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ainsi le gouvernement de l'Eglise dans ce qu'il a de plus important; averti plusieurs fois par le Souverain Pontife, il ne vient pas à résipiscence. Son obstination criminelle met en danger la foi des fidèles. Que doit faire le Pontife Romain? Par respect pour le concordat a-t-il laissé péricliter l'Eglise de Dieu? Non, il ne saurait le faire sans trahir la société chrétienne dont il est le chef et JésusChrist le pasteur suprême des âmes dont il est le vicaire sur la terre. En pareil cas il conserve donc le droit de rompre le concordat et de retirer les privilèges accordés.

Et cette conclusion réunit les partisans des deux systèmes exposés plus haut. Ceux qui ne voient dans les concordats que de simples privilèges, adoptent pleinement cette conséquence de leur théorie et reconnaissent au Pape plein pouvoir de révoquer des concessions jugées nuisibles, tout comme un monarque suprême dans un état peut révoquer les privilèges accordés aux particuliers quand le bien public le demande. Ceux qui voient dans les concordats des contrats synallagmatiques arrivent au même résultat en soutenant que ces sortes de pactes renferment implicitement cette condition: pourvu que les faveurs accordées ne deviennent pas contraires au bien de l'Eglise (Voir De Angelis. Prælect juris canonici tit. 4append. 2. 10). Done, quelle que soit la théorie que l'on admette, le Pontife Romain reste toujours libre de rompre une convention devenue nuisible à l'Eglise, et par conséquent opposée au salut des âmes.

Mais à qui appartient-il de juger si le concordat est nuisible au bien commun des fidèles? Ici nouvelle différence entre les traités internationaux et les concordats. Deux souverains négociant une convention traitent d'égal à égal. Peu importe l'étendue de leurs états; à titre de souverains ils sont juridiquement indépendants l'un de l'autre. Donc si quelque différent survient à l'occasion du traité conclu, aucun d'eux n'est juge du conflit; et comme il n'y a pas de tribunal au-dessus d'eux pour rendre la justice, la querelle ne peut se terminer que par un nouvel accord à l'amiable, et, si l'accord ne peut se faire, par les hasards de la guerre.

Il n'en est pas de même pour les concordats. Là aussi il n'y a pas de tribunal supérieur aux deux contractants pour juger du procès; la guerre d'ailleurs n'est pas possible entre deux pouvoirs d'ordre différent, l'un spirituel, l'autre temporel; l'accord à l'amiable serait le meilleur moyen de terminer le conflit; mais est-il toujours possible? Et dans le cas où les efforts pour l'amener échoueraient, n'existerait-il aucun moyen juridique de rétablir la paix? La sagesse divine aurait-elle permis que la violence et l'abus

de la force fussent le dernier mot du droit dans les conflits entre les deux pouvoirs? Elle ne le pouvait pas; aussi a-t-elle mis le remède à côté du mal. Ce remède c'est la subordination juridique du pouvoir temporel au pouvoir spirituel. Cette subordination qui sert de base à tout le système politico - ecclésiastique trouve ici une de ses applications les plus importantes. Puisque l'autorité spirituelle est au-dessus de l'autorité temporelle, à la première revient le droit de prononcer dans les conflits survenus entre elles. C'est au Pape qu'il appartient de juger souverainement des violations du concordat, de l'abus qu'on en fait, des dangers qu'il pourrait présenter dans les circonstances nouvelles, par conséquent de l'opportunité et même de la nécessité de l'abroger.

Si l'on nous objecte qu'en ce cas le Souverain Pontife est juge et partie; nous répondrons que c'est là une condition inséparable de toute souveraineté. Est-ce que dans la société temporelle, quand une convention a été passée entre le prince et un particulier, s'il survient un conflit, le prince n'est pas juge et partie? Ne désigne-t-il pas luimême les magistrats qui doivent prononcer entre lui et ses sujets? N'est-ce pas en son nom que la sentence est prononcée ? N'est-ce pas lui qui la fait exécuter? Or ce qui est légitime pour l'Etat vis-à-vis de ses sujets, deviendrait-il injuste pour l'Eglise quand elle traite avec une société qui lui est subordonnée ?

Nier ces principes et les conclusions que nous en avons tirées c'est remettre en question la supériorité de l'Eglise sur l'Etat, du spirituel sur le temporel.

Mais, dira-t-on, la doctrine que nous avons posée n'enlève-t-elle pas aux concordats toute stabilité ? Quel fond pourra faire un gouvernement séculier sur une convention que l'on déclare d'avance révocable au gré, ou du moins au jugement de l'une des parties, sans le consentement de l'autre ?

A cette objection nous répondrons d'abord par l'histoire. Il est inouï que l'Eglise ou le Saint-Siège aient pris l'initiative, et abrogé un concordat par voie d'autorité suprême. Loin de là, les esprits ardents se scandalisent plutôt de ce qu'ils appellent l'excessive longanimité de l'Eglise en face des plus odieuses violations des concordats par les gouvernements laïques.

Au témoignage de l'histoire ajoutons les principes qui dirigent la politique chrétienne. Le Saint- Siège est prudent. Il sait quels dangers entraîneraient pour les âmes la discorde entre les deux pouvoirs. Son intérêt est donc de maintenir à tout prix ces traités qui servent de liens entre eux. Aussi est-ce une vieille habitude chez les

papes de pousser aux dernières limites la patience, et de laisser aux princes égarés l'odieux de la rupture. La violation des concordats ne vient donc pas du Saint-Siège, mais des gouvernements livrés aux passions anti-religieuses.

Ce que nous avons dit résout la question si souvent posée les concordats sont-ils des traités synallagmatiques? Si l'on entend par ce nom toute convention produisant de part et d'autre des obligations véritables, quoique de nature différente, le concordat rentre dans cette classe de contrats; si au contraire l'on réserve ce nom aux traités qui obligent au même titre et de la même manière les deux parties contractantes, les concordats ne sont pas de vrais traités synallagmatiques, quoique ils aient avec eux beaucoup de ressemblance. C'est là une question de mots.

Résumons toute la doctrine exposée dans cette première partie. Les concordats sont des traités analogues aux traités diplomatiques; ils sont conclus entre deux pouvoirs souverains, chacun dans son ordre; ils imposent une obligation stricte à l'un et l'autre des contractants, mais une obligation de nature différente; l'un d'eux, le pouvoir temporel, est lié absolument, et ne peut rompre la convention sans le consentement de l'autre partie; le Saint-Siège est aussi lié par ses engagements; mais comme un pouvoir supérieur l'est envers un subordonné, c'est-à-dire tant que les intérêts majeurs de la société chrétienne ne sont pas en opposition avec les clauses du traité; à titre de pouvoir supérieur, c'est au Siège apostolique seul, que revient le droit de juger des violations du concordat ou des inconvénients qu'il entraîne dans la société chrétienne; à lui donc appartient le droit de maintenir ou de retirer, non au gré de ses caprices, mais en vue du bien des âmes les concessions spirituelles faites gratuitement à la société temporelle.

(A suivre.)

G. DESJARDINS.

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LE MARIAGE ENTRE CHRÉTIENS

DOCTRINE De l'église.

ENSEIGNEMENT DE L'ÉTAT.

<< Parmi les nombreuses choses qu'il faut » réclamer des gouvernements, demandez » que le sacrement de mariage précède > le contrat civil. .

Discours de Pie IX aux pèlerins belges, 3 octobre 1875.

1. A plusieurs reprises, dans le cours de son glorieux pontificat, Pie IX a rappelé aux Etats le caractère véritable du mariage entre chrétiens; et, dans un paragraphe spécial, le Syllabus complectens præcipuos nostræ ætatis errores, joint à l'Encyclique Quantâ curâ du 8 décembre 1864, signale jusqu'à dix propositions fausses, relatives au mariage chrétien.

Nous nous bornerons à relever ici les cinq propositions suivantes, auxquelles un catholique ne peut adhérer.

66me. « Le sacrement de mariage n'est qu'un accessoire » du contrat, et qui peut en être séparé, et le sacrement > lui-même ne consiste que dans la seule bénédiction nup» tiale. >>>

68me. L'Eglise n'a pas le pouvoir d'apporter des empê>> chements dirimants au mariage; mais ce pouvoir appar» tient à l'autorité séculière, par laquelle les empêche>>ments existants peuvent être levés. »

71me. « La forme prescrite par le Concile de Trente n'o» blige pas sous peine de nullité, quand la loi civile établit » une autre forme à suivre, et veut qu'au moyen de cette » forme le mariage soit validé. »

73me. «Par la force du contrat purement civil, un vrai > mariage peut exister entre chrétiens; et il est faux, ou » que le contrat de mariage entre chrétiens soit toujours » un sacrement, ou que ce contrat soit nul en dehors du >> sacrement. >>

74me. « Les causes matrimoniales et les fiançailles, par >> leur nature propre, appartiennent à la juridiction ci» vile (1). »

(i) 66. Matrimonii sacramentum non est nisi quid contractui accessorium ab eoque separabile, ipsumque sacramentum in una tantum benedictione nuptial situm est.

68. Ecclesia nou habet potestatem impedimenta matrimonium diri

XIIe-I

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2. Au mois de juin 1879, à l'occasion d'une loi pénale interdisant la célébration du mariage religieux avant la formation du contrat civil, Léon XIII adressait aux archevêques et évêques des provinces de Verceil, Turin et Gênes, une lettre de félicitations pour le soin qu'ils avaient eu de proclamer au moment opportun la vérité catholique.

Rappelant les condamnations antérieures portées contre la doctrine du mariage civil, « cette doctrine qui réduit le >> sacrement de mariage à une cérémonie extérieure et à » la condition d'un simple rit, » le Pape protestait contre >> les arguments empruntés, « soit à l'enseignement de > codes étrangers, soit à l'exemple d'une nation catholique » chez qui le mariage est aujourd'hui soumis à une légis>> lation entièrement civile et laïque. » Et voici comment il >> jugeait la doctrine de ces codes étrangers : C'est là, >> écrivait-il, une doctrine qui renverse l'idée essentielle » du mariage chrétien, où le lien conjugal, sanctifié par » la religion, s'identifie avec le sacrement, où ces deux >> choses s'unissent inséparablement pour ne constituer » qu'un seul acte, une même réalité. »

La lettre aux archevêques et évêques des provinces de Verceil, Turin et Gênes, n'a pas suffi au zèle de Léon XIII, et, le 10 juin 1880, il adressait au monde entier l'Encyclique « Arcanum divina sapientiæ,» magnifique résumé de la doctrine catholique sur la nature du mariage, énergique revendication du droit exclusivement réservé à l'autorité ecclésiastique de réglementer l'institution, et de reconnaître l'existence ou de constater la nullité de toute union contractée entre chrétiens.

3. Cette doctrine de l'Eglise, qui s'impose à toute conscience catholique, la Constitution de 1791 l'a rejetée; elle a proclamé ce principe du droit nouveau : « La loi ne >> considère le mariage que comme un contrat civil. » Le projet de code civil le reproduisait presque dans les mêmes termes; et si l'on a écarté, comme inutile, l'article portant : « La loi ne considère le mariage que sous les rap

mentia inducendi, sed ea potestas civili auctoritati competit, a qua impedimenta existentia tollenda sunt.

71. Tridentini forma sub infirmitatis pœna non obligat, ubi lex civilis aliam formam præstituat, et velit hac nova forma interveniente matrimonium valere.

73. Vi contractus mere civilis potest inter christianos constare veri nominis matrimonium; falsumque est aut contractum matrimonii inter christianos semper esse sacramentum, aut nullum esse contractum, si sacramentum excludatur.

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74. Causæ matrimoniales et sponsalia suapte natura ad forum civile pertinent.

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