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Schwiler, que pas un des prisonniers indigènes ou anglais amené dans l'intérieur de nos places n'eut à souffrir d'un mauvais traitement. Les Anglais étaient peut-être plus calmes pendant le combat, mais ils étaient beaucoup moins généreux ensuite.

Un danger plus sérieux encore que celui que lui avait fait courir la défection des Hurons et des Iroquois menaça le Canada en 1709. « Le dixième de mai, dit Charlevoix, le sieur Vesche, qui en 1705 avait sondé tous les passages difficiles du fleuve Saint-Laurent, sous

de venir à Québec traiter de Péchange des prisonniers, arriva d'Angleterre à Boston, d'où il se rendit en poste à Manhatte, pour y presser la levée des troupes qui devaient agir du côté de Montréal. On en fut bientôt instruit dans cette ville, et on y apprit même que Vesche avait présenté à la reine de la Grande-Bretagne (la reine Anne) un mémoire fort ample, où il faisait voir la facilité de conquérir le Canada, et l'utilité que l'Angleterre pouvait retirer de cette conquête. On ajoutait que sa majesté britannique avait agréé son projet..., qu'elle faisait arriver dans ses ports dix gros navires, et dix autres plus petits...» Cette expédition préparée, en effet, à grand bruit, et à l'occasion de laquelle on mit, de part et d'autre, sur pied des forces bien supérieures à celles qui jusqu'alors s'étaient disputé la possession des rives du Saint-Laurent, échoua du côté des Anglais par la même cause qui eût perdu les Français s'ils avaient été attaqués. Le corps de mille cinq cents hommes destiné à couvrir Montréal, et composé en presque totalité d'Indiens, s'arrêta, après avoir fait quarante lieues en trois jours et battu un faible détachement ennemi. On ne put le déterminer à aller plus avant, jusqu'à la Nouvelle-York, d'où il avait appris que s'avançait une armée de cinq mille hommes. Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis la première nouvelle des préparatifs de l'Angleterre jusqu'à ce dernier évenement. On était déjà à la mi-septembre quand M. de Vaudreuil apprit d'une manière certaine que deux mille cinq cents hommes se dirigeaient vers l'extrémité du lac du Saint-Sacrement, dans l'intention d'y

bâtir un nouveau fort, et avaient envoyé un détachement de six cents hommes pour s'emparer d'un port sur le lac Champlain, distant de deux journées seulement du fort Chambly, situé à environ deux autres journées de Montréal. Le gouverneur général se hâta de rassembler toutes ses troupes dans cette île, d'où il se porta à Chambly. C'était maintenant au tour de l'armée anglaise de reculer, de se débander, et c'est ce qui arriva aussi inopinément que cela avait eu lieu pour l'armée française. M. de Vaudreuil apprit, un matin, que l'ennemi avait brûlé ses canots, réduit en cendres tous les forts, et s'était retiré en maudissant Vesche, l'auteur d'une expédition qui, avant que le moindre combat eût été livré, avait déjà coûté la plus nombreuse armée que l'Angleterre eût encore assemblée au Canada. Longtemps ignoré, le motif de ce fait étrange fut à la fin connu par un missionnaire français, qui, retenu prisonnier par le gouverneur d'Orange dès le commencement des hostilités, fut ensuite échangé contre un neveu de cet officier. Quatre cantons iroquois s'étaient, dans cette circonstance, déclarés pour les Anglais. Mais ces sauvages n'avaient pas tardé à faire le raisonnement que leur avait suggéré depuis longtemps le sentiment de leur position entre deux peuples rivaux, chacun desquels étant plus puissant qu'eux les écraserait s'il cessait d'être en guerre avec l'autre. Les Agniers avaient rappelé cette vérité aux Abénaquis, et, dans un grand conseil qui avait été tenu entre eux à Onnontagué, il avait été décidé qu'on mettrait tout en œuvre pour qu'Anglais et Français n'eussent pas encore cette fois l'occasion de vider leurs querelles. En conséquence, des que les Iroquois Agniers eurent joint l'armée anglaise, ils penserent au moyen de la détruire, et le Canada dut ainsi son salut à un calcul politique auquel on ne saurait reprocher que la façon atroce dont il y fut satisfait. « L'armée était campée sur le bord d'une petite rivière. Les Iroquois, qui passaient presque tout le temps à la chasse, s'avisèrent de jeter dans cette rivière, en amont du camp, les peaux des bêtes qu'ils écorchaient; et bientôt l'eau en fut infectée. Les Anglais, qui ne se défiaient de rien, conti

nuèrent à boire de cette eau corrompue. Un si grand nombre en mourut, que plus tard le P. de Mareuil et deux officiers qui l'étaient allé prendre à Orange pour le conduire en Canada, ayant découvert les fosses où les morts avaient été enterrés, jugèrent que le nombre en avait dû monter à plus de mille. « Ce qui est certain, ajoute le P. Charlevoix, qui ne semble pas garantir l'exactitude complète de ce fait, c'est que la mortalité, dont les Anglais ne connurent la cause que longtemps après, les obligea à quitter un lieu si funeste. Ils se rendirent à Manhatte, où ils apprirent en arrivant que les vaisseaux d'Angleterre destinés à faire le siége de Québec n'étaient point venus à Boston, qu'ils avaient été envoyés à Libourne, où le mauvais succès des armées portugaises sur la frontière de Castille au commencement de cette campagne ( guerre de la succession d'Espagne) faisait craindre que le roi de Portugal (allié des Anglais) ne fût contraint de faire son accommodement avec l'Espagne, s'il n'était promptement

secouru..

A peine échappé à ce danger, M. de Vaudreuil se vit en présence d'un autre non moins redoutable. On lui annonça, peu de mois après (1710), qu'une nouvelle flotte anglaise était arrivée devant Boston et était destinée à assiéger Québec quand elle se serait emparée du Port-Royal, la capitale de l'Acadie, province canadienne dont nous avons évité de parler, afin de suivre plus aisément le fil des événements relatifs au Canada proprement dit. Cette nouvelle n'était point fausse, et malheureusement les Anglais vinrent à bout d'exécuter la première partie de leur plan : Port-Royal succomba. Dans ces conjonctures difficiles, M. de Vaudreuil déploya une vigueur, une énergie au-dessus de tout éloge. Les Iroquois, caressés à la fois par lui et par le gouverneur de la Nouvelle-York, hésitaient : il appela aussi tôt à lui les sauvages de la rive gauche des lacs Ontario, Erié, Huron et Michigan. Ceux-ci accoururent, firent la paix avec les Iroquois de la rive droite et les continrent par leur seule présence. Cependant la flotte anglaise approchait. M. de Vaudreuil et ses lieutenants, disputant de zèle, d'activité et de talent, par

vinrent à s'assurer soit de la neutralité, soit du secours des sauvages; et quand à Montréal, aux Trois-Rivières, sur tout le littoral du fleuve, eurent été distribués les faibles moyens de défense qu'avait pu fournir la colonie épuisée, le gouverneur général revint s'enfermer dans Québec avec les braves et fidèles Abénaquis. Le 9 septembre (1710) quatrevingt-dix voiles anglaises s'avançaient dans le Saint-Laurent, pendant qu'une armée de cinq à six mille hommes se dirigeait de la Nouvelle-York sur Chambly. Le 30 du même mois cette même flotte était dans les eaux de Gaspé, et le 7 octobre suivant elle était disparue! Vaudreuil courut alors au-devant de l'armée de terre: comme celle réunie l'année précédente, elle n'avait pas attendu l'ennemi! On n'eut que plus tard le mot de cette nouvelle énigme : la flotte avait fait naufrage vers les Sept-Iles, noa loin de Gaspé; cette nouvelle parvenue à l'armée de terre y avait répandu la terreur, et ainsi avait été rendue inutile la plus redoutable entreprise qui eût encore été faite contre la colonie francaise. M. de Vaudreuil fit rendre, peu de jours après, les derniers devoirs à trois mille cadavres trouvés épars sur les rivages du Saint-Laurent, et rapporta, comme trophée, à Québec, le ridicule manifeste que l'amiral Jean Hill avait préparé pour être répandu dans le Canada, dont il avait beaucoup trop facilement espéré la conquête. L'année 1711 s'écoula paisiblement. De nouveaux bruits de guerre vinrent troubler encore la colonie en 1712; mais tout se borna à la continuation des querelles et des raccommodements successifs qui depuis si longtemps constituaient l'état habituel de nos relations avec les sauvages, et surtout avec les Iroquois. Nous eumes pourtant affaire dans ces derniers temps avec une tribu, celle des Ontagamis ou Renards, qui jusqu'alors nous avait assez peu occupés. Il fallut aller à eux, les combattre, les assiéger longuement dans le dernier refuge où leurs plus vaillants guerriers s'étaient renfermes: mais enfin on emporta la place, et les autres sauvages, nos auxiliaires, ne nous délivrérent que trop complétement de ces imprudents aggresseurs. Enfin le traité d'Utrecht, signé le 11 avril 1713, vint met

tre un terme, ou plutôt suspendre cette longue lutte dans laquelle tant de sang avait coulé, et qu'avaient signalée tant de lamentables épisodes. Avant la fin des négociations, les gouvernements de la Nouvelle-France et de la NouvelleAngleterre avaient reçu de leurs souverains l'ordre de faire cesser les hostilités; quelque temps après, ils apprirent que la reine de la Grande-Bretagne venait de se détacher de la ligue qui avait entrepris de détrôner le roi catholique Philippe V. Cet événement fut singulièrement favorable au gouvernement de Boston, obligé de se défendre contre les Abénaquis; mais le cabinet de Londres n'en était pas moins déterminé à ne rien céder sur la question de l'Acadie, d'où les troupes tenaient tout le Canada en échec. Louis XIV se montra accommodant par nécessité : les difficultés qui le pressaient en Europe ne lui permet taient pas de se montrer trop susceptible sur les sacrifices qu'on exigeait de lui en Amérique. Il abandonna aux Anglais la baie d'Hudson, l'Acadie, l'île de Terre-Neuve et les îles adjacentes, où il ne fut réservé aux Français que quelques plages sans fortifications. Il renonça, en outre, à ses droits sur les cinq cantons iroquois. Ce dernier article, par lequel Louis XIV donnait ce qui ne s'était jamais reconnu pour sien, fut à peu près de nul effet. Les Iroquois des bords des lacs se considérèrent si peu comme sujets ni anglais ni français, qu'en 1714 ils vinrent offrir leur médiation à M. de Vaudreuil pour le cas où serait de nouveau rompue la paix qu'on leur disait définitivement établie. Quant aux Abénaquis, plus loin de nous et plus proches des Anglais, ils ne voulurent entendre à aucune proposition de se reconnaître dépendants de la Grande-Bre tagne en vain recourut-on à la force pour les y contraindre; ils restèrent les maîtres chez eux, et ce ne fut que par ruse qu'on parvint à fonder un petit établis sement au milieu d'eux, à l'embouchure du Kinébequi. Quoi qu'il en soit, l'Angleterre était satisfaite, en attendant mieux. Elle possédait l'Acadie, but de ses constants efforts, les pêcheries de Terre-Neuve lui appartenaient; rien ne troublait plus ses établissements de la baie d'Hudson : elle pouvait attendre pa

tiemment qu'une nouvelle circonstance lui donnât le Canada, qu'elle entourait ainsi au nord, au midi et à l'est. Cette colonie était alors dans un assez triste état. « Le Canada, dit M. de Vaudreuil dans une lettre qu'il écrivait en 1714 à M. de Pontchartrain, n'a actuellement que quatre mille quatre cent quatrevingt-quatre habitants en état de porter les armes, depuis l'âge de quatorze ans jusqu'à soixante. Les vingt-huit compagnies des troupes de la marine que le roi y entretient ne font en tout que six cent vingt-huit soldats. Ce peu de monde est répandu dans une étendue de cent lieues. Les colonies anglaises ont soixante mille hommes en état de porter les armes, et on ne peut douter qu'à la première rupture ils ne fassent un grand effort pour s'emparer du Canada, si l'on fait ré. flexion qu'à l'article XII des instructions données par la ville de Londres à ses députés au prochain parlement, il est dit qu'ils demanderont aux ministres du gouvernement précédent pourquoi ils ont laissé à la France le Canada et l'ile du Cap-Breton. » Un trait, curieux à no tre avis, est celui-ci : Louis XIV avait demandé à M. de la Salle des Canadiens pour peupler les galères. M. de Vau dreuil conseillait à ce même souverain, quelques années plus tard, de peupler le Canada avec des galériens de France. Le P. Charlevoix, qui était au Canada dans le courant de l'année 1720, n'y comptait guère à cette époque que trente mille âmes, dont sept mille à Québec, et signalait la rapidité inconcevable avec laquelle disparaissait la race indigène. Il emprunte ensuite à un mémoire rédigé par MM. Naudot, père et fils, intendants de la colonie, l'explication de l'état de souffrance commerciale dans lequel elle était plongée. Ces deux magistrats faisaient aux Canadiens, et à propos des peaux de castors, le même reproche qu'on leur adresse aujourd'hui encore, mais à propos surtout des bois de charpente. Les Anglais, disaient-ils, ont tenu une conduite bien différente. Sans s'amuser à voyager loin de leurs établis sements, ils ont cultivé leurs terres, ils ont établi des manufactures, ils ont fait des verreries, ils ont ouvert des mines de fer, ils ont construit des navires, et ils n'ont jamais regardé les pelleteries

que comme un accessoire sur lequel ils comptaient peu. »

Cette même année 1720 M. de Vaudreuil mit à exécution le projet qu'il avait conçu pendant la dernière guerre, d'entourer Québec et Montréal de fortifications régulières capables de soutenir un siége. I confia ces importants travaux à M. de Léry, et les colons furent appelés à pourvoir à ces dépenses considé rables. Il eut à peine le temps de mettre à fin sa patriotique entreprise : il mourut à Québec, le 10 octobre 1725, après vingt et un ans d'un gouvernement dont les événements heureux furent en bonne partie le fruit de sa vigilance, et dont les disgrâces n'ont pu lui être imputées. Un fils naturel de Louis XIV, le chevalier de Beauharnais, capitaine de vaisseau, lui succéda en 1726. Pendant dix-neuf ans environ le Canada jouit d'une profonde paix, qui permit à son gouverneur de compléter l'œuvre commencée par M. de Vaudreuil. Tous les moyens furent mis en usage pour développer les forces militaires de la colonie, sans cesse en crainte des Anglais. Le ministère consentit à faire les frais de la construction de nouveaux forts placés le long de l'extrême frontière, et l'année 1731, notamment, vit s'élever celui qui est encore connu aujourd'hui sous le nom de Crown-Point. Des mesures non moins importantes, mais d'un autre ordre, occupèrent M. de Beauharnais. De grands travaux de défrichement et de viabilité furent entrepris. La réforme fut introduite dans les couvents de femmes, où la discipline et les mœurs s'étaient singulièrement relâchées; un édit royal interdit aux jésuites et à tous les ecclésiastiques d'acquérir des biens de mainmorte; un autre prescrivit que les seules lois de France qui auraient été enregistrées au conseil supérieur seraient en vigueur au Canada; et un dernier enfin défendit qu'on construisît une maison d'habitation sur une ferme, ou terre en culture, qui aurait moins d'un acre et demi de front et quarante de profondeur. Bouchette blâme cette disposition, qui, suivant lui, eut pour effet une trop grande agglomération de la population; cela serait peut-être arrivé à la longue, mais il s'agissait de grouper d'abord, dans l'intérêt de leur sûreté, des habita

tions beaucoup trop disséminées (1).

Cependant cet état de paix ne pouvait durer éternellement. Peu à peu les Anglais avaient gagné du terrain, et les limites qui leur avaient été assignées étaient bien loin derrière eux; ils s'étaient même emparés, en 1745, de l'île du Cap-Breton. Le comte de la Galissonnière, qui avait succédé au marquis de Beauharnais (1747), voyant qu'il demandait vainement assistance au ministère, afin de faire régler la question des frontières, que les Anglais transportaient, du côté de l'Acadie, jusqu'au centre du Canada, tandis que nous les placions, nous, proche de l'isthme qui unit l'Acadie au continent, proposa au gouverneur anglais de s'en rapporter à des commissaires qui seraient nommés de part et d'autre à cet effet, conformément à l'une des clauses du traité d'Utrecht. Cet accommodement, accepté, traîna en longueur et ne fut conclu qu'en 1748, par M. de Jonquières, qui était venu remplacer M. de la Galissonnière. Dès l'année suivante cependant le gouverneur de l'Acadie, devenue la Nouvelle-Écosse depuis qu'elle avait été cédée définitivement à la Grande-Bretagne, éleva de nouveaux forts dans la baie de Fundy, sous prétexte de surveiller le Canada, dont il accusait le gouverneur d'exciter les Indiens et les Acadiens à s'affranchir de la domination anglaise. Ces contestations à propos de limites de territoire étaient loin d'être terminées lorsque le baron de Longueil vint remplacer M. de Jonquières, en 1752, et dut lui-même céder presque aussitôt la place à M. le marquis du Quesne de Menneville. Les Anglais cherchaient à s'établir sur les bords de l'Ohio, au sud du lac Erié, dans le voisinage du Mississipi, afin de couper la communication entre le Canada et la Louisiane. Ils faisaient de grands préparatifs pour nous attaquer de ce côté, sous prétexte de secourir les sauvages qu'ils avaient eux-mêmes soulevés contre nous. M. du Quesne et M. Bigot, intendant du Canada, conçurent le projet de former un établissement sur ce point important, et y procédèrent dans le cou

(1) British dominions in North-America, t. I, pag. 439.

8 Livraison. (POSSESSIONS ANGL. DE L'AMÉR. DU NORD.)

8

rant de l'hiver 1753 à 1754. Les écrivains anglais n'ont pas assez d'injures à prodiguer à ce M. Bigot. Bouchette, notamment, n'hésite pas à le signaler comme un prévaricateur, comme un traître dont les méfaits administratifs nous ont été plus funestes que la valeur des soldats anglais, et les mémoires du capitaine Pouchot sont loin de justifier ce haut fonctionnaire : l'administration paraît avoir été étrangement pratiquée au Canada, à cette époque où le désordre et l'immoralité étaient à peu près partout en France. Il semble toutefois qu'il peut y avoir un peu de rancune, de la part des Anglais, contre l'homme assez clairvoyant pour avoir éventé à temps l'une de leurs mines souterraines. Aucune opération militaire, si ce n'est un léger engagement naval sur le banc de Terre-Neuve, n'eut lieu jusqu'en 1755. M. le marquis de Vaudreuil de Cavagnal était venu prendre la place de M. du Quesne. Il amenait de France une flotte commandée par le comte de Macnemara, et composée de neut vaisseaux de cinquante-quatre à quatre-vingts canons, de sept frégates de trente canons, de onze vaisseaux armés en flûte et portant quatre-vingt-cinq compagnies d'infanterie. La flotte retourna en France, et les troupes debarquées furent mises sous les ordres du baron Dieskau. Ce général fut malheureux dès sa première affaire. Le général anglais Braddock, parti du fort Cumberland (NouveauBrunswick ), à la tête de troupes régulières et de milices coloniales, afin d'établir un poste sur l'Ohio, s'était fait battre au fort du Quesne, et lui-même y avait perdu la vie. Washington, qui servait sous ses ordres, rallia les troupes, leur fit rejoindre celles conduites par le gouverneur Shirley et le général W. Johnson. Ce dernier, rencontré par le baron Dieskau, le battit, et le repoussa jusque sous le canon de Crown-Point. « Ce fut peut-être un bonheur pour le Canada que la défaite de M. Dieskau, dit le capitaine Pouchot (1), parce que la cour, se consur les forces du pays, l'aurait nét on aurait été hors d'état de réix entreprises des ennemis. Sur

toires sur la dernière guerre de l'Aptentrionale; Yverdun, 1781.

les instances de M. Vaudreuil, la cour se détermina à faire partir, au printemps de 1756, M. de Montcalm, maréchal de camp, avec des ingénieurs, deux nouveaux bataillons, des vivres, des munitions et des marchandises. » Cet envoi avait un motif plus sérieux. Jusqu'à ce moment le secret de la politique anglaise avait consisté à entraîner la France dans des guerres continentales qui l'empêchaient de se livrer à de grandes opérations maritimes et de préserver ses colonies des invasions étrangères. Ce moyen avait toujours réussi aux Anglais dans les guerres précédentes. Pour la première fois il leur fit défaut au moment de la rupture de 1755. En effet, la maison d'Autriche, sur l'aide de laquelle ils n'avaient jamais vainement compté, était alors en parfaite harmonie avec la maison de Bourbon. Mais bientôt la mauvaise étoile de la France leur mit en main les armes qui leur manquaient. Au lieu de se borner à la lutte navale à laquelle elle avait préludé par des succès éclatants, la France provoqua une guerre de terre en cherchant à envahir l'électorat de Hanovre, patrimoine de George II d'Angleterre. Frédéric de Prusse prit part aux démêlés auxquels donna lieu ce projet. Survint la guerre dite de SeptAns. Les conséquences de ce conflit européen furent à jamais déplorables. Heureux dans leurs premières opérations militaires sur le continent, les Français perdirent presque tous leurs établissements coloniaux; les Anglais leur enlevèrent, dans l'Inde, Chandernagor, Pondichery, Mahé; en Afrique, les forts situés sur le fleuve Sénégal; en Amérique, la Guadeloupe, Marie-Galante, la Dominique, la Grenade, Saint-Vincent, Sainte-Lucie, la Martinique et le Canada. Mais n'anticipons pas sur les événements.

On a pu remarquer que nous ne faisons plus mention des sauvages : ils étaient passés au second rang, depuis que nous avions en tête des ennemis plus redoutables et que nos propres armées, devenues plus nombreuses, ne tiraient plus leurs principales forces de l'adjonction des contingents indigènes. Une douloureuse affaire qui se passa en 1757, après la prise du fort Georges par

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