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avec vos fermiers, vos voisins, les cultivateurs, tous gens endoctrinés et empoisonnés par le notaire ou l'huissier radical du canton. Groupez autour de vous ces hommes qui, la plupart du temps, sont trompés. Vivez avec eux, et que Madame la Marquise entre dans la chaumière la moins attrayante, avec la bonne grâce et le même sourire qu'elle aurait dans son salon pour de vieux amis.

Le moment est venu où la campagne vous réclame plus vivement que jamais. Bientôt on aura les élections générales. Voulez-vous, sans combattre, déserter d'avance cette lutte, renoncer à cette espérance, laisser vos ennemis prendre une fois de plus position chez vous, contre vous, contre vos enfants, contre vos familles, contre vos biens, et vous obliger, en fin de compte, à ne plus pouvoir paraître chez vous?

Je m'adresserai aussi à la presse conservatrice. Dans une certaine partie de cette presse, on ne voit pas assez où l'on doit tendre et où il faut arriver. On y fait une petite guerre d'escarmouches, on bataille sur des pointes d'aiguilles, et l'on oublie trop quel terrain on a à délivrer et à conquérir. Je prends un exemple.

Je vois des hommes de talent et de cœur suivre avec un scrupule extrême l'application de la loi de malheur du 28 mars et des lois de persécution contre les collèges libres. On discute les arrêts et les jugements; on compare telle jurisprudence avec telle autre; on épluche tel considérant, tel dispositif plus ou moins révoltant. C'est bien, et il faut évidemment que les avocats chrétiens s'efforcent d'atténuer les désastreux effets de ces lois jusqu'au jour où elles seront supprimées. Mais est-ce là toute l'œuvre de la presse catholique, quant à l'enseignement?

Discuter avec un pareil soin l'application de lois détestables, et ne rien proposer pour les remplacer, n'est-ce pas reconnaître implicitement leur existence et le droit qu'elles ont d'être appliquées? Je ne peux admettre que la presse catholique reconnaisse le droit dans ces lois. Une légalité injuste, oppressive, n'a jamais et n'aura jamais pour elle le droit.

A côté de ces discussions juridiques sur des textes injustes, sur des décisions plus ou moins arbitraires; au-dessus de ces critiques d'une jurisprudence qui ne peut pas valoir mieux que la loi, n'y a-t-il donc rien à examiner, à étudier à l'égard de l'enseignement?

Est-ce que la presse dont je parle admet le régime actuel d'instruction publique? Est-ce qu'elle accepte l'Université d'Etat, la doctrine d'Etat, l'histoire officielle?

Est-ce qu'il n'y a pas à établir et à proclamer les principes? Quel est le droit en matière d'instruction et d'ensei

gnement? L'Etat a-t-il droit et compétence en cette matière? Qui a droit de diriger l'instruction des enfants? Qui a mission d'enseigner dans le monde?

Est-ce qu'il n'y a pas à étudier comment on devra organiser l'enseignement libre, vraiment libre, le jour où disparaîtront le carnaval politique et la persécution magonnique? Qu'est-ce qu'on attend pour faire cette étude si nécessaire, pour la publier, pour apprendre aux générations actuelles ce que c'est que la liberté d'enseignement, ce qu'ont été nos vieilles Universités françaises, notre enseignement national? On écrit beaucoup aujourd'hui ; où a-ton lu quelque chose à ce sujet, dans la presse périodique? Il est bien temps, cependant, d'y songer!

A cet égard, disons-le, la pressse catholique oublie une notable partie de sa mission. Elle a tout un monde d'erreurs et de préjugés à renverser. Elle a à démolir l'œuvre révolutionnaire de près d'un siècle d'enseignement d'Etat. Son silence laisse croire que l'Université est un lieu sacré dont . il faut vénérer les scandales, ou une citadelle imprenable dont il faut se résigner à subir le feu. Ce serait pourtant une grave et fatale erreur que d'attribuer la persécution uniquement aux lois maçonniques rendues depuis 1880. Ces lois sont la simple application du faux principe d'enseignement d'Etat. C'est le principe qu'il faut attaquer. Il faut entreprendre contre cette violence révolutionnaire, devenue l'une des plus grandes erreurs de nos temps, une campagne qui est d'une urgence extrême, car le public, même instruit, connaît mal ce sujet. Or, les idées sont lentes à circuler, à faire leur trouée, à pénétrer dans les esprits. Et ces idées, dont je provoque l'expansion, c'est demain peut-être que l'heure sonnera de les appliquer! Le temps nous presse, et il faut crier à tous les vents du ciel: Delenda Carthago! Nous ne pourrons jamais avoir de monarchie chrétienne sans la suppression de l'Université de 1808.

Il en est de même de beaucoup d'autres sujets. La bonne presse, qui a certainement à combattre les violences et à dévoiler les scandales de chaque jour, a une autre mission qu'elle oublie trop. Pourquoi ne pas chercher, dès à présent, à préciser les conditions pratiques du régime libérateur que la France attend? Il ne suffit pas de dire qu'on veut la monarchie chrétienne. C'est le principe. Mais il faut montrer comment on entend l'appliquer. Est-ce que cette étude n'est pas du plus haut, du plus pressant intérêt? Pourquoi ne pas étudier les institutions à fonder? Que devra être la représentation nationale? Quelles chambres la composeront? Quel sera le rôle d'un Conseil d'Etat? Comment réparera-ton les ruines judiciaires qu'a faites la République? Comment devra-t-on constituer la magistrature? Faudra-t-il une

justice et des tribunaux administratifs? Et la presse, quel régime pourra-t-on lui donner? Quelle loi devra régir les associations? Comment devra-t-on régler les rapports de l'Eglise et de l'Etat? Quelle organisation donnera-t-on à notre armée, que 15 ans de république ont désorganisée de plus en plus?

Toutes ces questions et bien d'autres s'imposent aux publicistes catholiques. Ils trouveront d'excellents matériaux dans les travaux des huit congrès de jurisconsultes catholiques tenus depuis 1876. Ces congrès ont posé les principes, établi les bases en beaucoup de matières. De ces principes, il faut maintenant tirer les conséquences, c'est-à-dire l'application pratique, les lois positives qui devront constituer les codes de la grande nation régénérée, du royaume du Christ et de Marie, rajeuni, délivré de sa trop longue léthargie et des mortelles influences des sectes.

Ce seront les codes de la liberté chrétienne, où chacun a son droit inviolable, sa place hors de toute atteinte, sans exclusion, sans expulsion, sans persécution; les codes de la grande égalité catholique, où tous les mérites, toutes les vertus, tous les services sont également récompensés, où tous les citoyens s'inclinent sincèrement devant tous les droits respectables; les codes de la seule vraie fraternité, celle de l'Evangile, où les hommes se sachant de la même famille divine, s'entendent sans arrière pensée, chacun donnant de ce qu'il a, les riches de leurs richesses, les savants de leur science, les pauvres de leurs prières, tous de leur dévouement à ceux avec qui ils accomplissent leur pèlerinage terrestre. Ces trois grands mots ont été placardés avec impudence par la Révolution sur son drapeau. En les écrivant, elle a menti, comme elle ment toujours. Ces mots, elle les a volés au Christianisme qui, le premier, les a proclamés dans le monde et qui les prêche depuis plus de dix-huit siècles: lui seul veut et peut en faire la loi suprême de toutes les sociétés, de toutes les civilisations.

En attendant la réalisation de cet avenir espéré, il faut descendre dans les réalités révolutionnaires de notre temps.

La comédie du congrès a occupé la scène de Versailles du 4 au 13 août. On aurait difficilement tracé un scenario mieux réussi pour dégoûter à tout jamais du parlementarisme; on n'a été plus complet que sous la Convention. Dans les communications et apostrophes échangées entre la majorité républicaine et la gauche non opportuniste, on a vu passer tout le vocabulaire des halles, et les poissardes

y ont recueilli des mots qui enrichiront leur répertoire. Les journaux en ont publié plusieurs collections précieuses à garder comme peinture des mœurs politiques républicaines au siècle de Jules Ferry. On a vu la tribune transformée en arène de lutteurs, et le pugilat remplacer les discours. Rien ne peut donner une idée du degré de déconsidération politique où sont descendus soit les républicains ministériels, soit ceux qui assiègent le cabinet, les portefeuilles et les places.

En même temps qu'on entendait (à Versailles !) un langage où les Français du grand siècle n'auraient sans doute rien compris, on voyait les principes essentiels de toute assemblée délibérante foulés aux pieds sans nulle façon par une majorité embrigadée, obéissant comme un bataillon de reitres à son major, ou comme un troupeau maçonnique à l'ordre de son no 33... Cette majorité sourde à toute raison et à toute justice, où d'avance tous les rôles étaient distribués, a voté comme Pandore, ou plutôt a enregistré sans débats des engagements pris, des marchés conclus en dehors de l'assemblée. On avait vu des chambres ineptes, d'autres criminelles. Jamais on n'avait vu une assemblée de ce genre.

La révision préparée par M. Ferry a été acclamée; toutes les autres propositions ont été systématiquement écartées. On a simplement ajouté au projet ministériel l'interdiction pour tout prince de devenir président de la République. On peut rire de cette prohibition, comme l'a fait M. Baragnon, parce que nul royaliste ne voit ni ne comprend un fils de saint Louis succédant à M. Grévy pour remonter sur le trône de France. Il faut être... la majorité de Versailles pour imaginer ces petites drôleries. Les policiers officieux et anonymes de la République ont, il est vrai, ajouté à cette interdiction grotesque des menaces d'expulsion prochaine. Le régime de liberté que nous subissons est très capable de cette violence nouvelle. Faudrait-il la déplorer ou bien au contraire en remercier nos maîtres? La question est très discutable, car il y a des chemins fort divers pour aller à Rome.

Dieu a été chassé de la Constitution par 521 voix contre 180. Pour comble, on a décrété la République éternelle enFrance.

L'ensemble du projet a été adopté par 509 votants contre

172.

Enfin, cette triste comédie coûte 150,000 fr. au budget. Le prince Napoléon 363 a adressé le 4 août au congrès un manifeste qui a eu pour pendant un appel à l'émeute du député Gambon, rendu célèbre par sa vache. Les deux pièces ont eu le même succès.

Un des actes les plus comiques du Congrès Ferry a été la nouvelle proclamation de l'éternité de la République. Cette apothéose a clos dignement la représentation. On n'a pas dit quand la pièce serait rejouée. Peut-être M. Ferry trouve-t-il son rôle trop fatigant.

Dans la dernière quinzaine d'août, l'attention publique a été appelée principalement sur les évènements extérieurs dont Londres, Madagascar et la Chine ont été successivement le théâtre. Je résume ce qui a eu lieu.

Les conférences de Londres n'ont abouti qu'à une rupture, et nul ne sait encore ce qui résultera de cet insuccès. M. Waddington, cet anglais à peine naturalisé français, élevé en Angleterre, qui a donné au ministère et dans la diplomatie tant de preuves d'incapacité, a encore présidé à cet échec. Quel en sera le résultat? La France n'y pourra trouver qu'une cause nouvelle d'amoindrissement à l'extérieur, en assistant impuissante à la conquête définitive de l'Egypte par les Anglais. Cette terre que la France a ouverte au commerce européen, où nos droits sont les plus anciens et les plus incontestables, la République nous en laisse piteusement chasser par l'Angleterre, et c'est un Anglais qu'elle charge de signer en son nom cette nouvelle déchéance.

A Madagascar, la France se trouve également en présence des efforts ennemis et plus ou moins cachés de l'Angleterre, qui a toujours employé les ministres anglicans à combattre notre ancienne domination sur cette île. Voilà longtemps déjà que les hostilités sont ouvertes. Le 14 août, on a voté encore 5 millions pour cette expédition, qui parait mal conduite. Je crois que la France ne peut ni ne doit abandonner les droits qu'elle a acquis depuis des siècles dans ce pays, où nous avons à défendre les intérêts de la religion, de la civilisation, de nos nationaux, de notre colonie voisine et de la mère-patrie. Il importe que l'Angleterre apprenne enfin à respecter les droits d'une nation qui a tant souffert de son alliance un peu obstinée avec elle. Espérons que notre armée, à défaut des hommes d'Etat que la République ne peut produire, suffira à maintenir le drapeau français chez les sauvages que soulèvent l'or et les prédications politiques de nos voisins d'outre-Manche. La Chine! voilà ce dont on parle à cette heure, et il y a beaucoup à dire. Mais il faut remonter à un certain temps. La République avait trop tôt chanté victoire au Tonkin. Après les brillants faits d'armes de nos soldats, il paraît établi que l'impéritie du général Millot, chef de l'expédition, a été la cause du massacre de nos troupes par les Chinois

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