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suites étaient de droit commun en Suisse. Il n'en était pas des jésuites en Suisse comme en France; en France le droit est contre eux; en Suisse le droit était pour eux. lls y étaient, ils y étaient légalement dans plusieurs cantons; le canton de Lucerne ne croyait pas faire et ne faisait pas réellement quelque chose d'inoui, quelque chose de contraire au droit, en leur confiant l'instruction théologique dans son sein. Et remarquez l'état où se trouvaient les partis, sous le rapport de l'instruction publique en Suisse, à cette epoque. D'abord... je cherche un mot qui ne blesse personne . . . d'abord le parti philosophique cherchant dans certains cantons l'instruction publique dans son sens, selon son esprit; appelant à Zurich le professeur Strauss, à Berne le professeur Zeller, organisant un enseignement qui était très-choquant pour les croyants catholiques et pour les croyants protestants. Le parti protestant ai dent, le parti qu'on a appelé celui des méthodistes, organisait aussi, à sa manière, avec ses procédés, un mode d'instruction publique, d'instruction théologique, qui lui convînt. Comment les catholiques de Lucerne eussent-ils été seuls privés, se seraient ils crus seuls privés du droit que les autres cantons exerçaient autour d'eux? Ils ne l'ont pas cru; ils ont cru user de leur droit en appelant les jésuites à Lucerne Mon opinion est que, politiquement, ils ont eu tort; et ce n'est pas ici que j'ai commencé à le dire; j'ai agi autant qu'il était en mon pouvoir, et à Lucerne et à Rome, pour empêcher que le fait eût lieu. Mais une fois le fait accompli, une fois le canton de Lucerne persistant dans sa resolution, il m'a été impossible de ne pas reconnaitre qu'il était dans son droit . ..

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D'ailleurs derrière la question des jésuites. . . il y avait une autre question plus grave encore Je ne crois pas qu'il y ait eu en Suisse un projet de substituer une république centrale, une et indivisible à l'organisation fédérale; mais il y a un autre travail qui se poursuit activement et que voici: c'est de faire en sorte que le même esprit, la même volonté, domine absolument dans tous les cantons, quelle que soit l'organisation fédérale; de faire en sorte que la domination de Berne, la domination radicale, s'exerce à Lucerne, à Zurich, à Soleure, comme à Berne même; la domination unique et exclusive de l'esprit radical voilà le but Nouv. Recueil gén. Tome XII.

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qu'on poursuit, non pas absolument sous la forme unitaire, mais sous la forme fédérative. Eh bien! les gens des petits cantons, les gens de Lucerne en avaient le sentiment; ils voyaient bien que ce n'était pas seulement aux jésuites, que c'était à leur indépendance réelle, générale, permanente que l'on voulait; ils defendaient nonseulement leur droit dans la question des jésuites, mais leur droit général, leur droit constant, le droit de leur indépendance cantonale. . . Voilà pourquoi ils y ont mis cette passion, cette obstination que je déplore. (Suit le tableau des faits graves qui ont eu lieu en Suisse dans les dissentions du Sonderbund avec les autorités fédérales et la majorité des cantons.) L'honorable M. Thiers demandait hier si nous avions peur que la Suisse fût forte. Non certainement nous n'avons aucune crainte qu'elle le soit aux conditions et d'après les bases essentielles de son organisation. Si ces bases étaient changées profondément, essentiellement, je ne sais pas si la Suisse y gagnerait beaucoup comme force, mais je sais bien, que nous y perdrions beaucoup comme securité.

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Quelle est donc cette politique? Quand nous parlons de nous, de notre pays nous appelons cela la politique du juste-milieu, la politique modérée. Eh bien, c'est cette même politique que nous avons portée au dehors, et qui a concouru dans la mesure qui lui appartenait à préparer la solution des questions italiennes comme elle a resolu les grandes questions intérieures de la France. Je dis qu'elle les a résolues, et la preuve en est évidente de nos jours. Vous le voyez tous, vous le dites tous, il y a depuis quelque mois une grande fermentation dans notre pays, une grande passion se manifeste dans nos débats. Je vous le demande à vous même: est ce que l'ordre en est troublé? Est ce que la liberté en est supprimée? Est ce que la paix en est menacée? Non, non, les alarmes qu'on a apportées à cette tribune sont des alarmes excessives, des alarmes qui seront déjouées par nos institutions, par la politique du justemilieu, comme elles l'ont été déjà plusieurs fois.

IX.

Extrait de la réponse de M. Guizot aux observations et reclamations de M. de Lasteyrie par rapport aux affaires du Portugal, dans la discussion de l'adresse, séance de la chambre des Deputés du 5 fevrier.

Nous sommes peu disposés à nous mêler des affaires intérieures du Portugal; nous n'avons point là d'intérêt direct et pressant qui nous y appelle. Il a fallu, pour nous décider à l'intervention qui a eu lieu dans les affaires du Portugal, que la Reine de Portugal elle-même nous le demandât au nom d'un traité positif, en reclamant un droit; que le gouvernement anglais et le gouvernement espagnol nous le demandassent également; que le trône de la reine de Portugal fût en effet en danger, et enfin que nous eussions un intérêt, un intérêt français, à seconder la politique de l'Espagne, notre alliée, à Lisbonne, et à empêcher qu'elle ne fut compromise dans les événements qui pouvaient arriver à Lisbonne. Il a fallu tous les motifs dont la coincidence est rare et difficile pour nous décider à l'intervention. Une fois l'intervention accomplie nous nous sommes hatés d'en sortir, de mettre fin à cette situation exceptionelle et difficile le plutôt que nous avons pu. Le protocole qui avait reglé l'intervention imposait à la couronne de Portugal quatre conditions à remplir. Quand nous avons cru que ces conditions avaient été remplies, nous avons demandé à nos alliés, à nos co-intervenants, ce qu'ils en pensent, s'ils trouvaient comme nous que les conditions étaient remplies. J'aurai l'honneur de mettre sous les yeux de la Chambre une depêche de l'ambassadeur du Roi à Londres, me rendant compte de la conversation qu'il avait eue avec lord Palmerston à ce sujet. La depêche est du 29 Aout 1847. J'avais chargé M. de Broglie de savoir quelle était la pensée de lord Palmerston sur l'état des affaires en Portugal, afin de mettre un terme le plutôt possible à cette situation d'intervention, d'action commune et obligée, des quatre puissances en Portugal, dont nous étions pressés de sortir. les termes de cette depêche:

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Voici

Extrait d'une depeche de M. le duc de Broglie à M. Guizot en date du 29 Aout 1847.

J'ai cru devoir, conformément au désir exprimé dans votre expédition du 19 demander à lord Palmerston quelles étaient ses idées sur la situation actuelle des affaires du Portugal.

,,Regardez-vous, lui ai-je dit, l'intervention comme arrivée à son terme et le but du protocole du 21 mai comme atteint ?"

Le protocole, m' a-t-il repondu, posait quatre conditions:

10 Le renvoi du ministère. Il a donné la demission. 20 La revocation des decrets inconstitutionnels.

sont revoqués.

30 L'amnistie. Elle est accordée.

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40 Les élections et la convocation des cortés. L'époque en est fixée.

Tout est donc accompli.

„Ainsi, ai-je repris, nous rentrons dans l'état normal. Plus d'action commune, chacun agissant en son propre nom."

D'accord; à moins, toutefois, que la reine ne revienne sur ce qu'elle a nonseulement promis, mais exécuté, autant que cela est possible.

,,Alors comme alors; mais, quant à présent, toute action commune cesse. Cela, du reste, vous importe plus qu'à nous; car vous avez en Portugal des intérêts et des habitudes que nous n'avons pas."

Voilà quels étaient à la fin du mois d'Aout les résultats de la demarche que j'avais fait faire auprès du cabinet anglais; il était constaté en fait et reconnu entre les deux cabinets que les quatre conditions du protocole étaient accomplies. ... D'après ce fait, je donnai au représentant du Roi à Lisbonne les instructions que voici: Extrait d'une depêche de M. Guizot à M. le baron de Varenne (5 Septembre 1847).

,,Maintenant que les questions les plus délicates sont resolues et qu'un nouveau cabinet est formé, il vous sera naturel et facile d'agir en toute occasion selon ses Les diverses conditions du protocole du 21 mai sont accomplies; vous n'avez plus à vous mêler ostensiblement des affaires du Portugal. C'est à la reine,

vues.

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ses ministres, aux chambres portugaises, aux électeurs, à les regler selon leur pensée et leurs droits.

,,Nous n'avez également plus de concert officiel à établir avec les ministres d'Angleterre et d'Espagne. Les trois puissances rentrent dans leur situation distincte et isolée. I importe sans doute que la bonne intelligence subsiste entre elles et que leur influence, par l'organe de leurs représentants à Lisbonne, s'exerce dans le même Vos excellents rapports avec Sir H. Seymour et M. d'Ayllon me garantissent que c'est là, en effet, ce qui arrivera. Mais il importe également que le terme de l'intervention et de l'action commune soit clairement marqué, puisque les faits qui y ont donné lieu sont maintenant du passé."

sens.

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Maintenant que dit l'honorable préopinant? Toute son argumentation repose sur un seul fait, que les elections en Portugal n'ont pas été loyales et pures. Je ne voudrais pas ici instituer un débat sur les élections du Portugal.... Une fois les cortès convoquées, une fois accomplies les grandes conditions politiques écrites dans le protocole, venir nous demander de suivre l'administration intérieure du pays, pousser l'action commune jusqu'à l'examen de la manière dont les élections ont été faites... cela dépasse évidemment les limites de l'intervention telle que nous l'avions conçue quand elle a commencé. . . . J'ai accepté l'intervention en Portugal quand elle m'a paru nécessaire et légitime; je l'ai limitée autant et aussitôt qu'il m'a été possible de le faire; c'est le devoir de tout gouvernement dans une situation ainsi exceptionelle, d'en sortir le plutôt possible, de rentrer le plutôt possible dans le droit commun. C'est ce que nous avons fait, non pas isolément mais de concert avec les autres cabinets qui étaient entrés comme nous dans l'intervention. Nous avons agi selon le droit et nous persistons dans cette ligne de conduite... (Mon. Un. du 6 Fevrier).

...

Extrait de la Réponse de M. Guizot à M. Drouyn de l'Huys sur le même sujet.

Il est très vrai qu'au mois d'Aout il était résulté d'une conversation entre lord Palmerston et l'ambassadeur du Roi que l'action commune cessait, que la situation de l'intervention était considérée comme à son terme, que

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