catholique, car, étant la seule véritable, elle ne peut, sans subir la dernière des injures et des injustices, tolérer que les autres religions lui soient égalées.

Avec les naturalistes la Franc-Maçonnerie marche à la destruction, non seulement des vérités révélées, mais des vérités accessibles aux simples lumières de la raison.

Les Naturalistes vont encore plus loin. Audacieusement engagés dans la voie de l'erreur sur les plus importantes questions, ils sont entraînés et comme précipités par la logique jusqu'aux conséquences les plus extrêmes de leurs principes, soit à cause de la faiblesse de la nature humaine, soit par le juste châtiment dont Dieu frappe leur orgueil. It suit de là qu'ils ne gardent même plus dans leur intégrité et dans leur certitude les vérités accessibles à la seule lumière de la raison naturelle, telles que sont assurément l'existence de Dieu, la spiritualité et l'immortalité de l'âme. Emportée dans une carrière d'erreurs semblable, la secte des Francs-Maçons n'a pas échappée à ces écueils. Bien qu'en effet, prise dans son ensemble, la secte fasse profession de croire à l'existence de Dieu, le témoignage de ses propres membres établit que cette croyance n'est pas pour chacun d'eux individuellement l'objet d'un assentiment ferme et d'une inébranlable certitude. Ils ne se dissimulent pas que la question de Dieu est parmi eux une cause de

grands dissentiments. Il est même avéré qu'il y a peu de temps une sérieuse controverse s'est engagée entre eux à ce sujet. En fait, la secte laisse aux initiés liberté entière de se prononcer en tel ou tel sens, soit pour affirmer l'existence de Dieu, soit pour la nier et ceux qui nient résolûment ce dogme sont aussi facilement reçus à l'initiation que ceux qui, d'une certaine façon, l'admettent encore, mais en le dépravant, comme les panthéistes, dont l'erreur consiste précisément, tout en retenant de l'Etre divin on ne sait quelles absurdes apparences, à faire disparaître ce qu'il y a d'essentiel dans la vérité de son existence.

Or, quand ce fondement nécessaire est détruit ou seulement ébranlé, il va de soi que les autres principes de l'ordre naturel chancellent dans la raison humaine et qu'elle ne sait plus à quoi s'en tenir, ni sur la création du monde par un acte libre et souverain du Créateur, ni sur le gouvernement de la Providence, ni sur la survivance de l'âme et la réalité d'une vie future et immortelle succédant à la vie présente. L'effondrement des vérités qui sont la base de l'ordre naturel, et qui importent si fort à la conduite rationnelle et pratique de la vie, aura un contre-coup sur les mœurs privées et publiques. · Passons sous silence ces vertus surnaturelles qu'à moins d'un don spécial de Dieu personne ne peut ni pratiquer ni acquérir; vertus dont il est impossible de trouver aucune trace chez ceux qui font profession d'ignorer dédaigneusement la rédemption du genre humain, la grâce, les sacrements, le bonheur futur à conquérir dans le ciel. Nous parlons simplement des devoirs qui résultent des principes de l'honnêteté naturelle.

Destruction de la science du juste et de l'’injuste..

Un Dieu qui a créé le monde et le gouverne par sa providence; une loi éternelle dont les prescriptions ordonnent de respecter l'ordre de la nature et défendent de le troubler; une fin dernière placée pour l'âme dans une région supérieure aux choses humaines et au delà de cette hôtellerie terrestre ; voilà les sources, voilà les principes de toute justice et honnêteté. Faites-les disparaître (c'est la prétention des Naturalistes et des Francs-Maçons), et il sera impossible de savoir en quoi consiste la science du juste et de l'injuste et sur quoi elle s'appuie. Quant à la morale, la seule chose qui ait trouvé grâce devant les membres de la secte maçonnique et dans laquelle ils veulent que la jeunesse soit instruite avec soin, c'est celle qu'ils appellent « morale civique, morale indépendante, morale libre » ; en d'autres termes, morale qui ne fait aucune place aux idées religieuses.

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