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1795. Cet article portait que deux tiers des membres de la convention feraient nécessairement partie du nouveau corps législatif. Les créateurs de cette loi la présentaient comme une sauvegarde pour la constitution : « Chacun, disaient-ils, n'est-il pas naturellement porté à aimer et à protéger son ouvrage ? Quels meilleurs défenseurs pourrions-nous donc donner à la nouvelle constitution, que ceux qui l'ont faite ? Nous ne cherchons pas, pour cela, à perpétuer notre pouvoir. Suivant le renouvellement réglé du corps législatif, qui ya s'organiser bientôt, dans un an un tiers de ceux que nous y laissons en sórtira nécessairement pour faire place à de nouveaux élus; et, l'année suivante, l'autre tiers pourra

être entièrement éliminé. »

que

Considérée sous cet aspect politique, cette disposition paraissait assez sage; mais ce n'était pas ainsi la faisaient envisager, avec assez de facilité et de raison au moins apparente, ses détracteurs. « Hélas! s'écriaient-ils, que n'avons-nous pas à craindre de cette majorité qui se glisse sous ce prétexte dans le nouveau corps législatif ! La convention, à la juger aussi indulgemment qu'il est possible de le faire, a été composée d'hommes faibles d'êtres féroces et de

lâches. Les hommes faibles ont été immolés 1795. ou proscrits an 31 mai et au 2 juin 1793. Peut-on compter sur ceux d'entr'eux qui sont rentrés au 27 juillet 1794? Défendront-ils bien une seconde fois les principes libéraux qu'ils n'ont pas su faire triompher une première ? Ce ne sont pas les lâches qui, après plus d'un an de la tyrannie la plus odieuse et la plus cruelle, ont renversé les êtres féroces : ceux-ci se sont eux-mêmes ôté suite d'une division survenue , par entr'eux, le pouvoir de continuer à nous égorger et à nous dépouiller. Que pouvonsnous donc espérer, dans une nouvelle position, de ces lâches et que ne devonsnous pas craindre de ces êtres féroces? Ils ne seront là que les ministres et les défenseurs nés de la constitution qu'ils ont euxmêmes créée; mais au moindre revers de nos armées, à la moindre révolte dans l'insous le plus léger prétexte enfin qu'ils voudront inventer, ne pourront-ils pas la suspendre pour lui substituer pendant un temps indéterminé, le régime des lois révolutionnaires ? N'ont-ils pas agi ainsi à l'égard de la constitution qu'ils avaient aussi faite dans les premiers inomens de la convention? et pourquoi attendre d'eux

térieur

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1795. à l'avenir ce qu'on n'en a pas obtenu par

le passé ? »

Ces réflexions, présentées par des pétitionnaires à la barre de la convention, sous des couleurs moins sévères, furent repoussées avec mépris, et même avec menaces. Les conventionnels, quand il s'agissait de réclamations faites par la classe honnête, n'avaient pas encore perdu ce ton brutal et tyrannique qu'eux et leurs agens affectaient avant le 27 juillet 1794. Il en était, d'ailleurs, parmi eux qui n'eussent pas éte fâchés que quelque entreprise séditieuse, provoquée par eux-mêmes, eût retardé la mise en activité de la nouvelle constitution: par elle, ils allaient, en peu de temps, grâce à leur mauvaise réputation, rentrer à jamais dans la classe des simples citoyens, où ils craignaient qu'on exerçât sur eux des vengeances trop méritées. On se piqua donc, on se défia de part et d'autre ; et quand on annonça au peuple de la capitale que l'article qui était l'objet de sa mauvaise humeur, avait été agréé par la majorité des Français, en même temps que la constitution, la querelle, à force d'entêtement, d'impolitique et de perfidic, avait été poussée au point point, qu'il était presque impossible qu'elle ne devint

la cause d'une guerre 1795.

pas, dans Paris
civile au moins momentanée. Les ennemis
de la convention y joignirent, d'ailleurs,
l'accusation d'avoir tronqué les suffrages,
accusation qui trouva d'autant plus crédit
dans ce moment d'exaspération,que l'homme
qui recueille les voix dans sa propre cause,
sera toujours, plus facilement qu'aucun
autre, soupçonné de les compter à son
avantage.

Des mouvemens eurent lieu de la part des Parisiens : la convention, loin de chercher à les neutraliser en calmant les craintes que l'on paraissait avoir conçues, augmenta encore ces craintes par l'action qu'elle fit d'appeler à son secours des hommes accusés de jacobinisme, qu'elle organisa militairement sous le nom de bataillon des patriotes de 1789. Les Parisiens se crurent alors menacés dans leurs personnes et leurs propriétés, et ne pensèrent plus qu'à attaquer pour éviter d'être eux-mêmes surpris, comme il était toujours arrivé jusque là aux honnêtes gens luttant contre les travailleurs révolutionnaires.

La section Lepelletier, depuis longtemps connue par son opposition aux actes de la révolution, s'était emparée de la direction de l'insurrection. Le 5 octobre ( 12 vendé

1795. miaire), le général Menou marcha, par ordre de la convention, pour désarmer cette section. Il s'en approcha à dix heures du soir, ayant avec lui un commissaire du gouvernement. Une colonne assez forte de troupes de ligne, soutenue de plusieurs pièces d'artillerie, marchait sous son commandement. La section, à cette heure, n'était plus gardée que par sept ou huit cents hommes, sans canons et sans cavalerie. Ces huit cents hommes paraissaient cependant décidés à garder leur poste, déclarant qu'ils s'y défendraient jusqu'à la dernière extrémité. Le général Menou hésita sur ce qu'il devait faire. Il lui sembla dur de verser aussi légè rement le sang français. Le premier coup de fusil tiré allait d'ailleurs mettre tout Paris sous les armes, et des fenêtres seulement on pouvait écraser ses soldats. Ceux-ci, de leur côté, se montraient émus. Un jeune garde national acheva de les ébranler par un discours éloquent, dans lequel il prétendit que les dispositions hostiles n'avaient, en grande partie, pour objet, que d'obliger la convention de licencier le bataillon inquiétant des patriotes de 89. Il fut enfin convenu entre les chefs qu'on se retirerait de part et d'autre. La convention, mécontente de ce' arran

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