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Lorsqu'on examine attentivement la marche politique suivie par les Etats-Unis durant cette dernière période, on est frappé de la sagesse prévoyante qui a dû guider cette république dans l'exécution de ses opérations. Quelque vaste que fût sa démarcation en effet, quelque immense que dût paraître un territoire où tous les genres de culture peuvent prospérer, un développement agricole et industriel dont la rapidité est peut-être sans exemple parmi les nations commandait impérieusement la création de nouveaux débouchés. Un simple coup d'œil sur la carte de l'Amérique suffit pour faire comprendre comment la guerre une fois entreprise à propos des événements du Texas, le choix du sénat ne pouvait être douteux dès qu'il s'agirait d'obtenir des dédommagements. Nous n'examinerons pas ici la question de droit, si courageusement discutée naguère par l'un des citoyens les plus éminents des États-Unis (M. Gallatin); nous n'essayerons pas, avec d'autres publicistes, d'examiner ce qui pouvait être fait peut-être pour éviter les désastres de la guerre, une pareille discussion nous conduirait trop loin, et il faudrait un volume entier pour lui donner le degré de clarté convenable. Ce qui reste hors de doute, c'est la persévérance apportée par les Anglais dans cette affaire, ce sont les efforts secrets, mais effectifs, du cabinet de Londres pour détourner un événement dont il a prévu toutes les conséquences, mais qu'il n'a pu éviter. Ostensiblement, la lutte s'est passée entre les États de l'Union et le Mexique; nous nous conten terons donc de spécifier chronologique ment les faits principaux de cette guerre, qui commence à l'adjonction du Texas et qui finit par la cession de la Californie.

Nous ne reviendrons pas ici sur les

événements de 1836 et sur la bataille de San-Jacintho, à la suite de laquelle SantaAnna fut battu. Ainsi que l'a fait remarquer un publiciste distingué (1), il est présumable qu'en secouant le joug du Mexique les habitants du Texas avaient ricaine. Quelques mois après la bataille l'intention des'incorporer à l'Union améde San-Jacintho une proposition formelle fut faite dans ce sens aux États-Unis, mais elle ne fut point agréée; et l'indépendance absolue du Texas fut reconnue par la république dont il voulait faire d'abord partie. On n'a point oublié que la France, l'Angleterre et la plupart des États européens suivirent successivement l'exemple qui leur était donné par la puissance dont l'intérêt était le plus réellement engagé dans cette lutte diplomatique. En 1842 de nouvelles avances furent faites par le Texas, et l'on y répondit par un nouveau refus.

En 1843 un revirement subit a lieu dans la politique des États-Unis. Le président revient sur une décision qui s'est manifestée à deux reprises différentes, et au commencement de 1845 l'adjonction du Texas aux États de l'Union est décidée : cet événement politique toutefois n'a pas lieu sans d'assez longues négociations; et, chose remarquable, il n'est consommé qu'après un premier refus du congrès américain.

S'il était permis d'accepter comme vrais des bruits politiques dans une question qui a cette gravité, nous rappellerions qu'on reprocha au président Tyler de n'avoir pris cette mesure qu'à la suggestion des spéculateurs sur les valeurs texiennes : il eût obéi, dit-on encore à cette époque, à l'espoir d'illustrer son administration et de faire renouveler son élection à la présidence. Selon cet homme d'État, une préoccupation d'une tout autre importance l'aurait dirigé, et il n'aurait songé à un accroissement de territoire qu'en raison de la certitude acquise par lui que l'Angleterre songeait à se faire céder le Texas par le Mexique.

Quoi qu'il en soit, l'incorporation trouva une opposition fort vive au sein du congrès américain; d'une part, on prévoyait la guerre ; de l'autre, quelques

(1) M. Magne, à l'obligeance duquel nous devons plusieurs documents historiques reproduits ici.

esprits généreux craignaient qu'un acte pareil à celui qui venait de se produire n'eût pas aux yeux du monde tout le caractère de loyauté qu'on devait attendre d'une grande république. L'entraînement populaire triompha de ces scrupules.

Nui n'a pu oublier l'effet que produi sit sur le Mexique une mesure que l'on redoutait, mais que l'on ne croyait peutêtre pas imminente; les communications diplomatiques furent interrompues. Cependant, ainsi qu'on l'a dit fort bien, << tout porte à croire que le Mexique n'eût pas pris l'initiative des hostilités si les États-Unis n'eussent jugé à propos d'occuper militairement un territoire en li tige. »

L'écrivain chargé de faire connaître dans cette collection les derniers événements qui ont eu lieu en Amérique a déjà établi comment ce territoire, compris entre le Rio Nueces et le Rio Grande, fut envahi; il a signalé les premiers actes du général Zacharie Taylor et l'habileté de ce chef militaire devant Matamoros; il a passé en revue les incidents qui furent la suite de cette première conquête: nous ne reviendrons point sur ces dé tails, mais nous dirons qu'après les dernières révolutions du Mexique, à la suite desquelles Santa-Anna, revenu de l'exil, s'empara du pouvoir, Taylor transporta le théâtre de la guerre sur un territoire qui se croyait sans doute à l'abri d'une telle invasion. Après une marche des plus pénibles dans l'intérieur, il arrive devant Monterey, que défendait une armée à peu près égale à la sienne; il lutte durant les journées des 21, 22 et 23 septembre 1846, et oblige enfin l'ennemi à capituler. Un armistice de deux mois est le résultat des conventions provisoires stipulées entre les deux généraux; mais cet armistice n'obtenant pas la sanction du gouvernement américain, les hostilités recommencent. La ville de San-Luiz tombe au pouvoir de Taylor, et, après quelques hésitations causées par des ordres contradictoires, ce chef militaire, d'une habilité incontestable, expédie la meilleure partie de sa petite armée au général Scott, qui doit pénétrer dans le Mexique par la Vera-Čruz; puis il rentre dans Monterey (1), et se re

(1) Il ne faut pas confondre cette place, qui

plie sur Saltillo, petite ville appartenant à l'Etat de Chohahuila et Texas, et que l'on peut considérer comme la plus florissante et la plus peuplée de ces contrées, encore désertes.

La ville de Tampico, attaquée par mer, tombe au pouvoir des Américains le 14 novembre.

Cependant les opérations militaires qui ont l'intérieur pour théâtre continuent avec activité le général Taylor, qui n'a gardé avec lui que quatre mille hommes, est attaqué par Santa-Anna, à la tête d'une armée trois ou quatre fois plus forte. Ceci nous conduit jusqu'en février 1847. Dans les derniers jours de ce mois tout fait prévoir une action décisive; mais alors s'engage entre les deux chefs une correspondance dont le caractere n'échappera point certainement au futur historien de ces évenements, et dont l'is sue glorieuse place Taylor au rang des hommes éminents de l'Amérique.Somme de se soumettre, parce qu'il va se voir enveloppé par vingt mille hommes, qui tailleront infailliblement sa petite armée en pièces; mis en demeure de se rendre à discrétion, en profitant d'un sentiment d'estime généreuse, qui lui trace ces conditions suprêmes, il remet au parle mentaire de Santa-Anna ce peu de mots: « En réponse à votre lettre de ce jour, me sommant de me rendre à discrétion, permettez-moi de vous dire que je refuse. » Le 22 et le 23 on se bat avec éner gie; la victoire de Buenavista reste au général Taylor.

Le débarquement des Américains non loin de Vera-Cruz s'effectue dans les premiers jours de mars 1847; douze mille hommes vont agir sous les ordres du général Scott. La Vera Cruz se rend le 29 mars.

Lorsque l'on écrira avec quelque détail l'histoire si curieuse de cette campa gne mémorable, l'attaque des défilés du Cerro-Gordo, réputés jusque alors impre

fait partie de l'Etat de Nuevo-Leon, avec la célè

bre mission. San-Luiz-Potosi, dont il est question plus haut, est à 150 lieues de Mexico, et renferme 20,000 habitants. « Autrefois, dit Nebel, San-Luiz était cité à cause de ses mines, qui pou vaient rivaliser avec celles de Potosi.» Ce fut ce qui lui valut le surnom qu'elle porte. Ces beaux jours sont passés, ajoute le voyageur. Voy. Voyage pitt.et arch. dans la partie la plus interessante du Mexique; Paris, 1846, in-fol.

nables, occupera une place à part dans les annales des États-Unis. Les journées du 17 et du 18 avril 1847 sont glorieusement remplies: six mille prisonniers mexicains tombent au pouvoir de leurs adversaires, trente pièces de canon, un bagage considérable viennent grossir les moyens d'action du général Scott. SantaAnna lui-même ne doit son salut qu'à la fuite. Après l'attaque du Cerro-Gordo, les Américains emportent successivement Jalapa, Puebla, Perrote, Mexico. Nous n'avons rappelé sommairement ces événements divers que pour faire saisir dans leur ensemble les incidents qui ont lieu dans la Californie. Tandis que cette suite d'actions glorieuses fait tomber la capitale du Mexique au pou voir de l'ennemi, qui la frappe d'une contribution, la flotte américaine bloque les ports de la mer Pacifique. Monterey, San-Francisco, deviennent des ports américains; et les victoires remportées sur les bords de l'océan Atlantique assurent aux États de l'Union la possession de magnifiques mouillages, qui sur une autre mer ouvrent de nou. veaux débouchés à leur commerce,

Les rares habitants des vastes solitudes de la haute Californie ne restent pas indifférents aux luttes qui ont lieu pour la même cause sur deux rivages bien opposés. Un officier des États-Unis dont nous avons eu plus d'une fois occasion d'invoquer les lumières en matière de topographie, le colonel Fremont, ne se contente pas d'étudier en voyageur intrépide ces régions presque ignorées; il stimule les populations des campagnes, pour qu'elles s'unissent à un peuple actif, qui saura créer d'innombrables éléments de richesse dans ces lieux presque inexplorés. L'indépendance avait été proclamée à Sonora dès le 5 juillet 1846; grâce aux efforts du colonel, dès que la déclaration de guerre est connue le drapeau des Etats-Unis remplace le drapeau arboré par les indépendants. Ces faits caractéristiques, qui se passent à une si grande distance, sont neanmoins trop rapprochés de notre époque pour que nous en signalions les détails. Ce que l'on peut dire dès à présent néanmoins, c'est que les efforts incessants de l'Angleterre pour s'opposer à un envahissement calculé, chez une puissance qu'elle

redoute dans ces parages, sont plus que jamais évidents. Le colonel Fremont a démontré qu'une vaste cession de terrain devait être faite à un ecclésiastique irlandais (1) dans la haute Californie, pour y établir, sur la plus grande échelle, une colonie, qui, tout en conservant son influence religieuse, se fût développée à l'abri de la protection du pavillon britannique (2).

Après la prise de Mexico, des guerillas nombreuses s'étaient formées dans l'intérieur, avec l'intention de disputer aux Américains une conquête qu'ils regardaient comme accomplie. La basse Californie n'a pas été exempte des dévastations qui suivent toujours ces corps francs. On avait appris par Mazatlan, au commencement de 1848, que des guerillas, sous le commandement de Mijares, avaient dirigé leur attaque contre le Cap, et s'étaient vus complétement détruits après avoir perdu leur chef. La Paz, plus avant dans le nord de la Péninsule, avait été aussi le théâtre d'un sanglant conflit entre les guerillas, que commandait le capitaine Pineda, et les Américains. La ville avait été réduite en cendres, durant le combat; les Mexicains avaient été en définitive repoussés.

Cette guerre de partisans, dont le moindre inconvénient est de retarder le progrès de la civilisation dans ces régions lointaines, ces luttes partielles, dont nous comprenons le mobile, mais qu'on apaisera promptement, perdent tout leur intérêt en présence de la convention diplomatique qui a reçu sa dernière sanc tion. Le 2 février 1848 un traité a été

(1) M. E. Mac-Nemara. Le territoire qu'il vou lait obtenir est arrosé par le Rio San-Joaquin. (2) Si l'on s'en rapporte, du reste, aux journaux qui citent la propre opinion du colonel, les autorités mexicaines établies en Californie

auraient, par des concessions successives, pour

ainsi dire converti ce vaste territoire en une sorte de propriété britannique; elles auraient même engagé les missions et autres domaines de l'Etat, soit comme garanties, soit comme indemnités de services rendus au gouvernement, soit encore comme restitution de sommes avancées. Ces cessions étranges, faites, dit-on, à la hate, manqueraient néanmoins des formalités indispensables pour les rendre valables.

En ce moment le colonel Fremont demande des indemnités pour la Californie; il divise les réclamations en deux catégories; d'abord les dettes contractées sous l'état d'indépendance, puis celles qui proviennent des guerres avec les Eats-Unis.

signé dans la ville mexicaine de Guadalupe-Hidalgo, qui met fin aux hostilités entre les deux républiques. Les parties contractantes étaient représentées du côté des États-Unis par M. N. P. Trist, du côté du Mexique par D. Luis G. Cuevas, D. Bernardo Conto et D. Miguel Atristain. Le 10 mars 1848 ce traité a été ratifié par le sénat des États-Unis, à une immense majorité. Par l'article 5 des conventions on voit qu'un immense territoire est cédé aux États de l'Union; il se compose du Nouveau-Mexique et de l'immense région (1) qui a été désignée jusqu'à présent sous la dénomination de haute Californie. Ainsi que le dit fort bien un écrivain améri-' cain, il pourrait suffire à l'établissement de cinq ou six royaumes tels que l'Europe les entend. En compensation de ce prodigieux accroissement de limites, le gouvernement des États-Unis s'engage à payer au Mexique la somme de quinze millions de dollars. Des conditions libérales sont faites aux sujets mexicains; non-seulement on leur garantit à tout jamais le libre exercice de la religion catholique, mais ceux qui, en conservant leurs biens, ne voudraient pas acquérir la qualité de citoyens américains, sont libres de le faire, pourvu qu'ils spécifient leur choix avant l'expiration de l'année, à partir de la signature du traité. Considérant en outre que le vaste territoire cédé renferme un grand

(1) La ligne de division établie entre les deux républiques devra commencer dans le golfe de Mexique, à trois lieues du terrain opposé à l'embouchure du Rio-Grande, appelé autrement Rio-Bravo-del-Norte, ou opposé à l'embouchure de sa branche la plus considerable s'il y

a plus d'une branche courant directement vers la mer.

Les limites sud et ouest du Nouveau-Mexique mentionnées au traité sont celles qui sont tracées sur la carte intitulée: Carte des ÉtatsUnis du Mexique tels qu'ils ont été organisés et définis par divers actes du congrès de ladite république, la carte ayant été construite d'après les meilleures autorités. Edition revue, et publiée à New-York en 1847, par Jean Disturnetl. Une copie de cette carte est annexée au traité portant les signatures et les sceaux des parties soussignées ; et dans le but d'obvier à toutes difficultés, lorsqu'il s'agira d'établir sur le terrain les limites qui doivent séparer la haute

et la basse Californie, il est convenu que ladite limite consistera dans une ligne étroite tracée au milieu du cours du Rio-Gila, au lieu où ce

nombre de tribus sauvages dont les incursions pourraient porter un dommage extrême à l'État limitrophe, les ÉtatsUnis s'engagent à réprimer ces mouve ment hostiles, comme s'ils étaient dirigés contre leurs propres citoyens, établis sant d'ailleurs qu'il ne pourra jamais être acquis des Indiens aucun cheval, mulet, pièce de gros bétail, ou enfin objet quelconque ayant appartenu aux Mexicains (1). Il est évident qu'après avoir obtenu par la force des armes cette vaste concession, si longtemps désirée, les États-Unis ne demandent pas mieux aujourd'hui que de vivre en bonne intelligence avec leurs voisins, et qu'ils souhaitent même favoriser autant qu'il est en eux la faible population, si digne d'intérêt d'ailleurs, qui anime ces vastes solitudes. Ajoutons à toutes ces considérations que l'ancien traité de commerce et de navigation conclu à Mexico le 5 avril 1831, entre les deux républiques, est prorogé de huit ans à quelques modifications près. Il ne faut pas éten dre bien loin ses regards en politique pour comprendre l'immense changement qui va s'opérer dans ces régions qui ont compté pour si peu jusqu'à présent dans la balance générale des intérêts du globe. Sans aucun doute la pensée prévoyante qui préside avec tant d'intelligence progrès rapides des États-Unis a tracé sur la carte servant de base aux traités de limites, des plans de cités commercia les, des chef-lieux d'établissements agri. coles, qui en moins d'un siècle pourront changer complétement l'aspect de la contrée; d'ici à ce temps, l'action lente, mais persévérante, qui tend à modifier le système politique et commercial des Chinois, aura probablement produit son effet. Le Japon lui-même aura vu ébranler les bases de son immobile théocratie; son industrie cherchera peut-être de nouveaux débouchés; enfin les nombreuses cultures établies dans les îles Sandwich porteront sans doute alors leurs fruits. Quels ports plus favorables à leur com merce pourraient donc trouver ces divers Etats, que ceux qui s'ouvriront sur la côte de la haute Californie! Quels

aux

(1) Ce traité a été reproduit par le Weekly

fleuves'unit au Rio-Colorado lorsqu'il se rend à Herald, qui se publie a New-York, numéro da

la côte de l'océan Pacifique.

20 mars 1848.

moyens de se mettre en rapport avec l'Europe pourraient être plus sûrs et plus rapides! Sans compter la voie naturelle ouverte par les fleuves, déjà l'on parle d'immenses chemins de fer traversant le continent américain et venant amener les produits de l'Orient dans les ports les plus fréquentés des États de l'Union. En présence de cette prospérité nouvelle, due à l'appréciation tardive d'une région presque abandonnée, on est bien tenté à coup sûr de répéter ces paroles d'un voyageur philosophe : « Le maître de l'univers, simple et uniforme dans sa marche, varié dans ses opérations, a

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