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pour Nous une joie médiocre d'avoir vu déjà se constituer en plusieurs lieux des associations de ce genre, ainsi que des sociétés de patrons; le but des unes et des autres étant de venir en aide à l'honorable classe des prolétaires, d'assurer à leurs familles et à leurs enfants le bienfait d'un patronage titulaire, de leur fournir les moyens de garder, avec de bonnes mœurs, la connaissance de la religion et l'amour de la piété. Nous ne saurions ici passer sous silence une société qui a donné tant d'exemples admirables et qui a si bien mérité des classes populaires : Nous voulons parler de celle qui a pris le nom de son père, saint Vincent de Paul. On connaît assez les œuvres accomplies par cette Société et le but qu'elle se propose. Les efforts de ses membres tendent uniquement à se porter, par une charitable initiative, au secours des pauvres et des malheureux, ce qu'il font avec une merveilleuse sagacité et une non moins admirable modestie. Mais plus cette société cache le bien qu'elle opère, plus elle est apte à pratiquer la charité chrétienne et à soulager les misères des hommes.

Education de la jeunesse.

Quatrièmement, afin d'atteindre plus aisément le but de Nos désirs, Nous recommandons avec une nouvelle instance à votre foi et à votre vigilance la jeunesse, qui est l'espoir de la société. Appliquez à sa formation la plus grande partie de vos sollicitudes pastorales. Quels qu'aient déjà pu être à cet égard votre zèle et votre prévoyance, croyez que vous n'en ferez jamais assez pour soustraire la jeunesse aux écoles et aux maîtres près desquels elle serait exposée à respirer le souffle empoisonné des sectes. Parmi les prescriptions de la doctrine chrétienne, il en est une sur laquelle devront insister les parents, les directeurs spirituels les curés, recevant l'impulsion de leurs Evêques. Nous voulons dire la nécessité de prémunir leurs enfants ou leurs élèves contre ces sociétés criminelles, en leur apprenant de bonne heure à se défier des artifices perfides et variés à l'aide desquels leurs prosélytes cherchent à enlacer les hommes. Ceux qui ont charge de préparer les jeunes gens à recevoir les Sacrements comme il faut, agiraient sagement s'ils amenaient chacun d'eux à prendre la ferme résolution de ne s'agréger à aucune société à l'insu de leurs parents, ou sans avoir consulté leur curé ou leur confes

seur.

Du reste, Nous savons très bien que nos communs labeurs pour arracher du champ du Seigneur ces semences pernicieuses seraient tout à fait impuissants si, du haut du ciel, le Maître de la vigne ne secondait nos efforts. Il est

donc nécessaire d'implorer son assistance et son secours avec une grande ardeur et par des sollicitations réitérées, proportionnées à la nécessité des circonstances et à l'intensité du péril. Fière de ses précédents succès, la secte des Francs-Maçons lève insolemment la tête, et son audace semble ne plus connaître aucunes bornes. Rattachés les uns aux autres par le lien d'une fédération criminelle et de leurs projets occultes, ses adeptes se prêtent un mutuel appui et se provoquent entre eux à oser et à faire le mal.

A une si violente attaque doit répondre une défense d'une égale énergie. Que les gens de bien s'unissent donc, eux aussi, et forment une immense coalition de prières et d'efforts. En conséquence, Nous leur demandons de faire entre eux, par la concorde des esprits et des cœurs, une cohésion qui les rende invincibles contre les assauts des sectaires. En outre, qu'ils tendent vers Dieu des mains suppliantes et que leurs gémissements persévérants s'efforcent d'obtenir la prospérité et les progrès du christianisme, la paisible jouissance pour l'Eglise de la liberté nécessaire, le retour des égarés au bien, le triomphe de la vérité sur l'erreur, de la vertu sur le vice.

Demandons à la Vierge Marie, Mère de Dieu, de se faire notre auxiliaire et notre interprète. Victorieuse de Satan dès le premier instant de sa conception, qu'elle déploie sa puissance contre les sectes réprouvées qui font si évidemment revivre parmi nous l'esprit de révolte, l'incorrigible perfidie et la ruse du démon. Appelons à notre aide le prince des milices célestes, saint Michel, qui a précipité dans les enfers les anges révoltés; puis saint Joseph, l'époux de la très sainte Vierge, le céleste et tutélaire patron de l'Eglise catholique, et les grands apôtres saint Pierre et saint Paul, ces infatigables semeurs et ces champions invincibles de la foi catholique. Grâce à leur protection et à la persévérance de tous les fidèles dans la prière, Nous avons la confiance que Dieu daignera envoyer un secours opportun et miséricordieux au genre humain, en proie à un si grand danger.

Comme gage des dons célestes et comme témoignage de Notre bienveillance, Nous vous envoyons affectueusement dans le Seigneur la Bénédiction Apostolique, à Vous, Vénérables Frères, au clergé et aux peuples confiés à votre sollicitude.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 20 avril 1884, de Notre Pontificat la septième année.

LÉON XIII, PAPE.

LES ENSEIGNEMENTS

DES

ÉLECTIONS MUNICIPALES DU 4 ET DU 11 MAI 1884.

457

Nous attendions des enseignements précieux des élections municipales qui viennent d'avoir lieu. Le résultat a certainement été au niveau de notre attente.

Dans un grand nombre de communes les conservateurs l'ont emporté. Les radicaux ont eu la victoire surtout dans les grandes villes; et cependant dans beaucoup de lieux. cette victoire leur a été courageusement disputée. La ville de Paris en particulier voit augmenter le nombre de ses conseillers municipaux conservateurs et chrétiens. Les vaincus dans la lutte du 4 et du 11 mai ont été les républicains modérés ou les opportunistes. C'est un triste présage pour l'acclimatation du système républicain dans notre pays.

Et cependant la lutte a-t-elle été vraiment générale et organisée? Non certes. Ce qui a produit le résultat, ce sont les tyranniques agissements du pouvoir, c'est l'oppression de la liberté et surtout de la liberté d'enseignement, c'est la résistance de la France chrétienne à un gouvernement athée, ce sont les fautes des conseils municipaux républicains ne craignant pas d'aller contre les vœux des populations et suivant en cela la ligne à eux tracée par le pouvoir central, c'est la dilapidation des fonds publics, ce sont mille autres causes de mécontentement légitime qui ont agi sur les populations. Il est vrai que dans plusieurs contrées de la France il y a eu résistance sagement organisée; mais dans beaucoup d'autres il n'y a eu aucune organisation. Dans certaines localités même aucune liste conservatrice n'a été formée, soit par insouciance soit par crainte de non succès.

Or, que serait-il arrivé s'il y avait eu entente entre tous les conservateurs? Si, en se plaçant sur le terrain véritable des élections municipales, savoir les intérêts locaux, religieux et civils, ils avaient tous marché au combat sans abstention et sans faiblesse ? Il semble que nous pouvons dire, sans crainte d'exagérer, que les résultats auraient été immenses et que la France aurait été mise sur la route du salut. Sans doute les élections auraient donné une majorité radicale dans beaucoup de communes et surtout dans

plusieurs grandes villes; là, en effet, les socialistes et radicaux trouvent un puissant appui dans les masses de prolétaires et d'ouvriers étrangers aux intérêts de la localité. Mais le mal battu en brèche par le plus grand nombre des municipalités, localisé dans certains grands centres eût perdu une grande partie de sa force; on aurait pu l'attaquer ensuite dans ses places de refuge et l'affaiblir peu à peu de manière à lui enlever la souveraineté déplorable dont il jouit; peut-être même le rendre tout-à-fait impuissant.

Mais de ce qu'on aurait pu mieux faire, il ne faut pas conclure qu'il n'y a pas eu de résultats, ce serait une erreur, et c'est devant ces résultats qu'il faut nous placer afin de recueillir les enseignements qu'ils renferment et pour nous préparer à de nouvelles luttes C'est ce que nous venons faire ici, en soumettant aux lecteurs de la Revue les réflexions qui nous viennent naturellement à l'esprit.

La première pensée qui se présente c'est la nécessité de tendre à une action d'ensemble lorsque la France est appelée aux urnes électorales municipales, départementales, politiques, quelles qu'elles soient. Le suffrage universel s'impose à nous, sans que nous l'ayons choisi; notre devoir est de nous en servir et d'accepter courageusement le combat. Il faudrait donc qu'on se convainquit de la nécessité absolue de créer partout des comités destinés à choisir les candidats et à préparer les élections, qu'on prit à tâche de faire comprendre la nécessité de fournir à ces comités, par des cotisations généreuses, les moyens d'action; qu'on eût le dévouement enfin de présenter partout des candidats, soit qu'il y ait chance immédiate de réussir, soit qu'il n'y en ait pas, parce que le groupement seul des éléments d'une minorité a déjà une grande force. Supposez pour des élections générales quelconques, la France ainsi organisée, et les conservateurs donnant un assaut général, sans abstention et sans faiblesse, et cherchez à vous figurer le résultat. Dans les élections dernières, certaines villes ont donné à cet égard un bel exemple. Qu'il nous soit permis de noter en particulier la ville de Lyon et toute la contrée lyonnaise. Dans la ville même les conservateurs n'ont réussi à faire passer aucun de leurs candidats, mais le courage qu'ils ont eu d'aller au vote sans espérance de la victoire immédiate, vaut mieux qu'une victoire moins chèrement achetee, et nous avons remarqué que le même nombre de conservateurs, ou à peu près, s'est présenté le deuxième dimanche au scrutin de ballottage, malgré que le premier scrutin eut présenté des minorités imposantes, sans doute, mais éloignées du chiffre voulu pour la réussite. Il est

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résulté de cette action d'ensemble dans la région lyonnaise qu'un grand nombre de communes du département du Rhône ont été arrachées à la domination républicaine et ramenées sous une administration conservatrice, et que pour Lyon même, les conservateurs se sont unis, se sont comptés, et sans être encore la majorité qui est entre les mains des radicaux, ils forment cependant une armée puissante qui s'accroîtra pour de nouveaux combats.

Un second moyen que nous proposons, soit pour se préparer aux luttes à venir, soit pour trouver d'autres remèdes efficaces à nos maux, c'est l'étude sérieuse des causes de perversion des populations. Il nous semble que jusqu'ici on s'est contenté de noter les causes générales et universelles et que les observations n'ont pas été assez localisées. C'est ici que la méthode de M. Le Play aurait une grande importance. Nous voudrions donc que cette série d'observations portât, non pas sur toute la France, non pas même sur toute une province ou toute une contrée, mais sur un seul canton, mais sur une seule commune à la fois. - Voilà une commune qui était bonne il y a 50 ou 60 ans, maintenant elle est mauvaise et livrée au mal; dans les élections on choisit ce qu'il y a de pire, on se méfie du prêtre, on se garde de l'honnête homme; comment s'est fait le passage du bien au mal, quel est le pont qui a réuni les extrêmes? Quelquefois il sera difficile de s'en rendre compte autrement qu'en disant : l'atmosphère générale s'est viciée et a produit des maladies morales contagieuses; mais le plus souvent par une observation attentive, par des renseignements recueillis avec soin dans le pays, on arrivera à suivre la marche du mal plus ou moins rapide. Ces études multipliées sur divers points de la France, pourraient produire un certain nombre de monographies extrêmement intéressantes et instructives. La Revue ne refuserait pas d'en recevoir quelques-unes dans ses colonnes et ses lecteurs sûrement ne s'en plaindraient pas, car ce serait une étude analytique de notre pays qui pourrait préparer un résultat synthétique très fructueux.

On y verrait en premier lieu les causes générales qui ont agi sur la population de la commune et qui sont les mêmes partout, comme l'action de la mauvaise presse, les fausses espérances, l'engouement des droits politiques et le penchant de la nature humaine à fuir toute sujétion et à rejeter tout ce qui domine, le respect humain, les préventions et les calomnies répandues, et plusieurs autres causes qui agissent partout et qui entraînent l'homme loin du devoir. Mais on arriverait ensuite aux causes locales, on découvrirait quelquefois que le mal a sa source dans deux

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