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avec les peuples les plus civilisés de l'Europe; mais en examinant les faits, on reconnaît qu'ils sont incapables d'appli quer les lois qu'ils ont formulées. C'est qu'il leur était bien facile d'écrire une constitution, en faisant des emprunts à toutes les constitutions qui depuis cinquante ans ont été rédigées en Europe; mais lorsque venait le moment de mettre à exécution la formule qu'ils avaient copiée, ils ne retrouvaient plus en eux-mêmes ni l'énergie ni les lumières nécessai

res.

L'article 36 de la constitution porte « Il sera créé et organisé une institution publique commune à tous les citoyens, gratuite à l'égard des parties d'enseignement indispensables à tous les hommes, dont les établissements seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division de la république. Assurément, il y a peu de chose à reprendre au texte de la loi. Voyons maintenant l'application. Nous ne voulons pas demander des arguments aux détracteurs de la race noire; c'est au plus fervent des abolitionnistes, c'est à M. Schoelcher, que nous empruntons le passage suivant : « Il n'y a (en 1841) que dix écoles gratuites sur la surface entière de l'île, et comme chacune de ces écoles n'a qu'un seul maître, elles ne peuvent certainement contenir l'une dans l'autre, au delà de cent disciples. Voilà donc tout au plus mille enfants auxquels on apprend à lire et à écrire sur une population de sept cent mille âmes qui, précisément parce qu'elle sortait d'esclavage, avait plus besoin qu'aucune autre d'être éclairée avec soin (1). » Le même auteur ajoute plus loin « Il est malheureusement trop certain que les Haïtiens, sous le rapport de l'éducation, sont à peu près restés où ils en étaient lorsqu'ils sortirent d'esclavage, il y a quarante ans. (2) »

La guerre de l'indépendance n'avait fait que des ruines; le gouvernement de la république ne sut rien réparer. Les routes magnifiques que les Français avaient tracées d'une ville à l'autre devinrent impraticables, faute de quelques réparations. Les maisons seigneuriales

(1) Page 198. (2) P. 205.

qui embellissaient les villes n'offraient plus que d'imposantes ruines, et l'apathie des habitants les laissait envahir par de vigoureuses végétations qui poussaient leurs rameaux à travers les fenêtres démontées, et retombaient en s'épanouissant sur les balcons en fer que le luxe des anciens habitants avait surchargés de beaux ornements. « En pénétrant à l'intérieur, on aperçoit, adossée contre la vieille muraille, une cabane contenant une misérable famille qui plante des bananes là où furent les vestibules des fiers colons » (1). C'est ainsi que les affranchis avaient pris la place de leurs maîtres. Mais le gouvernement ne les contraignait pas de travailler. Ils se sentaient heureux.

Aussi Pétion était-il plus en sûreté dans son gouvernement anarchique que Christophe, qui imposait d'autorité le travail à ses administrés. Celui-ci eut plus d'une insurrection à comprimer, tandis que le chef mulâtre n'eut que quelques ambitieux isolés à punir, ou quelques voix courageuses à faire taire. Le président avait encore cet avantage sur le roi, que, malgré les animosités de race, les nègres qui se trouvaient dans le sud-ouest s'accommodaient volontiers du régime de fainéantise qu'on leur offrait, et ne devenaient jamais à craindre; tandis que les mulâtres qui vivaient dans le nord, étaient toujours pour Christophe des adversaires plus ou moins prononcés, non seulement à cause de la différence de couleur, mais aussi parce qu'ils souffraient impatiemment le régime laborieux qu'on leur imposait.

Il ne faut pas oublier d'ailleurs que la population des mulâtres était de beaucoup inférieure à celle des noirs. D'après les calculs les plus probables, le nombre des mulâtres était d'environ cent mille, celui des noirs de six cent mille. Or, Pétion redoutait par-dessus tout une querelle de race, dans laquelle il craignait de succomber. Aussi, avait-il soin de faire aux noirs des concessions que lui reprochaient souvent les hommes jaunes : il se présentait aux premiers comine un protecteur désintéressé, bien mieux fait que Christophe pour assurer leur bonheur. Lorsqu'il avait à juger

(1) Schoelcher.

une querelle entre un nègre et un mulâtre, il donnait toujours raison au noir, presque sans examen, disant ensuite à l'homme de sa caste : « Vous savez bien qu'il faut ménager ces gens là » (1). C'était, en effet, sa constante préoccupation, et il lui semblait toujours voir le colosse noir prêt à l'écraser. Pour endormir le colosse, il flattait ses mauvaises passions, et le livrait à l'inertie et à la paresse. Le roi du nord cherchait par la violence à rétablir l'ordre, à réprimer le vol, à relever la culture, le président de la république entretenait le désordre par une coupable tolérance, et favorisait le vice en lui donnant le nom de liberté.

Et en effet, il faut l'avouer, c'était le seul moyen pour les mulâtres de se maintenir au pouvoir. La logique de la révolution voulait que le gouvernement appartint aux représentants de la majorité. Or la minorité n'étant pas assez forte pour civiliser durement la classe noire, il a fallu la corrompre pour s'en faire obéir.

Christophe comprenait si bien l'état des choses, qu'il avait toujours le projet d'en finir par une guerre ouverte qui devint une guerre de race; mais il y rencontrait des obstacles qui sont parfaitement signalés dans le passage suivant, écrit en 1815 par le général Prévost, un des ministres du chef noir.

« Pour combattre le roi, qui voulait « faire avec raison de cette guerre une « guerre de couleur, et pour ruiner en « même temps sa puissance, qui déve« loppait une grande sévérité d'organi«sation, Pétion laissait faire aux noirs <«< tout ce qu'il leur plaisait; et plus «<l'autre sévissait pour obtenir l'ordre, « plus Pétion se relâchait. Il put ainsi « tenir contre un ennemi plus actif, « plus entreprenant, mais ce fut au prix « de la moralité de son peuple, qu'il <«< corrompit, en ne lui imposant aucun «frein, et ne lui donnant aucune bonne habitude, à l'époque même où, jeune « encore, il était plus opportun et plus « facile de les inculquer. »

"

Ce peu de lignes résument parfaitement et la politique de Pétion et la situation des deux races, toujours hostiles

(1) Schoelcher

l'une à l'autre, mais maintenues dans une paix apparente au moyen d'une corruption officielle.

Telle était la situation des choses dans l'île d'Haïti, lorsqu'on y apprit les grands événements qui, en 1814, rappelaient les Bourbons sur le trône de France. Les Haïtiens n'avaient rien sans doute à regretter dans Napoléon, qui, dès le commencement de son pouvoir, avait tenté de les asservir, et qui n'avait renoncé à ses projets que parce que d'autres soins plus importants occupaient l'activité de son génie. Mais il y avait dans la paix européenne quelque chose de menaçant pour les affranchis. Par l'article 8 du traité de 1814, les puissances européennes reconnaissaient la souveraineté de la France sur SaintDomingue, et laissaient à l'ancienne métropole le droit de reconquérir sa colonie perdue.

A cette nouvelle, les ressentiments de race se calmèrent, et chacun de son côté fit des préparatifs de défense. Christophe annonça hautement l'intention de faire une résistance désespérée. Le gouvernement et les habitants du sud manifestaient unanimement les mêmes dispositions. En vertu de l'article 5 de la constitution de 1805, il fut décidé qu'à la première apparence d'invasion, on mettrait le feu à toutes les villes, etqu'on détruirait tout ce qui ne pourrait être emporté dans les montagnes. Ce moyen avait déjà trop bien réussi à Christophe dans la première guerre, pour qu'il ne tentât pas de l'employer dans les circonstances actuelles, et l'incendie de Moscou, qui venait de sauver la Russie, était un nouvel exemple que les Haïtiens se proposaient bien d'imiter.

Cependant le nouveau gouvernement de France ne songea pas tout d'abord à recourir aux armes pour rentrer dans la possession de Saint-Domingue. Avant que de rien entreprendre, il voulut être mieux informé. En conséquence, vers le mois de juin 1814, Malouet, ministre de la marine, envoya aux Indes occidentales trois commissaires chargés de transmettre au gouvernement français des instructions relatives à l'état de Saint-Domingue et aux dispositions de ses chefs.

Leur mission n'était pas officielle, et ils recurent ordre de se rendre soit à Puerto-Rico, soit à la Jamaïque, pour y prendre les renseignements nécessaires. Ces commissaires étaient DauxionLavaysse, ancien membre du comité de salut public sous Robespierre; Franco de Medina, qui avait servi à SaintDomingue dans l'armée de ToussaintLouverture et avait livré à Leclerc un poste avantageux; le troisième se nommait Draverman. Ils arrivèrent à la Jamaïque au mois d'août.

Le 6 septembre, Lavaysse écrivit une lettre au président Pétion, en prenant le titre de député de Louis XVIII. Après vingt jours de silence, Pétion l'invita à se rendre au Port-au-Prince, où il fut reçu avec beaucoup d'égards.

Prie de formuler par écrit les propositions du gouvernement français, Lavaysse demanda :

1° Que le président reconnût et proclamât la souveraineté du roi de France;

2° Que le président et les autres habitants érigeassent un gouvernement provisoire sous l'autorité de Louis XVIII, en arborant le drapeau blanc.

Il promettait en retour que les Haitiens seraient traités comme les autres sujets du roi, sans distinction de couleur.

Pétion, ayant pris connaissance des propositions, les soumit à une assemblée générale des autorités d'Haïti convoquées à ce dessein au Port-au-Prince, le 2 novembre. Les propositions furent rejetées à l'unanimité.

En communiquant à Lavaysse le résultat de la délibération, Pétion annonçait par un acte supplémentaire que, désirant rétablir des relations commerciales avec la France, la république haïtienne consentait à fixer une base d'indemnites pécuniaires à allouer aux anciens colons, moyennant laquelle ceux-ci devraient consentir à une renonciation entière et complète de leurs droits et de leurs prétentions.

Lavaysse avait également écrit à Christophe pour lui faire les mêmes propositions. Le roi noir répondit par une proclamation publique, annonçant qu'il ne traiterait pas avec la France avant qu'elle n'eût reconnu l'indépendance d'Haiti.

Franco de Médina étant sur ces entrefaits débarqué dans le nord, Christophe le fit saisir; on le jeta en prison, où il mourut.

Lavaysse, qui avait déjà dépassé ses pouvoirs en entrant en communication directe avec les autorités du pays, se rembarqua, et le gouvernement français, qui se jugeait avec quelque raison compromis par ces maladroites négociations, désavoua publiquement tous les actes des commissaires (1). En effet, ils avaient été envoyés pour prendre des renseignements, et ils avaient usurpé le rôle de négociateurs.

Cependant les anciens colons de SaintDomingue, gens remuants et violents déclamateurs, ne pouvaient admettre. que l'affranchissement de leurs esclaves eût été légitimé par la victoire. Its réclamaient hautement leurs propriétés, et sommaient le gouvernement de rentrer dans tous ses droits. C'était une conséquence logique de la restauration. Ils n'étaient pas à cette époque sans influence dans le cabinet des Tuileries, et l'on assure qu'une expédition militaire fut résolue. Un armement considérable devait mettre à la voile au printemps de l'année 1815 (2).

Mais avant que la flotte fût rassemblée, Louis XVIII avait reperdu son trône. Napoleon, de retour de l'ile d'Elbe, trouva le temps de songer à Saint-Domingue, et lui tit des propositions pour la réunion à la métropole sans lois exceptionnelles (3). Sa chute fut trop prompte pour qu'il y fut donné suite.

Après le second retour des Bourbons, les réclamations des colons recommencèrent. On crut devoir y faire droit, et en 1816, deux anciens colons, MM. Fontanges et Esmangard, furent officiellement envoyés pour négocier le retour de Saint-Domingne sous l'autorité de la métropole. Le choix d'anciens colons comme négociateurs était une maladresse: ils ne pouvaient avoir renoncé à leurs préjugés, et les Haïtiens ne pouvaient les recevoir sans des sentiments de méfiance et de haine.

Arrivés devant le Cap, les commis

(1) Moniteur du 19 janvier 1815. (2) M. Placide Justin, p. 177. (3) Idem.

saires expédièrent une lettre par un petit brick américain qu'ils rencontrèrent. Cette lettre fut refusée parce qu'elle était adressée au général Christophe; mais le roi noir publia un manifeste où il instruisait les Haïtiens des procédés cavaliers des commissaires, qui, en méconnaissant son titre, méconnaissaient leurs droits.

Son manifeste se terminait par les déclarations suivantes :

« Le pavillon français ne sera admis dans aucun des ports du royaume, ni aucun individu de cette nation, jusqu'à ce que l'indépendance d'Haïti soit définitivement reconnue par le gouvernement français.

« Les ouvertures ou communications qui pourraient être faites par le gouvernement français, au gouvernement haïtien, soit par écrit ou de vive voix, ne seront reçues qu'autant qu'elles seront faites dans les formes et suivant l'usage établi dans le royaume pour les communications diplomatiques.

«Sa Majesté ne consentira jamais à aucun traité quelconque qui ne comprendrait pas la liberté et l'indépendance de la généralité des Haïtiens qui habitent les trois provinces du royaume, connues sous la dénomination du Nord, de l'Ouest et du Sud; le territoire et la cause du peuple haïtien étant une et indivisible.

« Enfin, Sa Majesté ne traitera avec le gouvernement français que sur le pied de puissance à puissance, de souverain à souverain, et aucune négociation ne sera entamée avec la France, qui n'aurait pour base préalable l'indépendance d'Haïti, tant en matière de gouvernement que de commerce. »>

Pétion, quoiqu'il affectât des formes moins hautaines que Christophe, ne voulut pas plus que lui traiter avant qu'on reconnut. l'indépendance d'Haïti. Les commissaires, n'étant pas autorisés à faire cette concession, revinrent en France sans avoir rien conclu.

Quelques années se passèrent ensuite sans que le gouvernement français semblât s'occuper de Saint-Domingue. Durant cet intervalle, de graves événements s'étaient accomplis dans l'intérieur de l'île.

Pétion avait été, en 1815, réélu pré

sident pour quatre ans. Mais, ne voulant plus remettre son pouvoir en question, il proposa et fit accepter, en 1816, une constitution nouvelle en vertu de laquelle le président était nommé à vie, avec faculté de désigner son successeur. En outre, son autorité était beaucoup plus étendue, ou, pour mieux dire, elle devint illimitée. Les mulâtres voulaient opposer à Christophe une puissance aussi absolue que la sienne.

Pétion en usa comme il avait déjà fait de la présidence temporaire, et les ruines s'amoncelaient dans la république. On ne renversait rien; mais on laissait tout tomber, édifices et institutions.

Pétion se montra sans énergie, jusque dans ses derniers moments, et sa mort même fut un témoignage de faiblesse. Trahi par une femme qu'il aimait, il se laissa mourir de faim, après avoir désigné pour son successeur le général Boyer (29 mars 1818).

Pendant ce temps, Christophe appesantissait sur le nord sa domination rigoureuse. Les cultivateurs étaient condamnés au travail, et les soldats contraints de s'équiper eux-mêmes, sous peine de mort pour celui qui ne se présentait pas en bonne tenue. Le roi noir avait coutume de dire : « Les chevaux de ma cavalerie changent de poil, mais ne meurent jamais (1). »

Le gouvernement, qui ne reposait que sur la force, était essentiellement militaire; toutes les fonctions répondaient à des grades de l'armée. Le premier médecin était maréchal de camp; les médecins ordinaires colonels. Aussi la puissance de Christophe, quelque illimitée qu'elle parût, dépendait de la fidélité toujours équivoque d'une armée. Elle était d'ailleurs toujours menacée par les indulgences calculées de son rival, et il craignait sans cesse de se mettre en mouvement, de peur que des désertions ne vinssent trahir les vices d'un système tyrannique. Déjà en 1811, lorsqu'il bloquait le Port-au-Prince, il avait été contraint de lever le siege, parce que deux de ses principaux officiers étaient passés, avec leurs soldats, à Pétion. Les deux traîtres étaient mulâ

(1) Schoelcher.

tres. Christophe, dans sa fureur, fit massacrer tous les mulâtres, hommes, femmes et enfants, qui se trouvaient dans la ville de Saint-Marc, où il s'arrêta avant de rentrer au Cap.

Cette sanglante exécution satisfaisait sa vengeance, mais elle fournissait de nouvelles accusations à ses rivaux, et donnait de nouvelles forces au chef de la république, dont on comparait la douceur aux barbaries du roi noir.

Au surplus, ce n'étaient pas seulement ses ennemis avoués qui accusaient les violences de son joug de fer; ceux qui étaient autour de lui se plaignaient entre eux de ses emportements frénétiques, et comme il n'épargnait personne, ni noirs, ni mulâtres, il accumulait dans son palais même une foule de mécontentements, qui n'attendaient que l'occasion d'éclater. A l'imitation "de Napoléon, il avait créé une noblesse pour en faire l'appui de son trône; ce fut cette noblesse même qui prépara sa chute. Le général Richard, duc de Marmelade et commandant militaire du Cap, organisa une conspiration, dans laquelle entrèrent les principaux officiers de l'armée. Les conjurés prenaient leurs mesures en secret, lorsqu'au mois d'août 1820, Christophe fut frappé d'une attaque d'apoplexie dans l'église de Limonade. On le transporta au palais de Sans-Souci, situé à quatre lieues du Cap. Sa maladie s'étant prolongée, les conspirateurs purent à leur aise ourdir toutes leurs trames; mais, craignant encore le réveil de leur redoutable maître, ils commirent la faute d'appeler à eux les mulâtres, et réclamèrent l'appui du président de la république. Boyer se mit en marche avec vingt mille hommes.

Le 4 octobre, la conspiration éclate. Le régiment en garnison à Saint-Marc se soulève. Christophe, ignorant tout ce qui se passait, ordonne à Richard d'aller châtier les rebelles. Richard prend les armes, mais c'est pour se joindre à eux avec d'autres troupes; et le 8 octobre il prononce la déchéance du roi, et s'avance pour attaquer Sans-Souci. Christophe veut dompter sa maladie à force de volonté; il se lève, prend les armes et monte à cheval. Mais toute l'énergie de son esprit ne peut ressusciter un corps affaibli: il s'affaissa sur

Gʻ Livraison. (Antilles.)

lui-même, et il fallut le reporter dans l'intérieur du palais.

Impuissant lui-même, il compte encore sur la fidélité de ceux qui l'entourent; il envoie contre Richard sa maison militaire. Cette troupe se joint aux révoltés sans tirer un coup de fusil. Christophe apprend cette nouvelle sans manifester aucune émotion, et il demeure seul enfermé dans sa chambre. Quelques instants après, on entend un coup de feu. On accourt: il s'était frappé au cœur. Il avait alors soixantedeux ans.

Le général Richard se hâta d'écrire au président Boyer que tout était fini. Mais ce dernier n'avait pas rassemblé une armée pour faire les affaires du conspirateur nègre. Arrivé à Saint-Mare le 16, il n'en fut que plus empressé d'avancer, et fit son entrés au Cap le 20 octobre. Richard comprit qu'il n'avait fait que changer de maître. Il eût vainement essayé de résister, la majorité des habitants était tentée par le régime tolérant de la république; la réunion du nord et du sud-ouest était hautement demandée, et les réclamations étaient appuyées par une armée de vingt mille mulâtres. Richard fut contraint d'adhérer au vou du plus grand nombre: les principaux officiers de Christophe y souscrivirent, et la réunion fut proclamée le 21 octobre 1820. Le général nègre Richard, en tuant son chef dans des vues d'ambition personnelle, n'a fait qu'avancer l'asservissement de sa race. Les mulâtres dominent sans opposition sur toute l'ancienne colonie française.

CHAPITRE V.

Depuis le triomphe de la race mulâtre jusqu'à la reconnaissance de l'indépendance d'Haïti par le gouvernement français.

La maladroite conspiration des chefs noirs contre Christophe avait décidé sans coup férir une question que le roi d'Haïti avait plus d'une fois pensé à vider sur le champ de bataille. Il n'y avait plus à se demander quelle race obtiendrait la suprématie, les mulâtres la possédaient; et ils étaient bien résolus de la garder. Les hommes les

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